Castellet, le fort d’Auribeau et le Mourre Nègre


Une randonnée pénible à cause de la chaleur (en plus j’avais oublié ma casquette), de la longue montée et des sentiers pierreux dans lesquels j’ai toujours peur de rouler avec les pierres. Le point culminant du Grand Luberon se mérite !

Je me gare sur le parking le long de la route du petit village du Castellet. Autrefois appartenant au canton de Sault situé dans les Basses-Alpes, Castellet passe dans le Vaucluse en 1793. Dominé par les vestiges de l’ancien castel, le village est un dédale de ruelles fleuries ornant les façades des vieilles maisons paysannes, l’escalier voûté sur la place du village, la fontaine, l’église au porche et au chœur de style roman.

Eglise de CastelletFontaine et maisons de pierre de CastelletPassage voûté

La Provence possède trois lieux portant ce nom : Auribeau sur Siagne (06), Auribeau (près de Digne), Auribeau (84) ; pas facile lors des recherches d’identifier lequel est le bon car par le passé, ils s’appelaient tous Auribeau !

Piste depuis le parking d'AuribeauRapidement après être passée le long de résidences, j’entre dans une zone boisée qui longe la route à plus ou moins grande distance pour atteindre le village d’Auribeau. Au niveau du parking, j’ai un peu de mal à trouver l’étroit sentier dont l’entrée, protégée par une végétation indisciplinée, débute sous le parking, presque au niveau de la route. On longe les champs sur un sentier caladé. A la cote 701, un carrefour de pistes de forestières invite à poursuivre sur la droite jusqu’au chemin de Saint-Pierre à Auribeau ; site d'épierragecadastre napoleonien st pierre auribeaulà je suis attirée par de hautes constructions de pierre du côté du lieu-dit les Plaines. Peut-être un site d’épierrage : au XIXè, quelques parcelles de vignes y étaient cultivées ; la cabane de pierre sèche insérée dans le mur  pouvait servir d’abri ou de remise pour les cultivateurs.

Cabane de pierre sèche sur le sentier qui mène au site de Saint-PierreJe reviens sur mes pas et grimpe vers le fort d’Auribeau en passant d’abord devant une belle cabane de pierre sèche moussue. Dans une monographie La combe de Lourmarin (Vaucluse) : étude de stratégie ancienne et de fortification, C. Moirenc, Impr. de M. Olive (Marseille), 1875, l’auteur affirme que le fort est d’origine romaine. Il signale qu’on passait d’un appartement à l’autre par une échelle, que le premier mur d’enceinte porte les traces d’un siège et qu’auprès du deuxième, il y avait des traces d’habitation.

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Le Trou du Rat


La fontaine non loin du parking de la ThuilièreIl y a bien longtemps que je ne suis pas allée dans le Luberon. Je me gare sur le parking de la Thuilière à Cheval-Blanc ; j’ai préféré les gorges du vallon de la Peine aux trop fréquentées gorges du Régalon ; tandis que les randonneurs partent tous vers le nord, c’est à l’ouest que je me dirige en longeant d’abord quelques résidences.

La tour sarrazineLe vallon de la PeineRocher dans les gorgesEntre les deux collines, la chapelle Sainte-Thérèse de la Roquette et la tour sarrazine et son lumineux oculus percé dans la falaise.
La piste passe dans de petites gorges qui n’ont rien à voir avec les spectaculaires gorges du Régalon. De hauts rochers apportent quand même un petit côté impressionnant.

La bastide PetrossiLe puits de la bastide PetrossiOn ne peut pas passer à côté du bastidon de Petrossi (ou de la ferme Petrossi) sans la voir ; elle figure sous ce nom dans le cadastre napoléonien. Une bastide, un aiguier, un puits, une citerne, des murs de restanques, un apier, un verger, des olivettes sont autant de témoins de la civilisation agro-pastorale autarcique qui s’est épanouie ici jusqu’à la fin du 19è siècle.

Petit sentier qui monteUn passage où il faut mettre les mainsle Mourre de la SaumeLà le sentier débutant derrière Petrossi, s’égare dans les broussailles, passe par un pas rocheux avant d’arriver sur une large piste sous le Mourre de la Saume puis sous la tête des Buisses. Courage ! ça monte encore jusqu’au point 433 !

Les AlpillesLa piste sous la tête des BuissesPendant un long moment, les points de vue dominants se succèdent ; au dessus de moi, côté Luberon, avec l’alignement des ‘têtes’ et des ‘Mourres‘, au loin du côté des Alpilles et ses sommets en dents de scie qui se détachent sur le ciel bleu. Puis le sentier de découverte (bleu), piste caillouteuse, prend la relève sur la gauche. Attention de ne pas le rater car la piste pourrait vous sembler plus tentante.

