Au pied du rocher de Castellas


L‘idée première était de se rapprocher du rocher de castellas de la Roque et l’apercevoir sous toutes ses faces : nous l’avions vu d’en haut, depuis le rocher tout proche ; mais c’était sans compter sur l’hostilité de l’environnement et sur une modification de dernière minute par mon compagnon de route. Le tour est devenu le pied…

Garés sur la carraire des Trisonnes1 près du terrain de sport, nous abordons rapidement l’intersection avec le sentier du vallon de Castellas et celui de la Bastide du Juge ou Trasloussery2. Le carrefour est marqué de plusieurs croix matérialisant un ancien chemin de croix dont la dernière station se trouve sans doute sur la crête.

Les forestiers de l’ONF ont installé un barrage à l’entrée du vallon du Castellas (autrefois Grand Vallon) ; pour contourner la zone de travaux, nous passons dans un champ à gauche et retrouvons le sentier plus loin ; beaucoup de champignons dans cette forêt de pins d’Alep, pas comestibles mais un pissacan (bolet granulé) de la famille des bolets.

Longtemps considéré comme un champignon comestible, il a été déclassé en raison d’une toxine encore mal connue qui serait la cause d’un pouvoir laxatif et peut être encore plus néfaste sur le long terme. Quoi qu’il en soit, il n’était pas d’un grand intérêt culinaire. site les-champignons.net

Une deuxième équipe de l’ONF barre le sentier mais au delà pas de problème. Des bornes avec croix rouge et numéro accompagne le balisage jaune : limite de la forêt communale (2.8 km2 soit plus grande que la forêt du domaine départemental de Caireval). Le sentier monte en douceur jusqu’à l’intersection avec LE sentier qui doit nous mener au pied du rocher. J’ai consulté la carte hier soir : une montée dans la pente, sans virages qui atténueraient la difficulté, courbes de niveau serrées, 152 m de dénivelée sur une distance à parcourir courte de 450 m, soit une pente soutenue de 33% ; j’ai mis en garde mon compagnon de route qui, confiant malgré tout, a entamé la montée. Et comme c’est la pente d’un ancien ruisseau, ce ne sont que des cailloux qui ne demandent qu’à dévaler la pente.

Je tente de constituer un appui pour le pied en donnant des coups dans les cailloux avec la pointe du pied ; je sue à grosses gouttes, pas le temps de faire des photos. Et plus on monte, plus la pente devient raide. Au dernier tiers de la montée, nous nous séparons tout en restant à portée de voix, pour s’assurer que tout va bien : André dans les bois hostiles, moi dans la pente caillouteuse. Parfois je redescends d’un demi mètre et il faut que je me déporte sur le côté ; le sentier devient terre et cailloux, c’est mieux ; je mets les mains et atteins finalement la vue sur le castellas d’en bas. Il m’aura fallu 1h15 pour parcourir 450 m, je vous laisse calculer la vitesse horaire ! Quand André sort du bois, je constate qu’il n’est pas en meilleure forme que moi.

Mais ce n’est pas fini ! Il nous faut contourner le rocher puis y monter pour retrouver le sentier de notre première visite. Nous faisons un essai d’escalade, chacun de notre côté, sans succès. Je me vois mal redescendre dans les cailloux, même le cul par terre ; oui, j’ai bien pensé à l’hélico, au cas où… Finalement, André propose une vraie bonne idée : un sentier qui descend jusqu’au pied du castellas (Au moins, on l’aura vu de plus près).

Alors qu’on se demande encore comment y accéder, Pierre Rey a réussi l’exploit le 31/07/1815 puisque le maire, l’officier de santé et deux propriétaires ont constaté qu’il s’était jeté lui-même en bas du rocher. Un suicide au Castelas (site Geneprovence).

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Bagnols-en-Forêt : circuit des meulières et cascade de Gourbachin


Week-end de Pâques radieux ; avec une seule nuit dans un hôtel B&B à Roquebrune-sur-Argens, je vais pouvoir faire deux randonnées à la journée. J’ai imaginé un circuit qui me ferait découvrir la meulière de Bagnols-en-Forêt et la cascade de Gourbachin. Partie du centre de Bagnols-en-Forêt, j’aurais forcément un peu de route à parcourir.

