Du vieux Mérindol à la font de l’Orme


Mérindol cadastre napoleonien Vieux MérindolLe sentier qui mène au vieux MérindolMérindol : Bob_13 m’avait parlé de ce village fortement à lié à l’histoire des Vaudois que peu connaissent. J’ai donc décidé de visiter le village abandonné du vieux Mérindol avant de rejoindre la font de l’Orme. Si le chemin de ceinture figurant sur le cadastre napoléonien existe toujours, il devrait être possible d’en faire le tour.

Le vieux Mérindol GC21NQA, bob_13

Le mouvement vaudois est né de la prédication d’un simple laïc, Vaudès. La lecture de certains textes le conduit à changer de vie, à vouloir mener celle des premiers disciples de Jésus de Nazareth. Le choix de vivre pauvrement n’est pas surprenant à son époque, mais sa volonté de rester à l’état laïc et de ne pas vouloir entrer dans un ordre religieux, par contre, est inhabituelle.

De plus, la prédication publique faite par un laïc va à l’encontre des lois de l’Église romaine. La désobéissance aux règles de l’Église et surtout le choix décisif de ne se référer qu’à la Bible en matière de foi, de se sentir directement appelé par Dieu sans l’intermédiaire de l’institution de l’Église, mettent en question l’autorité des évêques.
La prédication de Valdés multiplie très vite les adeptes : le mouvement de laïcs « Les pauvres de Lyon » est né. Le 18 novembre 1540, le Parlement d’Aix prend un arrêt contre 22 habitants de Mérindol, les condamnant à être brûlés vifs. Leurs biens seront confisqués et leurs familles expulsées, toutes les bastides et maisons de Mérindol devront être rasées. Après plusieurs atermoiements, pour raisons politiques, le roi ordonne seulement le 31 janvier 1545 l’exécution de l’arrêt pris contre Mérindol.

Une citation de l’époque du premier président du parlement d’Aix Jean Meynier d’Oppède, qui exécute la sentence, glace le sang ; je vous ai traduit l’extrait en français ensuite :
extrait vieux francais p99

[…] Je sais ce que j’ai à faire de ceux de Mérindol et de leurs semblables : je les veux prendre tous, sans qu’aucun puisse échapper de mes mains et je les enverrai habiter au pays d’enfer, avec tous les diables et eux et leurs femmes et leurs enfants.[…]

Extrait de histoire mémorable de la persécution et saccagement du peuple de Mérindol et Cabrières et autres circonvoisins appelés vaudois, anonyme, 1555. Télécharger le pamphlet complet sur le site entrechaux.info

L’attaque sera plus cruelle à Cabrières qu’à Mérindol  : d’Oppède n’a pas voulu leur laisser la possibilité de fuir ; la légende veut qu’à Mérindol, seul le cuisinier du château ait survécu, en se cachant dans un réduit aménagé dans les caves. Il aurait continué à habiter le castel en ruines durant plusieurs années. Henri II, fils de François 1er, succéde à son père et gracie les Vaudois en 1551. Les responsables passent en jugement. Jean Meynier s’en sort avec les honneurs. Mais le destin veille : Meynier meurt en 1556, empoisonné par un médecin protestant. D’après Patrick Berlier, Vaudois

Histoire des Vaudois

calade au vieux MérindolPorte en pierre de tailleSalle voûtée d'une maison du vieux MérindolDraille du Vieux-Mérindol fléchée de rose fluo pour ne pas risquer d’entrer dans une propriété privée. Une calade de pierre nous mène jusqu’au vieux Mérindol. Je suis surprise de tant de maisons encore debout, même si elles ont souvent perdu leur toiture ; elles ont parfois gardé leur porte en pierre apparente, leur voûte bien construite. Une ruelle en contre-bas permet de rejoindre le village ; une autre grimpe vers le vieux château. Après les fouilles archéologiques conduites en 1992 et 1993, on a pu repérer des murs d’enceinte, une chapelle castrale,  un donjon et des ouvrages d’accès.

Pan de mur de l'ancien châteauVue d'en haut les ruines du vieux villagePlaque commémorative

Mur d'enceinte du vieux MérindolRuines du vieux Mérindol

Du haut des ruines du château, le village de 200 maisons rasées et incendiées au moyen-âge,  se recroqueville autour de son château.

Continuer la lecture de Du vieux Mérindol à la font de l’Orme

Feissal et les Monges ou l’art en marche : un circuit pour les beaux jours


2 mars n’était pas un bon jour pour faire une randonnée pédestre dans les Monges ; ce n’était pas le jour pour découvrir les lettres d’or gravées par l’artiste herman de vries sur les rochers ; ce n’était pas le jour pour découvrir la chapelle Sainte-Marthe sur les hauteurs de Authon. Authon, départ de la randoAuthon, rocher de Pierre-MontMais c’était le jour pour les sportifs en raquettes ou en ski ! L’idée m’est venue du guide L’art en marche à partir de Digne les Bains, Images en Manœuvres Editions / Musée Gassendi, Images en Manœuvres Editions, 2012 : randonnée 17, Feissal et les Monges ; et comme j’aime beaucoup le massif des Monges, je n’ai pas réfléchi très longtemps.