Sentier bleu vers le sudSentier rocailleuxQuelques cèdresLe sentier de la forêt est jalonné de bornes pédagogiques sur la faune (aigle de Bonelli, vautour percnoptère) et la flore de la région (Grand Ephèdre, iris nain, Gagée jaune et gagée des champs). Quelques espèces du Lubéron portent de bien jolis noms… curieux cependant : fauvette pitchou, alouette lulu, bruant zizi. Gestion intégrée de l’espace naturel dans le Luberon Le partenariat O.N.C.-O.N.F. On y apprend que la perdrix rouge est protégée.

perdrix rouge (photo luberon.fr)Les densités [de perdrix rouges] au printemps ont été estimées par combinaison de plusieurs méthodes. Des plans quadrillés ont été réalisés sur le secteur du Trou du rat. Des écoutes au chant par rappel au magnétophone ont été pratiquées sur l’ensemble de la forêt domaniale à raison d’un point tous les 500 mètres à des heures bien précises. […] En 1993 , la densité mesurée se situait entre 1,15 et 1,75 couples/100 ha ; en 1994, elle était estimée entre 1,22 et 1,69 couples/1 00 ha. […] les densités réelles se rapprochent plutôt des estimations maximales.
Le succès de la reproduction est évalué par le rapport jeunes/adultes […] entre le 15 juillet et le 15 août.

En provençalRefuge du trou du ratLe Trou du Rat, ou lou traou dóu gàrri, était autrefois une ferme ; c’est maintenant un refuge qui attire non seulement les randonneurs mais aussi les amateurs de barbecue. Les enfants peuvent courir, s’amuser pendant que les grands discutent. Les adultes échangent sans se connaitre. Une réelle animation de fête ! André, qui a laissé un commentaire, propose une origine à ce curieux toponyme de Trou du rat : cela viendrait de la forme du rocher troué que l’on voit en montant (photo André G.) ; moi, j’avais plutôt songé à un piège à rats, par analogie au trou du loup…

Sentier en plein soleil vers le sudvallée de la DuranceChamp cultivé à la LibaudeJe continue vers le sud sur la plaine du Trou du Rat en plein soleil. Le sentier longe pendant un certain temps la large piste. Je retrouve le sentier du départ puis les ruines de la Libaude et le vaste pré bien vert.

Une boucle agréable, diversifiée, à défaut d’être spectaculaire comme les gorges du Régalon.

TrouDuRat_trace_trk_panoImage de l’itinéraire 15km400, 4h05 déplacement (5h au total), dénivelée 355m (+640, -640)
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** La chapelle Saint-Joseph de la Pérusse


carte de cassini (H)ermitage St Joseph 1779Passons de l’autre côté de la montagne de Vaumuse et changeons de vallée. La montagne de Vaumuse sert de transition entre la vallée des Duyes et celle du Vançon, et entre les Alpes et la Provence ; le paysage est vraiment différent. Pour vous en persuader, revoyez l’article le sommet de Vaumuse. C’est probablement plus facile d’atteindre le sommet de Vaumuse à partir de Vaunavès1 qu’à partir du pont de la reine Jeanne. Un rapide regard sur la carte de Cassini nous confirme que la chapelle Saint-Joseph existait déjà en 1779 en tant qu’ermitage, que les 2 s de la Pérusse2 ont disparu au profit du symbole de la ligature ſ + s → ß, utilisée dans des manuscrits en français dont la carte de Cassini, avant que le s long ne disparaisse complètement dans l’imprimerie vers la fin du xviiie siècle. D’après l’eszett, wikipedia.

Photos de J.-P. Lecomte, en hiver

chapelle vaunaves depuis la routele second raccourci : ça roule !A Vaunavès, je trouve facilement une place pour me garer. Je n’ai pas pris le sentier qui monte à la chapelle de Vaunavès – des photos de cette chapelle sur le site dignois.fr – et évite les deux premiers lacets de la route mais j’ai pris le second raccourci quasiment dans la pente et qui m’a fait bien suer : ce sont des galets roulants et mieux vaut emprunter la route si on n’a pas le pied sûr.