Bulletin de la Société d’études scientifiques et archéologiques de Draguignan et du Var, 1976, Guy Desirat, pp.39 et suiv.

Bagnols est un village resserré en longueur et en pente : je descends donc jusqu’à la route qui contourne le village puis descend par la route du Muy vers Maupas1. Sur la gauche un sentier en pointillés passe à côté d’un rustique lavoir, alimenté par la Font couverte qui a permis au nouveau village de s’installer ; je traverse la Vauloube, évitant un grand virage de la route.

Pour rejoindre la chapelle Notre-Dame de Pitié, il faut suivre la route pas toujours commode, car sans trottoir ou espace protégé.

La chapelle […] fut construite en 1560 sur les ruines d’une « villa » gallo-romaine édifiée au 1er siècle. Si elle est de belle taille (clocher tour, porche d’entrée), c’est qu’elle a été église paroissiale à l’époque où le village se trouvait dans la plaine ; puis elle a été occupée par des ermites. Des photos du pèlerinage du 15 août, dont l’origine remonterait à 1729 (lien avec la peste de 1720 ?), sont exposées sous le porche.

En face, au carrefour, un vieux puits ; deux directions mènent aux meulières : je choisis le chemin de Bayonne qui est une belle piste traversant la forêt. Dans cet environnement siliceux, l’écorce des chênes-lièges à la peau épaisse et ridée, est passée entre les mains des leveurs de liège, tout un art et une technique.

Deux types de levées de liège ont été effectuées sur le territoire du Muy cet été. […] Ils ont prélevé au total quatre tonnes de liège « femelle », qui serviront à la confection de bouchons. Ensuite, une seconde levée de liège brûlé […]. Les leveurs ont levé environ deux cents arbres en zone difficile d’accès car très embroussaillée. Le liège ainsi récolté sera valorisé dans la fabrication d’isolant.

La récolte du liège : un savoir-faire éprouvé dans le Var

Sur le côté gauche de la piste, un sentier étroit et pentu rejoint le PR du col de la Pierre du Coucou ; je préfère rallonger le circuit mais diminuer l’inclinaison de la pente.

Peu après la station de pompage, le sentier monte dans le bois du Defens ; fortement raviné, il est utilisé également par les VTT dont il vaut mieux surveiller la descente. Après un long passage en sous-bois, je repère de gros blocs rocheux qui annoncent l’approche de la meulière.

De chaque côté du GR, certaines alvéoles représentent les vestiges d’une extraction accidentelle, qui s’est donc mal passée : certaines meules se lézardent, d’autres éclatent en morceaux, ou bien tombent lourdement sur le sol et se brisent. D’autres semblent avoir été abandonnées avant leur extraction de la roche.

La crête des bois de Malvoisin montre, de part et d’autre du GR 51, une « taillerie de meules » entamant des blocs et des bancs de rhyolite amarante. Les meules ont été extraites aussi bien sur un plan vertical qu’horizontal. Deux sortes ont été produites : des meules manuelles (diamètre 59-60 cm, épaisseur 17 cm) et des meules de moulins (133 à 153 cm de diamètre pour 22 à 35 cm d’épaisseur). Il en reste de nombreuses ébauches et alvéoles à tous stades d’extraction. […] Plusieurs tailleries de plus grande ampleur existent sur le champ de tir proche (cf lieu-dit La Peyrière).

Atlas des meulières Provence
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GR69 la Routo : Vauvenargues de la jonction GR9/GR69 à la limite du Var (2)


La Routo entre Aix-en-Provence et la limite avec le Var, est plus variée sur cette partie. La piste du Petit Sambuc1 est large et tranquille. Deux Sambuc : le Petit Sambuc et Saint-Lambert du Sambuc tous deux figurant sur la carte de Cassini mais existant de longue date.

Dans un contrat de 1407 deux hommes reprennent à rente le Sambuc, jusque là tenu par quatre aixois qui ont 360 ovins et 360 chèvres.

