Les gorges de la Nesque, en passant par la chapelle St-Michel et l’homme de Néandertal (1)


Plan d’eau de Monieux – belvédère du Castellaras

Voir la suite du parcours dans les gorges de la Nesque (2).

Dans ce canyon interdit, expression que j’emprunte volontiers au numéro hors-série de Pays de Provence Côte d’Azur, balades & randos, édition 2007, on accède à un monde étrange où l’on s’attend à croiser quelque aventurier en recherche de sensations. Grand avantage l’été : pas d’interdiction de circuler dans la région du Ventoux, le village de Monieux étant situé en zone A (voir note sur l’interdiction de circuler dans les massifs forestiers en Provence 2007)
IMG_4416r.JPGimg_4414r.JPGBob a préparé l’itinéraire avec sérieux, emmenant à la fois carte et GPS. Ti’Mars… et moi lui faisons confiance. Nous traversons quelques champs remplis de chardons géants et cardères sauvages dont les feuilles recourbées servent d’abreuvoir aux oiseaux. Dès le départ du plan d’eau de Monieux – lac du Bourguet dans lequel seuls les canards aiment se baigner -, la Nesque, qui prend sa source à Aurel (84), sur le flanc est du Mont Ventoux, est à sec et cela nous surprend. Elle ne possède pas de gros affluents, et reçoit, dans la partie amont de son bassin versant, les eaux de nombreux talwegs généralement à secs. Les écoulements s’interrompent dans les gorges … Ils redeviennent pérennes dans la partie comtadine (voir les gorges de la Nesque 2 pour plus d’information sur les pertes de la Nesque).

img_4418r.JPGIMG_4419r.JPGNous empruntons un sentier très étroit qui surplombe les gorges et donne le vertige : je n’ose même pas prendre de photo. Le fond des gorges est invisible, caché par une abondante végétation ; nous passons sous les frondaisons de résineux et feuillus enchevêtrés ; à hauteur des yeux, de l’autre côté du ravin, ce ne sont que des grottes creusées par l’eau. Une heure plus tard, à 615m d’altitude, une autre difficulté : un passage avec crochets dans la roche (photo de gauche) pour descendre quelques mètres plus bas. Bob passe le premier. Je n’ai jamais désescalader de cette façon et j’avoue que je tremble un peu ; finalement, mes compagnons m’encouragent et ça n’est pas aussi difficile que cela. Quelques minutes plus tard, c’est la récompense ! près du lit du torrent, la chapelle Saint-Michel est là, avec ses trois rangs de génoise (habitude locale depuis le milieu du XVIIème siècle), blottie sous la grotte à étages,  restaurée plusieurs fois, dont une en 1643 comme en témoigne la date inscrite dans la pierre au-dessus de la porte.

ermitage_st_michel_nesque_1900_A_Martel.jpgIMG_4423r.JPG « ses remous [ndlr : les remous de la Nesque] ont pratiqué… des creux assez profonds pour devenir de véritables cavernes, parfois superposées en plusieurs étages comme, par exemple, les trois énormes affouillements qui surplombent l’antique ermitage Saint-Michel. » Extrait de Nature, la Revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l’industrie, E.A. Martel, Masson et Cie éditeurs, Paris, 1903 (photo de gauche prise au début du XXème siècle). Le rez-de-chaussée est occupé par la chapelle ; pour accéder au 1er étage, IMG_4425r.JPGIMG_4471r.JPGoccupé à l’époque néolithique, il faut monter à l’échelle étroite sur la droite de la chapelle, la sortie est lisse ; pour le 2ème étage, il suffirait de monter à une autre échelle très raide mais nous ne l’avons pas tenté. Quelques cordes pendent au plafond. L’espace de la grotte a été astucieusement utilisé puisque l’abside est coincée totalement sous le rocher. Une image de Saint-Michel est peinte sur la porte. Au XIXème siècle, c’était encore un lieu de pélerinage. Les nombreux écrits déposés par les randonneurs demandant lachapelle.JPG à Saint-Michel de protéger leur famille en sont encore une réminiscence (Ti’Mars… sur l’échelle, photo de Bob13). Je suppose que le cippe votif gallo-romain1 est la colonne sur laquelle repose la table autel aujourd’hui. A y regarder de plus près, je pense qu’une entrée d’origine a été comblée et devait autrefois communiquer avec l’ermitage : un crucifix a été offert et accroché de ce côté en 1888.

