L’île de Costebelle ou la colline dominant le village englouti dans le lac de Sainte-Croix


J‘avais déjà entendu parler du village des Salles sur Verdon, noyé dans le lac de Sainte-Croix pour les besoins du barrage. Je me demandais comment ses habitants avaient pu vivre cette destruction et ce qu’il restait aujourd’hui de l’ancien village.

De la vallée fertile et cultivée bordée de hauts reliefs ne subsiste plus aujourd’hui qu’un îlot verdoyant posé au centre du lac. C’est le sommet du relief dit de Costebelle. Extrait du site Parc naturel régional du Verdon : les Salles sur Verdon

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img_9131-300x224.jpgNoyée dans les eaux du lac, cette colline de 508m de haut, ne peut être atteinte qu’en bateau ou en pédalo que l’on peut louer à la base nautique. D’après le premier projet de l’EDF, elle aurait dû être complètement sous les eaux. Selon le cabaretier du nouveau village, il est parfois possible de rejoindre Coste Belle à gué, mais pas en cette saison où il y a trop d’eau. Nous optons pour le pédalo. En 10mn, nous y sommes. Après la recherche rapide de la cache « Costebelle » de ruettenscheider, j’erre sur cette portion de terre, cherchant quelques traces du passage des hommes en cette seconde moitié du XXème siècle. Voilà une cache innovante dans son mode d’approche et spéciale par l’histoire du lieu où elle est placée. Bravo ruettenscheider.

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Mais le décor est lugubre, désert comme après une catastrophe ; la végétation a repris ses droits de manière désordonnée, tout en laissant deviner encore des zones clairsemées – d’anciens chemins peut-être ? – quelques pierres, des tas de galets se cachent derrière la végétation – vestiges d’un ancien abri de berger ? Sur les plages artificiellement fabriquées par l’homme, poussent des arbres gringalets. Il est facile de se perdre : il n’y a plus aucun point de repère. Parce que je sais que l’ancien village n’est pas loin, à 35m sous l’eau, ces paysages atypiques me laisseront une sensation de malaise, tandis qu’au loin, sur une plage de la pointe de l’île, s’égaillent en tous sens des enfants heureux d’être en vacances.

J.J. Grézoux, Président de l’association « Mémoire des Salles-sur-Verdon », écrit :

En fait, comme rien ne le précise, nombreux sont ceux qui vont, en toute innocence, visiter le site, et lui retirent ainsi ce statut de sanctuaire naturel. Sanctuaire que l’île n’a jamais été autrefois, puisqu’elle était majoritairement recouverte de truffières, dans les parties où se trouvent des chênes […]. Et dans les parties recouvertes de pins et de broussailles, les Sallois ramassaient des champignons (lactaires, …), aujourd’hui disparus.

N’avez-vous pas l’impression de voir dans le lac
l’ombre de la valléee dans laquelle était bâti l’ancien village ?…

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« Quoi de plus émouvant que le transfert des morts vers le cimetière du nouveau village. […]
Quoi de plus éprouvant que de voir disparaître l’endroit où l’on est né, où l’on a appris à lire, où l’on a vécu.
Quoi de plus douloureux que la transformation d’un paysage verdoyant et gai en véritable désert.
Quoi de plus affligeant que de voir tomber les maisons les unes après les autres sous les coups de boutoir des bulldozers. »
d’après Monographie des Salles-sur-Verdon, Simian François (ancien instituteur du village).

Le site Les Salles, un site une histoire nous plonge dans la réalité de l’époque : avec la série de photos avant et après la démolition, on sent bien que chaque quartier du village a perdu progressivement son âme. J’imagine le désarroi de ses habitants et en particulier celui de M. Signoret dont la maison baigne déjà dans l’eau, et qui, jusqu’au bout, n’a pas voulu la quitter. La fin, extraits :

  • 2 janvier 1974. Victime d’un bulldozer, la ‘203’ d’Henri Constant ne connaîtra jamais le nouveau village
  • Le 1er mars 1974 à 8h, les forces de Gendarmerie évacuèrent les derniers habitants des Salles-sur-Verdon.
  • 5 mars 1974, 16h45 : l’église de l’ancien village disparaît à tout jamais dans une gigantesque explosion.
  • 28 mars 1974. Route d’Aiguines. Au loin, un dernier bulldozer s’évertue à aplanir les gravats.
  • Mai 1974 : De l’ancien village il ne reste que des souvenirs… et un si vulgaire tas de pierres