Peu avant d’arriver sur la D11, et de passer la barrière DFCI, nous repérons un menhir que l’on attribuerait bien à Raymond Galle, l’artiste découvert dans la première partie…

Le GR se poursuit de l’autre côté de la route. Le GR9, sentier Jura Côte d’Azur et le GR69, cheminent ensemble jusqu’au hameau de Lambruisse ; piste large bordée d’arbres interdite aux véhicules motorisés ; de manière inattendue, le GR69 quitte la piste – qui n’existait pas à l’époque de la transhumance – pour une plus petite, petits cailloux entre les herbes, dans le vallon des Massacans ; nous venons de passer sur la commune de Jouques ; le domaine de Lambruisse est à cheval sur Jouques, Rians dans le Var et Vauvenargues. D’anciennes restanques témoignent du travail des hommes. Le trajet parcouru entre Aix et Lambruisse dans de bonnes conditions, nous a paru bien agréable mais…

…pour les évadés de la maison d’arrêt d’Aix-en-Provence en instance de départ en déportation, ce fut bien différent. Résistants emprisonnés, ils sont passés par le tunnel qui relie la prison au Palais de Justice ; un car était prévu mais à la dernière minute, le chauffeur a fait faux bond. Le 24-04-1944, ils ont rejoint Lambruisse à pied par le chemin de Beauregard, rocailleux, pénible et mal entretenu. Plus de douze heures de marche dans l’inquiétude permanente.

Le GR69 continue vers l’est tandis que le GR9 repart vers le nord. Le domaine de Lambruisse appartient désormais au Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône ; de l’extérieur, nous jugeons l’importance du corps de ferme à 3 étages : rez-de-jardin, rez-de-chaussée et un étage. Les fenêtres sont condamnées, on entre dans l’annexe par une porte différente.

La ferme est occupée par 200 rhinolophes ; l’ancienne étable et la réserve d’eau sont également utilisées par les chauve-souris protégées par un accord entre le département et la Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères.

Le propriétaire en 1823 est Joseph Feissat, auteur d’un mémoire sur la Conservation des bois existant et reboisement des terrains vagues et stériles, résultat d’expérimentations faites sur son domaine. Son histoire est liée à celle de la presse marseillaise, Le Sémaphore de Marseille.

1828, l’imprimeur Antoine Ricard et son neveu Alexandre Demonchy sortent le premier numéro du journal le Sémaphore de Marseille, rue Canebière. Ricard, qui n’est plus très jeune, veut passer la main. Son neveu trouve un commanditaire associé : Joseph Feissat Aîné qui a géré le domaine de Lambruisse au début du XIXe ; il a créé une revue mensuelle agricole dans laquelle il dispense son expérience de gestionnaire agricole ; il s’intéresse à l’imprimerie. En échange du matériel, des brevets et de la clientèle, Feissat cède son domaine de Lambruisse à Ricard. Le neveu devient propriétaire du journal.
Feissat meurt en 1835 ; le mari de sa fille Adolphe Barlatier, dirige alors le journal jusqu’en 1883.
Des journaux et des hommes : du XVIIIe au XXIe siècle, à Marseille et en Provence, Constant Vautravers, Alex Mattalia,

Nous continuons la visite : devant le corps de ferme sur le GR69, il y avait l’aire à battre ; le lieu est accueillant avec quelques tables de pique-nique. Derrière la ferme, le puits sur le GR9 et à l’opposé une cour entourée de murets avec un abreuvoir ; je n’ai pas vu le pigeonnier qui aurait dû se trouver à côté ; la petite chapelle, avec son modeste autel de pierre a été restaurée ; une écurie derrière la bastide, puis dans le fond quelques bâtiments en ruine : un de ceux-là est-il la bergerie de Michel Bache Paulin, berger de Lambruisse ? Il fut assassiné en 1884 pour 45F et quelques brebis (Le Petit Provençal, 23/10/1884).
Fin XIXe, époque faste pour Lambruisse qui compte deux couples de fermiers, plusieurs agriculteurs et deux bergers.

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