Boucle autour de Mange Garri


Départ sur le parking à côté du Pavillon des Quatre Tours improprement appelé pavillon de chasse du roi René. Le pavillon des quatre Tours aurait été construit entre 1573 et 1583 pour un membre de la famille Milhaud, conseiller du roi au parlement de Provence. Nous partons pour la Provence, J.P, P. Coste, P.U.F., 1977.

La balade commence agréablement en longeant la Luynes, affluent de l’Arc ; les abords ont été nettoyés et c’est vraiment agréable d’en suivre la berge. Je passe sous le pont de chemin de fer taggué d’un grand œil blanc cerné de noir.

Le sentier est par endroit fort boueux. La Sainte-Victoire joue à cache-cache entre les bosquets d’arbre. De nombreux tas de bois coupé jalonnent la piste forestière. En pleine forêt, un panneau puis deux puis trois annoncent une installation classée pour l’environnement : stockage de minéraux d’exploitation provenant de l’usine de Gardanne ainsi qu’une station de produits de minéraux pulvérulents non ensachés au lieu-dit de Mangegarri1 à Bouc Bel Air. […] Arrêté préfectoral du 8 juin 2007 […]. Suivent les numéros de téléphones utiles : gendarmerie, centre de secours et d’incendie, poste de garde Alcan. Ecrit comme ça, il est difficile d’imaginer ce que ce site exploite : on ne sait pas de quelle usine il s’agit ; que sont ces produits de minéraux non ensachés ? en cherchant un peu, je trouve facilement que le site industriel d’Alteo, fabricant d’aluminium anciennement Péchiney, recycle les résidus de bauxite en bauxaline® afin d’interrompre leur rejet dans la Méditerranée ; en regardant autour de moi, seule une barrière fermée et de longs tuyaux signalent un site industriel. Posés sur support, ces canalisations se dirigent sans doute vers l’usine de Gardanne. Ici au sud du site, l’environnement est bien vert ; au nord, le sol est plus rouge, de la couleur des boues rouges qui y sont stockées : en 2012, 125000 tonnes dont 78000 tonnes revalorisées. Pays gardannais EELV

Dans les années 2000, il [Alteo] conçoit un procédé industriel de déshydratation des résidus de bauxite : le filtre presse. En 2005, un premier filtre presse est mis en service sur le site de production de Gardanne. C’est alors une première mondiale. Fin 2012, la construction d’un second filtre presse démarre sur le site de stockage de Mange Garri1 pour une mise en service fin 2013.
Construction de 3 nouvelles tuyauteries reliant l’usine de Gardanne et Mange Garri1 :
– Pour le transport des résidus liquides de l’usine jusqu’au filtre-presse.
– Pour le retour des filtrats vers l’usine (lesquels seront réinjectés dans le procédé).
– Pour l’alimentation du filtre-presse en eau brute.
Le filtre-presse permet de transformer des résidus liquides, inexploitables, en matériau solide commercialisable : la Bauxaline®. Aujourd’hui, le filtre-presse produit 350 tonnes de Bauxaline® par jour.

Au niveau de l’ancienne pompe, ça glisse : un coureur ralentit le pas. Je continue à monter, croise de nombreux sentiers et me réjouit d’avoir un GPS avec la balade toute prête récupérée sur le site Gpx-View. Lorsque j’amorce la descente, je rate un virage, tant le sentier raviné invite à aller tout droit. Il est un peu moins reposant que les précédentes pistes forestières.

Moyennant un petit détour vous découvrirez le site de stockage des boues rouges, bien caché derrière les arbres, grâce à la cache Dark side of the Provence comme le surnomme le geocacheur cricrilemotard

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Le sommet de Vaumuse


En se rendant au pont de la Reine Jeanne, on sent très vite qu’on va arriver dans un endroit particulièrement reculé et sauvage. Cet ouvrage du XIVè siècle serait daté plutôt du XVIIè selon l’ouvrage D’une rive à l’autre, les ponts de Haute-Provence de l’antiquité à nos jours, P. Auran, G. Barruol, J. Ursch, Alpes de Lumière, 2006. Il enjambe les eaux vertes du Vançon au fond d’un vallon étroit et boisé, dans le pays sisteronais. La route finit là, barrée au pied d’une falaise chancelante. Le pont à arche unique, en dos d’âne aigu dix mètres au dessus du Vançon, fermé à la circulation automobile (la chaussée ne mesure que 2m17 de large), mène au village abandonné de Saint-Symphorien  (commune d’Entrepierres), notre première étape. C’est plein d’entrain que nous y montons.

