Colorado de Rustrel


Le parking du Colorado provençal est désert en ce jour de décembre où le mistral souffle fort avec une température ressentie de -2° ; personne à l’accueil : donc pas de paiement, pensons-nous. Le Colorado est un site privé d’anciennes carrières d’ocre aux multiples couleurs, géré par une association regroupant des propriétaires et des bénévoles. Sur le plan de 2017, orienté vers le sud (?), il n’y a plus que 2 circuits au lieu de 7 en 2006 (l’ancien plan est disponible dans Découverte du Colorado Provençal) : le bleu (Sahara, autrefois G) et le circuit du belvédère (orange) empruntant une partie de G et F (Cheminées de fées). Yves nous propose un peu des deux avec en plus le cirque de Barriès (C) dont l’altitude est un plus élevée que les deux autres.
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Mon album photos, les photos de Yves Provence

L’industrie de l’ocre est considérée comme l’une des plus anciennes. Elle servait à parer les vivants et les morts ; contrairement à une idée répandue, il existait d’autres sites ocriers en France : l’ocre de Saint-George-sur-la-Prée (Cher), au nord-est de Bourges, était déjà employée du temps des Romains ; dans la Nièvre, sur la commune de Bitry, où l’ocre extraite était transportée par bateaux jusqu’à la Loire ; dans l’Yonne, sur les communes limitrophes de Pourrain, Diges, Toucy et Parly. L’industrie de l’ocre en pays d’Apt est le plus important.

La passerelle sur la Doa, la rivière qui traverse le Colorado provençal, est praticable aujourd’hui. Nous arrivons sur un site comportant du matériel autrefois dédié au traitement de l’ocre. Probablement une ancienne station de pompage de l’eau de la Doa actionnée par un moteur à gaz et protégé dans un cabanon de brique (des briques sont éparpillées au sol). On faisait un barrage sur la Doa pour détourner l’eau dans un puisard qui se remplissait toute la nuit. Les pompes fonctionnaient au bois, puis à l’huile et enfin à l’électricité.

Un peu plus loin dans la forêt, un long aqueduc amenait l’eau jusqu’au moulin sur la Doa dont on a aperçu les ruines cachées derrière les arbres.

L’aqueduc de Couloubrier1 circule au cœur des anciennes carrières d’ocre de Rustrel […]. Datant vraisemblablement de la fin du XIXè siècle ou du tout début du XXè, il était utilisé pour acheminer l’eau d’un ruisseau du massif des ocres vers le moulin implanté au bord de la rivière Doa, et permettait de canaliser les eaux de ruissellement sur ce terrain fragile. Il est constitué de chenaux en pierre de taille, reposant sur des poteaux et murets de moellons maçonnés.

Un chien décide de nous accompagner ; en poursuivant sur le sentier balisé bleu et orange, nous arrivons au pied d’une colline rouge, ce pigment minéral de l’art pariétal ou des indiens Peaux-Rouges ou de l’EDF qui marque ainsi ses tranchées de câbles électriques.

Les photographes montent sur la colline voisine le temps d’une photo. A droite, la couleur est plutôt orangée tandis que celle de derrière, sur une bosse striée, tend vers le violet lie de vin.

L’arête #8, Dr NO 007

Si les couleurs sont l’oeuvre des altérations de la roche durant la seconde phase géologique de formation des ocres (la mer est repoussée, les dépôts marins soulevés, la roche s’altère en kaolinite ou goethite), les formes et les sculptures sont l’oeuvre des hommes. Ici, tel un vaisseau de pierre, des sables siliceux blancs, la troisième couche de ces terrains au-dessus de la base de grès verts et de la couche de sables ocreux.

