La poudrerie de Saint-Chamas


IMG_0083.jpgIMG_0011.jpgJ‘ai visité la poudrerie de Saint-Chamas, non pas dans le cadre des journées du patrimoine, mais curieusement, dans le cadre de la fête de la nature 2009. D’espace industriel où se fabriquaient la poudre à canon depuis Louis XIV, puis les explosifs, le parc est devenu espace naturel depuis que la poudrerie est fermée.
Malgré son âge, Eugène Guidi  gambade comme un cabri, sait tout de cette industrie. Il est fier de la plus ancienne poudrerie de France où il a vécu drames, restructurations et épisodes d’émotion tels que le nourrissage d’une famille de marcassins ayant perdu leur mère. Il nous montre l’arbre planté le jour de son anniversaire près de l’exposition de grandes photos de la faune. Quand on l’entend parler de tunnels souterrains, mélinite, propergols (utilisés par Ariane et dans les air bags), explosions mais aussi de somptueux jardins, de nid de cigognes, cyprès chauves, on comprend tout l’intérêt d’une telle visite qui mélange l’histoire et les milieux naturels. D’un thème qui ne me captait guère au départ, il a fait un sujet passionnant.

L’association A3P les Amis du Patrimoine Poudrier et Pyrotechnique

IMG_0012.jpgPourquoi une poudrerie à Saint-Chamas alors que les martinets à poudre étaient en 1672 au bord de l’Huveaune, à Aubagne ? C’est que là bas, les propriétaires terriens n’ont pas le droit d’arroser leurs terres quand fonctionnent les martinets à poudre. Le consul d’Aubagne, M. Deydier, plaide leur cause auprès de l’intendant de la marine, mais il essuie plusieurs refus. Il cherche alors un autre lieu et trouve Saint-Chamas : proche de la mer, avec un canal au débit plus important que celui d’Aubagne.
etapes_fabrication_poudre_noire (document A.P.F.P. Sevran Livry)Le 20 mars 1690, la poudrerie est transférée à Saint-Chamas. Moyennant une rente perpétuelle, la surverse des eaux des moulins du village est détournée vers la poudrerie ; en 1823, Louis XVIII achète les moulins, les engins, immeubles : le canal devient canal de la poudrerie, poudrerie qui occupe 6ha de surface et atteindra 135 ha en 1949.
En 1970 elle est transférée à Sorgues ; de 1975 à 1977, le personnel restant participe à la décontamination du site, au brûlage des explosifs récupérés dans l’étang et au classement des archives. Le maire de Saint-Chamas acquiert 4 ha dans la parcelle sud, le Conservatoire du littoral assure sa protection depuis 2001.

Histoire du parc de la poudrerie, site personnel de J.M. Vacherot

IMG_0102.jpgIMG_1284r.JPGNous nous dirigeons après un petit pont vers le jardin du directeur qui vivait sur place avec sa famille : superbe jardin de style japonais avec passerelle en son milieu. Du marais, un agréable plancher en pin permet de rejoindre la cascade tout en observant les espèces exotiques dont le bambou, l’arbre aux quarante écus (Ginko Biloba1 se prononce yínxìng en chinois moderne), le séquoia, etc.
« Au pied des falaises de safre, s’est développée une forêt humide composée d’aulnes glutineux, de frênes, d’érables champêtres, de sycomores, d’ormes avec une variété de sous-bois impressionnants ».

IMG_00891.jpgIMG_0093.jpgNous passons à côté des stockages souterrains, réservoirs, puis le long de bâtiments qui ont longuement été décontaminés jusqu’en 1990. Dans la partie haute de la poudrerie, c’est le milieu méditerranéen que nous connaissons mieux. Un micocoulier géant et seul pointe sa cime vers le ciel. Depuis la Tour de la Vigie on peut observer quelques flamants roses et canards ; dans les trous des murs de soutènement des collines artificielles, auraient élu domicile des colonies de couples de choucas et dans certains arbres nicheraient des milans. A quoi servaient cette tour ? à surveiller le ciel et prévenir en cas d’arrivée de la pluie : en effet, vers 1876, la poudre séchait sur des séchoirs à l’air libre. Le mélange de salpêtre, soufre et charbon était humidifié pour qu’il ne détonne pas.

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patrimoine industriel et nature, dans le même espace

IMG_0099.jpgIMG_0142.jpgIMG_0109.jpgIMG_0108.jpg

qui peut m’aider à sous-titrer ces photos ? iris, accouplement de ???, prêle, sequoia

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La route des rochers qui parlent dans les Hautes Terres de Provence


Voilà un concept de jeu qui mérite d’être essayé en famille. Il dure en général une journée entière, alterne petites balades (20mn maximum) et trajets en voiture (100km environ) autour d’une énigme thématique qu’il faut résoudre. De village en village, de site naturel en site naturel, nous avonçons jusqu’à la résolution complète de l’énigme. Cela se passe dans le nord des Alpes de Haute-Provence, du côté du Caire et sa fameuse via ferrata.