Jeanne est née en 1326. Très tôt orpheline c’est son grand-père, Robert, Roi de Naples et Comte de Provence, qui l’élève. Pour des raisons stratégiques et sauvegarder les titres de Jeanne, son grand-père la promet en mariage à son cousin, André de Hongrie, garçon malingre et pâlichon, alors qu’elle n’à que 6 ans. Jeanne est éduquée par son grand-père qui s’entoure de gens de lettres, de troubadours, d’artistes.
Quand André de Hongrie se présente quelques années plus tard, Jeanne reste pétrifiée. L’homme est rustre, mal fait, maladroit. La mort du grand-père de Jeanne précipite le mariage qui a lieu le jour de l’enterrement de l’aïeul.
Les parents d’André de Hongrie revendiquent pour leur fils, les titres de la Reine Jeanne. Peu après, on trouve André de Hongrie étranglé avec une corde. La Reine Jeanne clame son innocence. Elle est menacée par le frère, Louis de Hongrie et les Siciliens.
D’après le résumé du livre La Reine Jeanne de Naples et de Provence – histoire et légendesLouise MichelEditions Tac Motifs, mars 2003, résumé rédigé par Fanette sur le site Marseille forum

La tradition raconte qu’elle s’est alors réfugiée à Saint-Symphorien (1345). Cette Reine a connu la richesse et la pauvreté, la puissance et la trahison, la générosité et la haine et a sans doute fasciné beaucoup de monde. De nombreux lieux portent son nom un peu partout en Provence : dans mon blog, quatre articles l’évoquent.

Les rues du village abandonné de Saint-Symphorien par le dernier habitant en 1976, sont désertes mais ses ruines restaurées nous rappellent le passé actif de la vallée. En 70 ans, la commune a perdu plus de 100 habitants entre 1836 (197 habitants) et 1906 (58). La forêt omniprésente renforce cette impression d’isolement.

Nous commençons notre randonnée par une piste forestière qui monte, très doucement. A force de discuter, nous ratons le carrefour avec le PR : nous voilà embarqués sur une piste sinueuse qui rallongera notre randonnée ; étonnés de trouver une source temporaire sur la carte IGN, je vérifie sur le cadastre napoléonien pourquoi elle a été captée ici ; une ancienne habitation ‘Payan’ dans le quartier Eymar et Cambe existait encore en 1836. Peut-être s’agit-il de Jean Payan mort en 1851 à Saint-Symphorien.

Le gué bétonné s’est écroulé, preuve que la rivière maigrelette d’aujourd’hui doit parfois s’écouler avec violence ; nous rejoignons le PR, au champ de la Plate facilement repérable par son impluvium et la plate-forme dégagée sur le sommet de Vaumuse, les gorges de Vançon et les cicatrices de l’érosion. Les chasseurs venus de Sourribes, seuls autorisés à emprunter la piste en voiture, se garent là. Commence la partie fatigante : une montée continue, très longue, plus de 500m de dénivelée pour atteindre la crête, sur des chemins de petits galets roulants, en sous-bois. Depuis le champ de la PlateNotre vitesse moyenne ne dépassera pas les 1 à 2 km/h. Deux chasseurs nous signalent la présence de mouflons ; pas étonnant car ils trouvent ici tout ce qu’ils aiment : fougères, champignons, mousses et lichens, feuilles d’arbustes et de buissons. On se souviendra du sentier des quatre-vingt vautes1 dont le tracé ressemble à des dents de scie !

Déserté, le terroir se vida un siècle durant. Il fut repeuplé en 1504 par le seigneur local qui passa un acte de bail avec des familles venues d’ailleurs. Elles construisirent leurs maisons au carrefour de divers chemins, dont celui des quatre-vingts-vautes1 qui franchit sa crête orientale. Extrait du site Pays sisteronais Buëch

Nous ne sommes pas encore au point culminant ; le chemin de crête chemine entre deux rangées de bois jusqu’au sommet de Vaumuse repéré par une vieille croix de bois planté dans un tas de galets. Fiers d’avoir atteint les 1435m de ce sommet, nous nous offrons un moment de repos face à la vallée de Thoard. Je reconnais même le pic d’Oise, cône régulier près de Digne-les-Bains, qui établit une articulation visuelle entre la basse vallée de la Bléone et la vallée des Duyes. De l’est à l’ouest, du nord au sud, Vaumuse marque le passage entre la Provence et les Alpes, l’étage de l’entre-deux, premier contrefort des Alpes.
Urbanisme et géomorphologie

 

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Le Prieuré de Sainte-Victoire par le pas de l’Escalette


Les deux présidents se sont mis d’accord : Marc, président de l’association des Amis de Sainte-Victoire et Franck, celui de l’Amicale des personnels du rectorat ; 15 personnes et un infatigable labrador partiront du parking du plan d’en’Chois1, se sépareront peu après le refuge Cézanne : les plus téméraires prendront le sentier jaune par le pas de la Savonnette… qui porte bien son nom (Voir la vidéo sur Carnets de rando, à partir de 2’50), l’autre groupe prendra le sentier à pointillés rouges par le pas de l’Escalette2. Nous nous retrouverons tous au Prieuré pour une visite guidée offerte par Marc Roussel. Lien vers toutes les photos de la randonnée