Autre point de vue, froidement technique, celui de l’EDF qui, sur la page consacrée aux aménagements du Verdon écrit : « L’emprise du lac a nécessité de reconstruire le village des Salles sur Verdon, de rétablir 25 Km de route et de créer deux ponts. »

img_9128-300x224.jpgimg_9144-300x224.jpgLe sentier de Toine et le parcours historique permettent de faire le tour du nouveau village (cache GCXP22 Les Salles). On peut y voir quelques vestiges de l’ancien : la fontaine située à côté de la mairie, deux lavoirs et de nombreux encadrements.  Sur le sentier botanique, après avoir longé le lac, près du terrain de camping, a été érigé le monument du souvenir, face à l’ancien village : des moutons de pierre. Signes de la richesse du village avant le barrage, cinq troupeaux de moutons y étaient dénombrés. On y ramassait aussi des truffes vendues au marché de Riez ; 7 alambics distillaient la lavande.

LSA730829_09_24_viada_moutons.jpgMoutons de pierre, monuments du souvenirDe village agricole, Les Salles est devenu village touristique. Proche du village de Sainte-Croix autrefois, il s’en trouve désormais éloigné, la route qui y menait ayant été noyée.

Boucle 6.670km, 2h15 avec les arrêts dénivelée 56m – marche et pédalo

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Merci à M. Grézoux, président de l’association « Mémoire des Salles-sur-Verdon« , d’avoir accepté de relire cette note et y apporter quelques précisions.

*** Jeu de piste dans les grottes troglodytiques de Calès à Lamanon


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img_5309r.JPGL‘association Calès-Saint-Denis nous préparait cette fête du patrimoine depuis un an. Les costumes faits main à partir de modèles du moyen-âge, des scénettes jouées à divers points de rendez-vous, un jeu de piste bien ficelé avec sa version pour enfants, une remise de récompense en fin de journée, un repas, tout cela pour notre plus grand plaisir.

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details-grottes.jpgimg_0057r.JPGMais ce qui m’a le plus intéressé c’est la visite guidée que je rêvais de faire depuis la découverte de ce site lors d’une randonnée dans le Defens. 58 grottes troglodytiques à l’intérieur du cirque, 116 au total, occupées surtout au Moyen-Age ! Nous empruntons la calade (photo de droite) qui mène à l’ilôt. Sur le côté, un creux permet à l’eau de s’écouler vers le canal de drainage. Yolande parle du site avec passion, et nous prouve que chaque détail des grottes a été pensé avec soin pour permettre aux habitants de bien vivre au quotidien. Niches pour poser de petits objets tels que lampes à huile, couteaux ; trous dans le mur où venaient se fixer des rondins de bois dont l’extrémité était supportée par un poteau, anneaux de suspension pour des lampes ou des berceaux, larmiers1, etc. Dans la première grotte de l’îlot, les eaux de pluie se déversaient dans un trou du mur sous lequel on plaçait une amphore. Dans une autre, des traces de saignées verticales témoignent de la manière dont les carriers ont extrait les pierres pour construire le chateau.

img_5589r.JPGimg_5590r.JPGimg_5591r.JPG

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img_0026r.JPGLes grottes alimentaires sont formées de cuves taillées dans le rocher. Elles pouvaient servir de silos à grains ou de citernes.

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Le village médiéval abandonné de Vière à Ongles


Découvert le dimanche des Journées européennes du Patrimoine 2006, ce vieux village nous a accueilli pour le pique-nique. Installés près de l’église Saint-Barthélémy, nous avons continué de discuter avec nos guides de l’association Alpes de Lumière. La journée avait mal commencé : le car img_2572.JPGqui devait nous déposer près d’un cabanon pointu à Mane, était tombé dans une ornière le long de la route et se trouvait en équilibre précaire. Aussitôt tous les hommes qui pouvaient transporter de grosses pierres, les ont rassemblées près de la roue du car. A la demande du chauffeur, toutes les femmes sont montées à l’avant pour le faire pencher à gauche, tandis que les pierres étaient glissées sous la roue. Le car tanguait mais n’a pu être sorti de cette façon : c’est finalement un tracteur qui réussira la manœuvre. Avec brio, notre organisatrice a réquisitionné quelques chauffeurs qui nous transporteront sur le lieu de la conférence à Ongles (8 hameaux pour moins de 300 habitants, étagés entre 540m et 1310m…).