Orangina #7, Dr NO 007

Des tuyaux au sol encore visibles, amenaient l’eau directement sur les blocs, les entraînant vers un malaxeur à hélice où ils étaient délayés. Le courant d’eau passait ensuite dans les batardeaux ; la photo ci-contre à gauche est extraite du livre Ocres, ocres et ocriers du pays d’Apt, parc naturel régional du Luberon, Edisud,1986 (ce livre raconte l’histoire de l’ocre mais il reste à écrire la partie contemporaine avec la dernière entreprise la Société des ocres de France); le sable grossier se déposant tandis que les particules fines se déposaient dans des bassins qui se trouvaient à Istrane. Quelques arbres tentent de s’accrocher à ces collines artificielles instables.

En forêt le sentier sinue jusqu’à la cascade du vallat des Gorgues, à l’ouest du lieu-dit Sahara ; l’eau dégringole depuis le haut de la falaise au dessus d’une grotte où personne n’ose s’aventurer.

En passant non loin d’une colline pointue de couleur blanche, impossible de savoir si c’est un reste de neige ou du sable : je dois vérifier de près.

C’est du pur blanc maman #6, Dr NO 007

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Lardiers, le Chastellard


Quand c’est Claude qui mène la randonnée, on est sûr qu’il y aura un peu de difficulté et quelques surprises. Majo, Julie, notre guide et moi stationnons à Lardiers, petit village des Alpes de Haute-Provence au pied de la montagne de Lure.
Lardiers : rien à voir avec la mésange charbonnière (provençal lardié) ou le sol brûlé (occitan ardre = brûler) selon la toponymie provençale de B et J.-J. Fénié ; UnDeBaumugnes propose une origine latine (Lardarium = cellier), qui, en vieux français, désignait le garde-manger ; personnellement, je pense plutôt que Lardiers vient de ladrerie, dénomination de léproserie au moyen âge. Créée par les Hospitaliers à l’origine du village, elle est indiquée dans une charte de 1226, puis peut-être, transférée à l’Hospitalet au moment de la construction de la commanderie.
En passant, nous repérons le bistrot de pays qui nous désaltérera au retour : l’après rando est toujours un moment convivial et réparateur. Le soleil printanier et ses premières fleurs sont au rendez-vous.

Lien vers mon album

Album facebook de Jean-Pierre Alpes : Lardiers

Nous démarrons peinardement sur la route sur laquelle nous croisons les organisateurs du prochain trail de Lure qui démarre de Forcalquier, passe par Lardiers, Saint-Etienne-les-Orgues, monte vers Fontienne et les Mourres.

Face au champ de lavande, l’oratoire Saint-Joseph (sans statue de Joseph) marque le croisement de deux routes. A partir de maintenant, nous attaquons la montée, qui sera de moins en moins évidente, un peu sauvage dirons-nous. Claude nous offre les premiers tapis de fleurs jaunes. La montée est continue mais heureusement pour nous pas directement dans la pente.  Nous nous enfonçons maintenant dans un sous-bois ponctué de quelques clairières. Nous longeons la limite entre Ongles et Lardiers. A 850 m d’altitude, le paysage plein sud se découvre : je reconnais bien le pic de Bertagne avec sa face abrupte, la montagne Sainte-Victoire et tous ses baous en dentelle irrégulière.

Là, Claude décide de rejoindre en mode sanglier la combe de Gamby ; chacun choisit le passage qui lui convient dans la végétation basse et dégringole deux ou trois courbes de niveau. Sur quelques mètres seulement, nous marquons notre étonnement : ici et pas ailleurs, quelques plants de narcisses reconnaissables à leur longue tige plane, leur coronule en forme de coupe orangée, leurs fleurs groupées en ombelle penchées en arrière  ; après le sous-bois d’arbres dénudés, nous quittons la piste – dommage –  pour un sous-bois moussu avec le muguet qui n’a pas encore de clochettes. Encore un clapier puis une zone découverte : c’est à partir de là qu’il n’y a plus guère de passage visible ; il faut veiller à maintenir une direction NO-N de 347°. 200 m avant l’arrivée au sommet, c’est la vue sur la vallée du Largue.