Le refuge Cézanne et le rocher en équilibre au-dessus de la chapelle du Trou
Une maison restaurée au hameau du Trou

Le départ a lieu à l’heure, vers 9h. De là, nous avons déjà une des vues les plus spectaculaires sur la montagne. Jusqu’au refuge Cézanne, le rythme est plutôt soutenu ; nous passons devant les champs d’oliviers plantés par le conseil général. Première pause au hameau du Trou déserté depuis 1850 environ. Le conseil général a restauré la maison avec le four, réussi à conserver la voûte de l’ancienne chapelle de l’ermitage et nettoyé l’aire à battre qui appartenait en indivision à l’ensemble des habitants du hameau. Le puits n’a pas été sondé. Tout le monde étant pressé de repartir, nous commençons la montée.

Le Bau Rouge et les Costes Chaudes

Du pas des dinosaures (504m), le rocher du Trou, isolé au milieu du hameau, apparaît bien incongru. Les Roques-Hautes déploient leur charnière rocheuse. La façade du Bau Roux dévoile un peu des Costes-Chaudes et leurs plis en éventail (‘blague à tabac’) dus à un  resserrement suivi d’un écartement des plis. La nature du sentier se révèle maintenant : des dalles inclinées couvertes de petits cailloux, la chasse aux petits ronds rouges pour trouver le meilleur endroit pour placer les pieds. Alors que certains pensent déjà à la difficulté de la descente, un groupe de coureurs de trail dévalent la pente sans même y penser. Nous les félicitons. Attention ! Juste avant de déboucher sur la crête, un petit écart sur la droite évitera le passage délicat de ce ressaut rocheux.

Actualités 2016 du Grand Site Sainte-Victoire : l’érosion du sentier rendait la dalle dangereuse et difficile d’accès. Des marches taillées dans la dalle orientent les randonneurs sur le tracé rendu plus praticable. Des ganivelles et des branchages de pins récupérés sur un chantier de coupe entravent l’accès aux zones périphériques ce qui permettra à la végétation de se réinstaller. Un chantier de sécurité et de confort au pas de l’Escalette

Maintenant nous retrouvons le sentier bleu, dit sentier Imoucha, du nom du fondateur de l’association des Amis de Sainte-Victoire. Commence alors un long passage sur l’épine dorsale de la montagne, sur des strates, des aiguilles rocheuses, où il faut continuellement faire attention où l’on met les pieds. Nous jouissons d’une vue panoramique des deux côtés de la montagne : avec sa couleur émeraude, le lac de Bimont ne peut passer inaperçu. Nous passons au Pas du moine, repéré par un gros cairn, arrivée du sentier difficile par le Pas du Berger.

Le lac de Bimont depuis le cloitre

Nous croisons les élèves du lycée militaire, drapeau en avant, qui redescendent après avoir déposé les bouteilles d’eau qu’ils amènent aux Amis de Sainte-Victoire. Ils courent plus qu’ils ne marchent, ils chantent. C’est un véritable défilé dans les deux sens ! Le croisement avec le sentier des Venturiers signe la fin de ces difficultés particulières. Il ne reste que quelques minutes pour atteindre le Prieuré avec le piège de quelques rochers patinés et brillants à éviter.

Visite guidée avec le Président de l'association les Amis de Sainte-Victoire
Visite guidée avec le Président de l’association les Amis de Sainte-Victoire
Visite guidée
Visite guidée

Le Président des Amis de Sainte-Victoire, qui a hissé le drapeau provençal, attend le second groupe de l’amicale dont les membres sont fiers d’être arrivés à maîtriser le Pas de la Savonnette. Nous apprenons que c’est l’abbé Aubert qui construira l’ensemble des bâtiments, sur au moins 10 ans, grâce à Honoré Lambert, son mécène, d’ailleurs enterré ici, ainsi que la mère de Jean Aubert, Isabeau Pastoure. Nous nous posons beaucoup de questions sur l’ancienne terrasse : Marc dessine alors sur une feuille de cahier comment il conçoit la construction posée sur des arches. Il nous montre les traces de barre à mine dans le rocher ainsi que la saillie de la terrasse du XVIIè.

La fosse et l'escalier qui mène au jardin des moines
La fosse et l’escalier qui mène au jardin des moines
Face sud côté parapet du Prieuré
Face sud côté parapet du Prieuré

La fosse, complètement vidée des détritus déposés au cours des siècles, laisse entrevoir un orifice lumineux par lequel se faisait l’accès au jardin des moines, côté sud. Les marches d’escalier utilisées par les moines pour le rejoindre sont maintenant dégagées. En regardant le jardin par dessus le parapet, on se demande comment on pouvait cultiver quelque chose dans cet endroit aride et pentu, délimité par deux parois rocheuses. Marc décline tous les sommets visibles depuis cet endroit. Continuer la lecture de Le Prieuré de Sainte-Victoire par le pas de l’Escalette