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Photos du village (texte en flamand)

Jean-Yves RoyerEt c’est avec un peu de retard, mais tous présents dans le bistrot de pays d’Ongles, que nous avons suivi la conférence de Jean-Yves Royer(1) sur « le sexe des bories et les bories(2) elles-mêmes »… qui ne désignent surtout pas des cabanes de pierre sèche ! Sur le plan cadastral de 1813, seuls les noms de cabanes et chabanons étaient utilisés et à la fin du XIXe siècle, cabanons pointus. jamais, et nulle part (je dis bien : jamais, et nulle part), ces constructions n’ont porté ce nom avant que quelques fumistes et pseudo-érudits s’avisent de les en affubler, bientôt suivis par la foule des gogos…. Homme érudit et plein d’humour, il a séduit son auditoire, installé sur les chaises mises à sa disposition par le cabaretier du village.
Pour en finir avec les bories (Présentation de la conférence de Jean-Yves Royer)

Itinéraire Vière médiéval

img_2579.JPGimg_2580.JPG[…] Le hameau de Vière se dresse sur un site d’exception, bastion des derniers oliviers dans ce pays de transition vers le Dauphiné. L’association Alpes de Lumière estime que ce site mérite d’être dégagé et consolidé : elle espère convaincre le conseil municipal de se lancer dans une action globale d’aménagement et de valorisation.

Pierre tombale de Marie Bertrand (?)Le bourg porte le nom d’Ungula en 1073 et il est entouré d’un mur d’enceinte. Au XIVe siècle, il est dominé par un ordre religieux qui construit l’église Saint-Barthélémy mais les écrits n’en parleront que 200 ans plus tard. En 1586, les huguenots occupent Ongles et démolissent le château par ordre du gouverneur de Provence. Les habitants progressivement descendent dans la vallée, se rapprochent des points d’eaux et colonisent les terres arables de la plaine.

st-barthelemy projectionIl ne reste de ce vieux village que des pans de mur dont ceux de l’église dont on a peine à imaginer ce qu’elle fut en entier (L’église est désaffectée en 1841), quelques traces de rues et de plantations d’oliviers. Nous circulons dans les anciennes rues du village, souvent encombrées de pierres et qui n’ont jamais été pavées. Il n’y avait pas de fontaine publique : les eaux de pluie étaient récupérées dans des citernes. Une des maisons était habitée par l’ancien consul Claude Meyronne. En 1763, 58 habitants y vivent encore. La maison dit le Pélican a un mur arrondi au lieu d’être droit. Elle ne ressemble pas à une maison traditionnelle mais plutôt à une tour. Mais pourquoi ce nom ?
La confrérie des Pénitents Blancs est la plus connue (on sait qu’à Ongles, il Ruines de la maison Pélicany a eu  plusieurs confréries). La tradition du sud de la France faisait qu’en chaque ville ou village se formaient des sociétés d’hommes, de femmes ou mixtes, se dévouant au bien public avec ou sans but spirituel avoué. Son symbole est celui du pélican s’ouvrant les entrailles pour donner à manger à ses petits. Le Christ est cité dans quelques prières sous la forme de cet animal ; personnellement j’imaginerais bien que dans cette maison les pauvres étaient accueillis par cette communauté. J’ai trouvé trois autres maisons Pélican : une à Bruges, l’autre quelque part en France, une troisième  à Banon, près du lieu dit Fouent Créma. Coïncidence ? Mon hypothèse serait-elle la bonne ? Selon Ongles au XVIIIe siècle, la maison de nos grands-mères, A. Lombard & M. Mathieu, Les Alpes de Lumière, coll. les cahiers de Salagon, 2000, cette maison appartenait à Joseph Martin, sonneur de cloches, enterre-mort, ancien procureur juridictionnel ; Marie Peyre était sa femme ; le couple avait 2 garçons et 3 filles. Le Pélican était un personnage important qui était à la fois :

    • valet de ville(3) proclamant par sa voix les procès-verbaux de la communauté ; pour être crieur public, ne devait-il pas posséder un « grand gosier » comme le pélican ?  Serait-ce là l’origine de son surnom ?
    • sonneur de cloches (lors des baptêmes, mariages, enterrements, angélus et… orages menaçants !),
    • fossoyeur : il enterra 29 personnes en 1765 (contre 16 naissances seulement),
    • et dispensé des tirages au sort dans le cadre du recrutement par la milice.

    Le village d’Ongles, site GénéProvence
    Le village de Vière, site GénéProvence

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    (1)Psychologue de formation et passionné par la culture occitane Jean-Yves Royer s’est tour à tour fait enseignant, berger, comédien, peintre, sommelier, historien, chercheur, conférencier, écrivain et conteur…
    (2)lou bori : craie à marquer le bétail. En 1878, Frédéric Mistral fait de borie l’équivalent de « masure », « cahute »
    (3)valet de ville : c’est le crieur public chargé de porter à la connaissance de tous les décisions des consuls et du conseil. Il portait un signe distinctif, le plus souvent une manche de couleur ou une bandoulière aux armes de la ville. Dans les petites communautés, il peut assurer aussi un rôle de police urbaine