BeaucouseBeaucouseLe chemin passe derrière les maisons de Beaucouse [ndlr :  suite au message d’un randonneur en 2017, le droit de passage derrière le château semble avoir été supprimé ; vous devez passer à l’est du château en partant du cimetière]. J’admire les constructions comme celle de droite, construites en galets arrondis puisqu’il n’y a que ça : les anciens savaient utiliser les matériaux trouvés sur place. Parfois c’est un village entier qui était construit en galets comme au vieux Bras d’Asse.

pic d oise dans l axe du sentierJe commence la longue et lente montée de la crête de Beaucouse par un sentier de galets fortement collés à la terre et piqué de touffes d’herbe : c’est plus rassurant que tout à l’heure. Je me retourne : déjà un paysage à couper le souffle du côté de la vallée des Duyes, et de Digne. Impossible de rater le pic d’OiseLe pic d'Oise (randonnée de l'Andran) -, en forme de pyramide parfaite et tacheté comme une peau de panthère. crete Géruen cloche de barlesLe Cousson, le Chiran et toutes les montagnes connues autour de Digne sont parfaitement identifiables. Le sentier est totalement à découvert : soleil et vent sont donc de la partie. Côté nord-est, la barre calcaire de Géruen et la cloche de Barles ; pourquoi cloche ? allez, devinez !

montagne de LureLa montée continue avec une petite fenêtre vers l’ouest et la montagne de Lure ; quelques arbres enfin apportent un peu d’ombre. Le panneau que je guettais : il faut quitter le sentier menant à la crête de Vaumuse, pour celui de la chapelle, toujours en montée. Les planeurs survolent Vaumuse en émettant un léger sifflement. La chapelle Saint-Joseph de la Pérusse ne se découvrira qu’à la dernière minute, il est donc inutile de la chercher comme point de repère dans le paysage. Elle se mérite ; partie de Vaunavès à 734m, j’arrive à 1257m d’altitude soit plus de 500m de dénivelée.

ensemble du batimententréé chapellechapelle st joseph de la pérusse et la corde de la clocheune des anciennes chambresIl y a du monde aujourd’hui ; sans doute à cause du 15 août. Je fais le tour de la chapelle, qui ne fut pas qu’une chapelle mais un ermitage, ce qui explique le nombre de pièces. A l’extrémité, une pièce à vivre est équipée d’un poêle, d’une table et de bancs de bois, d’une armoire ; beaucoup considère qu’il s’agit là d’un refuge (sans lit) : je dirai plutôt un abri en cas de mauvais temps.
La corde de la cloche traîne au sol et ceux qui partent n’hésitent pas à la tirer pour que retentisse très loin la sonorité claire de cette cloche de taille respectable.

Le pèlerinage, datant de la fin du XVIe ou début XVIIe a lieu habituellement le jeudi précédent le 15 août, avec des participants de toute la vallée des Duyes et de la Bléone ; en 2020, la statue de Joseph a été montée à la Croix des Mariages par Jean-Baptiste, un séminariste originaire du Sénégal. La Provence, 16 août 2020

st joseph et ex votosbrancard pour porter la statueLa chapelle contient toujours les ex-votos qui ont fait la réputation et la ferveur des habitants des environs ; le brancard qui va supporter la statue de Saint-Joseph est prêt pour demain. la fontaineLa fontaine, bien protégée derrière la porte de bois, garde précieusement un récipient pour récupérer l’eau ; lorsqu’on ouvre la porte, on découvre un bassin rectangulaire de taille impressionnante.
paysage face à moi pour le pique-niqueUn long banc bien calé le long du mur, à l’extérieur, invite au repos et au pique-nique : c’est là que je m’installerai, face au vallon des Plaines.

Donnadieu, curé de Vaunavès, 1864 raconte que l’ermitage aurait été construit grâce aux offrandes des fidèles : une chapelle, quatre chambres, trois écuries [ndlr : je suppose que l’écurie était en bas et la chambre à l’étage, autrefois les animaux pouvant vivre dans la même maison que les gens…]. Un ermite était chargé de veiller à sa conservation.
Le chanoine de Digne avait ramené de Rome une parcelle du pallium3 de saint-Joseph en guise de relique.
Il y avait tellement de personnes venues de Digne, Seyne, Sisteron, Gap,… lors des grands pèlerinages (les jours de Pentecôte, Fête-Dieu) que le curé était obligé de bénir les fidèles en plusieurs fois. Il y avait aussi des petits pèlerinages les jours de saint-Jean-Baptiste, saint-Pierre, de la Nativité, de la Sainte-Vierge. Pour l’occasion la statue de Saint-Joseph était placée sur un brancard au milieu de la chapelle ; les malades passaient deux ou trois fois sous le brancard en signe d’humilité.
Mais le plus surprenant dans ce ‘désert’, c’est la source abondante et pérenne qui s’y trouve.

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