IMG_4438r.JPGPourquoi cette chapelle est-elle dédiée à Saint-Michel ? cette histoire est peut-être un début d’explication. En l’an 492, un homme, nommé Gargan, faisait paître dans la campagne ses nombreux troupeaux. Un jour, un taureau s’enfuit dans la montagne et se réfugia dans une caverne. On lui décocha une flèche qui revint blesser celui qui l’avait tirée. Après trois jours de jeûne et de prières, l’Archange saint-Michel apparut à l’évêque et lui déclara que cette caverne était sous sa protection, et que Dieu voulait qu’elle fût consacrée sous son nom et en l’honneur de tous les Anges. Une chapelle y fut édifiée.

Les églises rupestres : Saint-Pons de Valbelle, Saint-Michel de la Nesque, Saint-Eucher de Beaumont, Les Alpes de Lumière, n°46, 1969

Nous quittons la chapelle pour tenter de rejoindre le belvédère ; mais ça se complique ; le GPS ne capte plus au fond des gorges et nous faisons de nombreux allers et retours inutiles dont une montée et une descente le long d’un câble métallique. Près d’abandonner, nous entendons des voix quelques mètres au-dessus de nous ; une falaise nous en sépare. A droite, impossible de les rejoindre. A gauche, une montée raide nous permet de rejoindre le groupe de danois accompagné d’un guide local. Ouf ! il va pouvoir nous aider. Face à notre carte, il hésite à nous situer. Je ne retiens qu’une chose : ne pas continuer dans les gorges sous peine d’être complètement bloqué et ne plus pouvoir remonter. Nous tombons sur un site archéologique complètement fermé. La pancarte est illisible. Il existe de nombreuses grottes préhistoriques dans les gorges de la Nesque dont le célèbre abri sous roche du Bau2 de l’Aubesier. Serait-ce celui-là ?

Je remercie Francis Hervieux pour son aide à l’identification du site et les références bibliographiques ; clin_d_oeil15491.gifoui, je retournerai dans les gorges, un jour de pleine lune… * ARCHÉOLOGIE EN PROVENCE : BAU DE L’AUBÉSIER, 1998.
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Marseilleveyre et la grotte Saint-Michel d’eau douce


img_3829.JPGEn route pour le massif de Marseilleveyre depuis le parking à la sortie des Goudes. En provençal, cela signifie voir Marseille. J’ai décidé de monter jusqu’à la grotte Saint-Michel (221m) ; j’ai lu quelques commentaires de geocacheurs enchantés d’avoir découvert le parcours de Ti’Mars… aux Goudes (7 chasses au trésor en un seul circuit de randonnée !) et j’ai vu quelques photos sur le site Week end et tourisme en Provence. La première montée est caillouteuse. Après le croisement avec le GR51-99, le sentier sinue ensuite en larges boucles. J’aperçois bientôt l’imposante barre rocheuse verticale du rocher Saint-Michel. Je croise alors une famille dont les enfants impatients ne cessent de poser LA question « Quand est-ce qu’on arrive ? ». Le père est un enfant du pays qui jouait autrefois dans la grotte et vient aujourd’hui pour la faire découvrir à ses enfants. Il me parle de la grotte de l’ours et celle de l’ermite. Même si sa femme ne m’a pas cru, la grotte de l’ermite a bien abrité autrefois un religieux napolitain.