Office du tourisme intercommunal

IMG_0325.jpgNous partons pour une dizaine d’étapes, avec un livret contenant l’énigme ; il contient une puce électronique qui active un dispositif sonore au contact d’un rocher artificiel « qui parle » (et qu’il faut trouver) ; après l’écoute, une énigme doit être résolue : elle vous mène à l’étape suivante, parfois avec un indice en cours de route. Si vous craignez de ne pas trouver l’énigme, soyez rassuré, il est possible d’obtenir la solution en maintenant plus longuement la puce contre le rocher ! Le livret, qui se loue, ou s’achète 20€, ne sert qu’une fois. Chaque rocher peut délivrer également un conte, court et original avec une leçon de philosophie que seuls saisiront les adultes. Les textes sont soigneusement écrits, l’impression du livret est soignée et la qualité sonore excellente.

Pour s’imprégner de l’esprit du jeu, nous écoutons les réponses des premières énigmes puis nous nous lançons dans l’aventure… Nous avons choisi le thème de la sorcellerie auquel j’ai été sensibilisée lors de mon séjour en Guyane Française : partie avec la certitude qu’elle n’existait plus au XXème siècle, j’en suis revenue certaine du contraire, le jour où, en particulier, j’ai retrouvé un lézard éventré et percé de clous sur la porte de mon jardin. Cela m’a inspiré une histoire que je n’ai pas encore publiée…

IMG_0242r.jpgIMG_0250r.jpgL’histoire commence en 1260. Blanche, la fille d’un riche drapier de Sisteron, brusquement devenue aveugle, arrive au chateau du seigneur de Valavoire avec sa mère Marguerite. De village en village commence sa quête d’un guérisseur capable de lui faire recouvrer la vue.

IMG_1452r.JPGIMG_0258r.jpgLes sites que nous découvrons n’ont pas toujours de rapport direct avec l’histoire mais ceux-ci valaient le déplacement. Ainsi cette curiosité géologique appelée « le champignon » , à 0.4 lieue du premier rocher qui parle, et que nous aurons du mal à trouver à partir du tout petit plan schématique du livret. Sur la pente qui descend vers le Riou d’Entraix, nous trouverons d’autres vestiges de ces couches calcaires, bien différentes des terres noires qui nous entouraient tout à l’heure. Nous sommes en bordure de l’écaille de Valavoire, « unité tectonique chevauchante en forme de coin ou de lame et faiblement déplacée par rapport à un ensemble autochtone ou allochtone » (définition extraite du dictionnaire français Larousse).

Site géol-Alpes, Valavoire

IMG_0289r.jpgIMG_1470r.JPGL’énigme nous emmène dans un cimetière abandonné ; à Forest Lacour, ses clues, sa cascade et les rochers de la Lause ; aux confins des Hautes-Alpes, jusqu’à Turriers, à Vaumeilh et sa tour ruinée où les gens du coin sont ravis de voir passer des visiteurs. Mais je ne vous en dévoilerai pas plus. Allez-y !

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IMG_1522r.JPGVoici un exemple de plan pour se rendre à l’étape 2. Il est vrai que cette carte shématisée, bien que ne comportant pas le nom des communes, permet de vérifier facilement qu’on n’a pas fait d’erreur. Mais dans certains cas, il est si petit qu’il est quasiment impossible de se repérer sans une loupe !

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Ci contre, voici un exemple d’indice devant nous emmener vers le prochain village. Avez-vous trouvé ?

Certains indices écrits doivent être lus avec attention : aucun mot n’est inutile. Cela m’a valu une erreur de village et quelques allers et retours inutiles. Heureusement, nous avions photographié l’indice et une relecture attentive nous a permis de nous en sortir.
Au cours de son périple (et donc du nôtre), des faits et personnages historiques de l’époque médiévale nous sont présentés. L’histoire n’étant pas romancée, elle a une valeur pédagogique pour les enfants.

Hildegarde de Bingen, abbesse musicienne et visionnaire, consigne ses prédictions sur un parchemin. Sa réputation dépasse les frontières. Elle guérit par les plantes et enseigne aux nonnes la gravure, l’écriture, la reliure.