Traversée à guéMontée en sous-bois vers la PérousePartie du parking du gite des Monges, j’apercevais bien quelques traces de neige sur les sommets environnants mais n’en étais pas inquiète ; dès que je me suis engagée sur la piste forestière le long du ravin de la Bastié, la neige recouvrait le sentier ; après le passage à gué, ça s’est compliqué drôlement : les marcheurs matinaux avaient échangé leurs chaussures contre des raquettes ; moi, je m’enfonçais profondément dans la neige et la difficulté allait croissant au fur et à mesure de la montée.

TabaillonJe consultai ma montre : midi, j’étais à peine au tiers de mon parcours. La rencontre inespérée d’un couple de randonneurs bien équipés va m’aider à prendre une décision : nous consultons la carte, l’homme s’exclame « Ah ! mais c’est loin ! en 3 heures, c’est pas possible ! » ; c’est pourtant le temps indiqué sur le guide pour 12 km dont 5km en montée ; je décide de reporter cette randonnée et rebrousse chemin au lieu-dit Tabaillon.

La chapelle Sainte-Marthe, posée sur le plateauPresque revenue à Authon, je décide de suivre le panneau chapelle Sainte-Marthe, chapelle qui aurait remplacé une chapelle médiévale placée sous le même vocable  ; quelques arbres portent l’indication d’un GR pas très commode le long d’une propriété privée. Surprise ! le sentier étroit est barré par une barrière flexible ; l’arbre de l’autre côté portant le balisage rouge-blanc, je passe au dessus de cette frontière symbolique. Au niveau d’un champ qui regorge d’eau, je rejoins la route, retrouve le GR puis plus d’indication. Je ne vois aucune chapelle autour de moi. Je redescends vers le parking : et là, toute petite et semblant me narguer, je l’aperçois.

Après un pique-nique un peu morose, je décide de ne pas rester sur un échec et de repartir à l’envers de la boucle jusqu’au pont de la Cluse où se trouve trois œuvres de herman de vries ; opposé à toute forme de pensée hiérarchique, il a banni la majuscule de son nom et de ses écrits. Sorte de musée hors les murs, la route de l’art contemporain passe dans des lieux souvent éloignés, en pleine nature, provoquant étonnement, questionnement et finalement, devient un but de balade au cours de laquelle le jeu est de trouver des traces laissées par des artistes contemporains. Dans les gorges du Vançon, de vries a laissé trois traces en lettres d’or gravées sur les rochers.

j’aime cette région, la vallée du bès, le bruit de l’eau qui coule au fond des nombreux ravins […] ; j’aime les fleurs qui éclosent au printemps, les forêts et leur dense sous-bois, l’odeur de la végétation, le thym partout, la vue d’une montagne blanche, d’une route de campagne encore non goudronnée, et la fascination qu’exerce sur moi l’éventuelle rencontre d’un loup… digne est rapidement devenue une part de moi-même, elle a pris une place dans mon cœur, car c’est quasiment le seul endroit au monde où je n’ai trouvé que pure poésie.
herman de vries, herman de vries, Fage éditions et musée Gassendi, 2009

Musée gassendi, oeuvres dans la nature de herman de vries

RD 13 vers la clue de FeissalArbre écroulé sur la ligne téléphoniqueIl me faut donc remonter la route D13, en lacune, totalement déconseillée aux véhicules. Il y a encore plus de neige que sur la piste de ce matin ; je croise un skieur qui dévale la pente avec une aisance que je jalouse : moi je m’enfonce profondément dans la neige et me fatigue.

Continuer la lecture de Feissal et les Monges ou l’art en marche : un circuit pour les beaux jours

Les Maurras par la chapelle Notre-Dame des Œufs


Une trace trouvée sur randogps.net mais parcourue en sens inverse pour éviter deux descentes raides : celle que j’aurais trouvée après le pylône, et  celle après la chapelle. De plus, j’ai légèrement modifié la boucle balisée jaune pour un détour vers le hameau abandonné des Garduères. Je me suis garée sur un des deux grands parkings des thermes de Gréoux, totalement déserts en cette saison.