La météo aujourd’hui à cet endroit :
Direction du vent et température ressentie

grotte-de-lermite.jpgA Saint-Michel d’Eau Douce, et dans la grotte de l’Ours, on a retrouvé des silex taillés, des haches polies qui prouvent qu’une peuplade y vivait au néolithique. La grotte de l’ermite (photo extrait du site Topo des calanques/Goudes/grotte de l’ermite), au nord-est de celle-ci, a abrité au moyen-âge, un ermitage et une petite chapelle troglodytique qui portait le nom de Saint-Michel d’eau douce. Elle fut donnée en 1395 au frère ermite François. Au XVIIème siècle, elle portait le nom de San Miquel de Ayga Dossa. Saint-Michel d'Aigue-DouceEn 1980, on pouvait encore voir les vestiges du mur de clôture, des traces d’aménagement dans le rocher mais il n’y a plus aucune trace de la chapelle. Dans un acte de propriété foncière des archives de Saint-Victor, il est fait mention d’une source vraisemblablement située dans la grotte Saint-Michel actuelle ; [ndlr : elle serait dans une crevasse à main droite, au fond de la baume ; si elle tarit, c’est signe de malheur. L’eau de ruissellement recueillie dans un ‘bénitier’, aurait de merveilleuses vertus]. L’ermitage a été abandonné après 1751. Extrait d’un article de Anne-Marie Durupt, Les portes des calanques, oct. 2005

img_3851.JPGimg_3848.JPGLe sentier se rétrécit et nécessite de plus en plus d’attention. Il grimpe de façon continue et je dois prévoir quelques arrêts pour souffler. Je ne vois toujours pas la grotte. Soudain la famille s’arrête et suit l’index du père désignant un trou dans le rocher ; des dégoulinades, qui ont laissé des traces noires sur le rocher, semblent s’y perdre : c’est la grotte Saint-Michel dont une des salles reçoit l’eau de pluie par infiltration et ruissellement. J’escalade le pas glissant de l’entrée puis me plante face à l’intérieur de la grotte, pour la surprise des yeux. img_3857.JPGElle est grande, humide, fraîche. Des stalactites ont sculpté le plafond. Une zone dangereuse est signalée sur la gauche, une autre face à moi est protégée par une corde. Derrière, une pente humide et glissante conduit à une des chambres dont on devine l’entrée étroite. Je vois dans les yeux du père de famille qu’il est heureux d’avoir retrouvé le terrain de jeu de son enfance. img_3855.JPGimg_3871.JPGimg_3867.JPGIl me propose d’aller explorer la grotte au delà de la corde. Malheureusement, je suis attendue et n’ai pas le temps de le suivre. Muni d’une lampe-torche, il s’aventure dans le noir avec ses plus grands enfants. De là haut, le cap Croisette et l’île Maire se dessinent avec netteté sur le ciel bleu.

Je continue la randonnée sous le rocher de Saint-Michel où des voies de 70m font le bonheur des amateurs d’escalade.  Sous le rocher des Goudes, je m’arrête pour voir l’ancienne vigie (devenue refuge des Excursionnistes marseillais) et la calanque de Callelongue, là où on ne va pas plus loin par la route. Au 15ème siècle, des postes de guet situés sur des points élevés, permettaient,  par des signaux visuels transmis de l’un à l’autre, de prévenir Marseille de l’approche de galères espagnoles, génoises ou autres. La vigie du sommet de Marseilleveyre (photo de droite), en liaison avec celle des hauts de Riou (XIIè siècle) prévenait d’éventuelles attaques de barbares. La descente vers la calanque parmi les pierres qui roulent sans arrêt, est un peu fatigante mais la perspective d’un poisson bien frais mangé au Cap Croisette1, est très motivante.