IMG_1459r.JPGNous avons pris plaisir à jouer toute la journée et sommes revenus bien fatigués alors qu’il n’y avait pas tant de marche que cela. Cette énigme est la neuvième, mieux pensée et moins facile que la 2 que nous avons résolue un mois plus tard. L’accès pédestre à certains sites n’est pas toujours  suffisamment sécurisée, pas forcément balisé mais toujours repérable par des panneaux spécifiques : moyennant quelques précautions, vos enfants vous suivront partout.

Emmenez une carte routière détaillée, une loupe, crayon et papier (ça vous évitera peut-être des prises de tête avec votre partenaire de jeu…) et le pique-nique : vous n’aurez aucun mal à trouver un coin de verdure. Ici c’est la campagne, le calme et des hébergements à prix raisonnables.  Nous avons terminé dans une chambre d’hôtes à Sigoyer, le Vieux Mûrier. Cet établissement a le label « handicapé », ce qui est suffisamment rare pour être signalé. Avec ses propriétaires, des conversations passionnantes ponctueront le repas qualifié à juste titre de ‘gastronomique’. Martine, l’hôtesse, me signale : « … il existe un sentier spécial accessible aux personnes handicapées qui […] passe par chez nous ».

Randonnées dans la région décrites dans ce blog :

L’aqueduc des sagnières à Clamensane
Le tour de la tête du pape à Gigors
Le vallon de la piche à Faucon

La chapelle Saint-Michel de Cousson


IMG_0021.jpgIl n’y a pas un Cousson mais deux ! C’est la montagne des Dignois. Pour nous y rendre, nous  allons à Entrages annoncé fièrement par des buis taillés de chaque côté de la chaussée. Un « chateau », résidence campagnarde construite en 1782, dont les fenêtres de derrière ont toutes été murées, a dû avoir son heure de prospérité au XVIIIème siècle.

IMG_2744r.JPGA Entrages, le seul droit de péage ayant existé depuis le moyen-âge est le curieux et modique droit de pulvérage1 qui permettait aux seigneurs de percevoir une taxe chaque fois que des troupeaux de moutons traversaient leurs terres incultes pour rejoindre les pâturages d’été de Haute-Provence, ou dans l’autre sens, pour rejoindre la Basse-Provence en hiver.

Durant leur trajet, les transhumants étaient censés trouver de la nourriture sur les chemins qu’on avait tracés pour eux. C’est pour dédommager les seigneurs que fut instauré ce droit. Il était calculé en fonction du nombre de bêtes et de la distance parcourue sur les terres du seigneur. Annales des Basses-Alpes. Bulletin de la Société scientifique et littéraire des Basses-Alpes 1899-1900, T.9.

Les lettres patentes du 16 janvier 1764 maintiennent le statut de Provence concernant le droit de pulvérage et autorisent les seigneurs à lever ce droit sur les troupeaux d’averages ou de moutons brebis, chèvres et chevreaux passant par leurs terres gastes, à raison de 6 deniers par «trentenier2», sans qu’ils puissent rien exiger pour les boeufs, les vaches, les chevaux, mulets, ânes et cochons.  Inventaire-sommaire des archives départementales antérieures à 1790, Bouches-du-Rhône…, M. Blancard, P. Dupont, Paris

IMG_0027.jpgLe parking au bout du village est déjà plein : le Cousson et sa chapelle attirent beaucoup de monde. Au delà, plus de route, seulement le GR qui monte au Cousson. Par une montée continue jusqu’à 1511m d’altitude, nous sommes le plus souvent en plein soleil. Dans la descente empierrée où les racines sont de véritables pièges, une équipe de VTTistes tentent de descendre sans mettre le pied à terre. Nous les laissons passer, appréciant leur sens de l’équilibre. L’un d’entre eux passe par-dessus son guidon et disparait dans le fossé. Plusieurs minutes plus tard, il émerge sans grand dommage.

Descriptif de la randonnée sur le site Haut-Vernet (boucle)

Au pas d’Entrages, nous quittons le GR pour le tracé jaune qui contourne la cuvette formée par les deux sommets du Cousson. Nous croisons une randonneuse partie à 8h du lieu-dit les Eaux-Chaudes. Ce nom vient du torrent d’eau chaude, sulfureuse et saline, jaillissant à des températures diverses, entre 42° et 45°, par neuf sources, au pied d’un immense rocher aux pentes nues : ce sont là les Thermes de Digne » ; un couple accompagné de son vieux chien qui tire la langue, tente de persuader ses enfants qu’ils sont bientôt arrivés.

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Enfin, au loin, la chapelle Saint-Michel apparait en bordure de falaise, défiant le vide. On ne voit qu’elle tant l’espace est dégagé. Elle est si proche du bord qu’il est impossible d’en faire le tour complet et si on le tente, mieux vaut ne pas avoir le vertige et avoir recommandé son âme à Saint-Michel…

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