Tandis que Claude cherche le fameux mur d’enceinte dont il a gardé le souvenir, je me dirige à la boussole sur le waypoint associé dont il m’a donné les coordonnées ; passage ardu dans les broussailles, et par une pente raide : il est toujours là ! Bien qu’en partie écroulé, on devine encore son épaisseur. Un immense pierrier s’est accumulé à son pied. Les fortifications de l’oppidum des Sogiontiques du Ve avant J.-C. à l’ère chrétienne, étaient constituées de deux voire trois murs d’enceinte en pierre sèche avec en son centre le village indigène.
Après une bonne suée et quelques mètres en mode sanglier nous atteignons fièrement le petit plateau du Castellar de Lardiers, situé à presque 1000 m d’altitude en avant de la montagne de Lure. De gros buissons d’anthyllis rendent le lieu désert plus accueillant.

Après abandon du site, un sanctuaire très fréquenté s’installa sur l’emplacement de l’habitat jusqu’à la fin du IVe siècle. Le sanctuaire est formé de trois carrés concentriques ; celui du centre (cella) de 5 m, les deux plus grands encadrent une galerie couverte (peribole) dont les murs intérieurs étaient couverts d’un enduit polychrome à motifs géométriques. Mais aussi un portique direction nord-sud et des constructions exigues.

Vous ne reconnaîtrez pas grand chose car les fouilles ont été recouvertes ; vous devinerez sans doute la voie sacrée grâce aux murs qui la bordent.

Dès 1913 H. de Gérin-Ricard signale des milliers de lampes votives dont certaines portent des signatures connues, d’autres rudimentaires indiquant un pélerinage populaire ; A. Grenier considère ce lieu comme  un exemple de culte des sommets.
Suite aux sondages de 1955 à 1967, on sait que c’est un centre religieux important enseveli sous une montagne de pierres de 5 m de haut, un grand marché, un lieu d’assemblées fréquenté de la fin de la Tène au IIIe, détruit vers 260-270 au temps des empereurs romains Galien et Postume.
Sur la voie sacrée montant au sommet  de l’oppidum, bordée de murs en petit appareil, ont été trouvés 10000 anneaux de bronze, 3000 petites plaques percées d’un trou, des monnaies gauloises ou massaliotes des IIe et Ier siècles, des monnaies impériales de Néron à Constantin.
On trouve de nombreuses études sur ces objets, les uns s’étant penchés sur les dépôts métalliques1 (fragments d’armure, passoires, râpes, mais aussi les anneaux de toute taille, fibules, métaux cloués), les autres sur les lampes ou les monnaies. Un projet collectif de recherches devrait synthétiser tout cela et peut-être répondre à quelques questions telles que : quelle divinité était honorée ici ? belado dont le nom a été retrouvé sur un autel de la voie sacrée ?

Le Chastelard du Lardiers : de l’oppidum gaulois au sanctuaire gallo-romain, Objets de cultes gaulois et romains entre Rhône et Alpes, Paris, 2016, B. Girard, Cl. Malagoli, J. Roussel-Ode, L. Roux, N. Rouzeau
La Haute Provence monumentale et artistique, Raymond Collier, Digne, 1987
Carte archéologique de la Gaule CAG, n° 101, p. 238-252

Après avoir imaginé des milliers de pèlerins venus de toute la Gaule, nous nous installons autour de la grosse pierre plate qui nous servira de table de pique-nique.

Télécharger une excellente synthèse sur le Chastelard, Clodex

Nous reprenons notre route vers le pic Bouine et non pas Pébouine comme l’IGN l’écrit aujourd’hui. De bouina, borner en provençal car, si on regarde bien, le flanc ouest de ce pic sert de limite avec la commune de Saumane, et ses flancs nord et est servent de limites avec l’Hospitalet et Lardiers.