img_3891.JPGC’est un lieu bien particulier, dépaysant, sauvage. On n’y accède qu’à pied après avoir marché sur un sentier bétonné puis sur un sentier de terre qui se perd dans les rochers couverts de tapis d’asterolides maritimes, ces fleurs img_3894.JPGjaunes poussant entre les rochers, que vous ne trouverez qu’ici, caractéristiques d’un milieu marin sec et exposé au vent. Un ravissement de couleurs. C’est le secteur le plus sec de France : les précipitations annuelles n’y sont en moyenne que de 300 à 400 mm, contre par exemple 500-600 mm par an à Marseille. Le creux d’un rocher du côté de l’anse de la Maronaise2 ne ferait-il pas une bonne cache ? img_3878.JPGLa randonnée se terminera finalement à la pointe Croisette, avec vue sur l’île Maire, devant un loup dont le goût frais me fait encore saliver…

Merci au geocacheur Ti’Mars… pour le grand bol d’air marseillais ; il y a dans ce parcours tout ce que peut aimer un randonneur curieux. Pour le début du circuit au fortin des Goudes, voir dans ce blog le reportage de FR3 Méditerranée.

Itinéraire dans le massif de Marseilleveyre les Goudes – Callelongue

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1Croisette : autrefois les petites croix qui se succédaient sur la pointe, en hommage aux nombreux naufragés de la marine à voile (passage étroit avec courant fort à cet endroit)
2Maronaise : d’après les gens du coin, il s’agirait plutôt de la mahonnaise depuis qu’une mahonne, chaland de port à forme très arrondie utilisé en Méditerranée, repose à l’entrée de la calanque. En 1989, l’anse portait le nom de Mongenet (extrait du journal n6, Association La Porte des calanques, mai 2006)

le Plan des Vaches et les dents de Roque Forcade


img_3152.JPGimg_3136.miniature.JPGRandonnée atypique à la Sainte Baume que celle qui mène à Roque Forcade. Depuis le parking, je vois bien cette dent qui a l’air si proche mais l’itinéraire conseillé par jdelsanti pour rejoindre sa cache Toits de Provence, n’a pas prévu d’accès rapide. Je passe donc sous les falaises à partir du col d’Espigoulier et rejoint le col du Cros où se croisent de nombreux chemins et se saluent de nombreux randonneurs (voir dans ce blog trois moyens d’accès à ce col). Le pic de Bertagne, au loin, offre sa façade vertigineuse et caractéristique. Je n’ai pas trouvé immédiatement le tracé bleu, pâle et usé, qui mène aux Dents de Roque Forcade. Deux guides de randonnée m’ont indiqué un mauvais sentier : un autre balisage bleu existe de la glacière au pic de Bertagne en passant par le col du Fauge.

img_3134.JPGimg_3137.JPGLe Plan des Vaches, large, plat et caillouteux, contraste avec la montée étroite et raide que je viens de parcourir : certains s’y sont installés pour le pique-nique. La recherche du balisage est une partie de cache-cache mais il faut avouer que même si on le perd, on se retrouve toujours ! Des cairns ça et là attirent le regard. Dès que je parviens au bout du plateau, ne pouvant aller plus loin, – des falaises sur trois côtés -, la vue me coupe le souffle. Avec le plafond de nuages bas de ce jour, dans une totale solitude à cet instant, j’ai vraiment l’impression d’être sous un toit trop bas : sensations inattendues d’oppression mais sentiment d’avoir les plus beaux paysages pour moi seule.

pano roque forcade.miniature.jpg

De là, je vois ma voiture au col de l’Espigoulier ; je songe un moment à descendre par un trajet plus rapide mais je ne connais pas le meilleur passage pour descendre. Je saurai plus tard qu’un mauvais choix aurait pu s’avérer très pénible et dangereux…

Itinéraire 2h15, 7.730km, dénivelé 220m : col de l’Espigoulier – Roque Forcade

Pour les sportifs, sachez qu’on peut faire du  canyoning dans les cascades en dessous de Roque Forcade ou voler au-dessus de la Sainte-Baume (Photos aériennes au dessus de la Sainte-Baume et Roque Forcade)

De la neige, beaucoup de neige, 31 janvier 2003