La météo à cet endroit
Prévisions à 3 jours avec vitesse du vent

Il suffit de suivre le GR4 pour rejoindre rapidement la rivière et le pont sur le Verdon. Quelques canards, croyant sans doute que j’allais les nourrir, s’approchent rapidement de la berge. Après la traversée du pont, je marche sur la route peu fréquentée ; j’oblique ensuite vers la gauche sur la colline par une montée qui promet d’être raide. Et elle l’est. Les bois ne sont pas très denses, j’entends hurler les chiens des chasseurs ; au cri aigu et répété de l’un d’eux, je devine qu’il vient d’être blessé. Le détour par la chapelle n’est pas clairement indiqué sur le rocher face à moi ; en quelques enjambées, j’y parviens par la gauche et découvre une large esplanade rocheuse, deux cairns et une petite chapelle précédée d’un bâtiment en ruine, l’ancien ermitage probablement, déjà noté ainsi sur la carte de Cassini en 1778. Le dernier ermite l’a occupé jusqu’en 1883. La chapelle Notre-Dame des Œufs est bâti sur un éperon barré, ce qui offre un superbe panorama sur la vallée. A l’intérieur, au sol, un œuf fraîchement cassé encore est encore dans sa coquille. Sur le mur d’entrée, des éclaboussures noires pourraient être celles d’œufs cassés que l’on aurait projetés.

Quel nom bizarre que la chapelle aux œufs ! Après une longue recherche, je trouve enfin quelques bribes d’explication et des éléments historiques sur lesquels les auteurs sont à peu près tous d’accord. Sur la colline dominant le hameau d’Aurafrède, petit fief à part entière dont la durée de vie n’a pas dépassé la fin du XVe siècle, se dresse une chapelle dédiée à Notre Dame (mentions en 1274, prior ecclesie Beate Marie de Aurafrigida – en 1351, ecclesia de Aura Frigida). Depuis quand le nom de Notre dame des Œufs a-t-il remplacé celui d’Aurafrède ? Tout ce que je sais c’est que fin XIXe, elle portait son nouveau nom. Les rites de cette chapelle de fécondité ont été abandonnés vers 1930 puis ont repris depuis quelques années ; la chapelle a été restaurée.

Le lundi de Pâques autrefois était jour de pèlerinage : les femmes imploraient Notre Dame pour obtenir la fécondité ; après être montée au sanctuaire, la pèlerine en quête de mari, ou la femme désirant un enfant, montait à la chapelle portant des œufs. Elle déposait quelques œufs dans les niches du chœur en ex-voto, et mangeait les autres. Daniel Thiery, Aux origines des églises et chapelles rurales des Alpes-de-Haute-Provence : Gréoux-les-Bains.
Les rares auteurs (Bertrand et Bailly) pensent que la chapelle a succédé à un culte païen, occupant le site d’un habitat gallo-romain, ou même a remplacé un sanctuaire de la fécondité de l’époque protohistorique. Extrait de archeoprovence, Daniel Thiery

Sébillot rapporte dans diverses régions de France des coutumes assez similaires consistant à offrir différentes denrées aux fontaines : des œufs, des morceaux de pain, des gâteaux, des fruits. Les femmes stériles y enterraient un œuf lors du pèlerinage du Lundi de Pâques. Il devait se conserver tout l’été, ce qui était un gage de réussite. On vérifiait son état le 8 septembre suivant, lors du second pèlerinage. Paul Sébillot, Folklore de France. Les eaux douces, Imago, 1983

Au Moyen Age, le pèlerinage à la Grotte aux Œufs de la Sainte-Baume – que j’ai prévue d’aller visiter bientôt – est censé assurer la fécondité aux femmes. Une croyance à rapprocher du culte d’Artemis, […] qui portait en fait un collier d’œufs, symbole de fécondité. Robert Bailly, Chapelles de Provence. Origines, architecture, croyances, Editions Horvath, Le Coteau 1988
L’Histoire des contes, Catherine Velay-Vallantin, Fayard, 1992

Je continue mon périple en empruntant un escalier plus ou moins creusé dans le sol et muni d’une rambarde métallique : c’est pas là qu’il faut venir si l’on arrive en voiture depuis les Maurras. La piste forestière composée de galets me donne toujours l’impression d’insolite puisqu’on est loin de la plage ; elle est longue et un peu ennuyeuse. Je converse avec un chasseur qui court derrière son chien, équipé d’un gilet fluorescent et d’une antenne GPS et qui s’est enfui. « Est-ce vrai que les sangliers sont atteints d’une parasitose transmissible à l’homme ? » (je pense à la Trichinellose, dont quelques cas ont été observés dans le sud de la France). Il me sourit d’un air entendu : « je sais mais après 48h de congélation, pas de problème ! ». Sauf que selon le ministère de la santé La congélation de la viande n’est pas suffisante pour éliminer tout risque de transmission de la trichinellose. Donc préférez la cuisson à cœur si vous mangez du sanglier.

Continuer la lecture de Les Maurras par la chapelle Notre-Dame des Œufs