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Graffiti marins du cap Sicié


Aujourd’hui ce sont André et Raphaëlle qui nous emmènent à la découverte des graffiti du cap Sicié ; c’est une découverte sportive, à la fois secrète et sauvage, que seul un guide connaissant les lieux pouvait nous proposer.

Grâce à Michel, j’avais découvert dans la nature les dessins des derniers bergers du Garlaban ; grâce à un club de randonnées, j’avais visité les dessins gravés dans la pierre de l’artiste contemporain Louis Douard.
Michel a depuis longtemps fait le compte-rendu de cette découverte dans Le brusc, forêt de six fours, domaine du cap sicié… découverte de gravures mais dans mon cas, c’est toujours nettement plus long…

Mon album du jour

Le site d’André et Raphaëlle, avec photos et données techniques

Les photos de graffiti du photographe Jean Huet

Je rejoins Michel à Gréasque ; nous récupérons André et sa femme en chemin ; en venant du Brusc, direction notre Dame du Mai, sur la D816 goudronnée et encore ouverte à la circulation automobile puisque nous ne sommes pas en période de restriction d’accès aux massifs forestiers. Sur la gauche, une aire de pique-nique avec une grosse citerne verte.

Le Massif du Cap Sicié s’inscrit dans la Provence cristalline qui se distingue de la Provence calcaire par des roches affleurantes métamorphiques1. […] Les roches du Massif du Cap Sicié, bien qu’elles aient été formées en surface, ont été transportées en profondeur par le mouvement des plaques tectoniques où elles ont subi un phénomène de métamorphisme. Selon La Seyne c’est ma nature

Leur couleur, leur composition ne ressemblent donc pas à ce que l’on voit habituellement dans la Provence calcaire.

Nous traversons d’abord une forêt ; les premiers cistes roses à l’aspect froissé sont sortis avec leurs feuilles très duveteuses. Quand nous passons au pied d’un rocher aux multiples arêtes anguleuses, André me propose d’aller y chercher une cache à quelques mètres du sol ; je préfère ne pas faire attendre les membres du groupe…

Au-dessus de la forêt – 4 Le Quicon, alpaugre

Petit-aller retour jusqu’en haut du ravin qui mène à la plage de la Fosse ; situation incongrue : au beau milieu de cette forêt vide de monde, au-dessus d’un rocher couvert de terre fine, un homme, pelle à la main, nettoie les abords avec soin. Il rend accueillant le dolmen de la Lèque dont l’entrée se trouve sous nos pieds. C’est un dolmen naturel.

5-le-dolmen-de-la-leque, alpaugre

Après cet aller-retour pas trop difficile, nous nous dirigeons vers le sud et vers la mer d’où nous pourrons voir Marseille, la forme caractéristique du bec de l’Aigle et les îles de Gaou et Embiez.

André tourne subitement à gauche dans la garrigue (zone 1 : Quicon-Montjoie) ; ça se complique, ça pique mais il sait où il va ; il s’arrête à un rocher de couleur rougeâtre sur lequel ont été gravés deux voiliers dont un avec trois voiles latines ; si les traits verticaux sont bien des antennes mobiles qui s’inclinent ou pivotent autour du mât, ce pourrait être un chébec à voiles et à rames. Parfois le voilier au trait léger sur une roche sombre est difficile à voir, ou au tracé incomplet.

Sur l’un d’eux je vois le marin chargé de surveiller la mer sur la plate-forme en haut du mât nommée nid-de-pie ; il voit tout à l’horizon, bien mieux que les autres marins sur le pont du navire.
Sur la même paroi rocheuse, plusieurs voiliers sont dessinés les uns à côté des autres : constituent-ils une scène réelle ?
La voile de l’un d’entre eux est quadrillée, facilitant l’identification de la forme des voiles et les pavillons qui flottent aux mâts. Les détails du gréement sont fidèles.

Emission de radio sur les graffiti : Autre radio Autre culture, interview

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