Le mur de la peste ou la malédiction du Grand-Saint-Antoine


Cette expression de mur de la peste m’a d’abord questionnée : je ne comprenais pas du tout ce que c’était. Je suis donc allée voir sur place à Cabrières d’Avignon. Le chemin est balisé par des bornes représentant un mèdecin sous son costume le préservant du risque contagieux (Voir les vitrines puis la salle consacrées à la peste au Musée du Vieux-Marseille). Les récits historiques parlent de la Ligne, ce qui évoque plutôt un terme militaire ; c’est bien une guerre implacable que les autorités locales ont dû mener contre ce fléau à l’époque.

Le temps qu’il fait aujourd’hui à cet endroit :
Météo du jour, direction du vent et température ressentie

Le 25 mai 1720, un navire « Le Grand Saint-Antoine » arrive à Marseille, venant de l’Orient. Il apporte la peste qui tue la moitié des habitants de la ville, puis s’étend à l’intérieur de la Provence.

Le Royaume de France interdit alors tout passage et tout commerce entre le Dauphiné et le Comtat Venaissin.
En mars 1721, il est décidé… de retenir la peste avec une muraille de Bonnieux à Cabrières.

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La ligne dans le paysage, Promenades géographiques dans les Monts de Vaucluse autour du Mur de la Peste, Denis Lacaille, Danièle Larcena

Il était prévu d’une hauteur de six pieds (1,95 m) et d’une largeur de deux pieds (0,65 m). Au début de la construction de la « muraille de la ligne », chaque communauté est tenue de fournir un certain nombre d’ouvriers qui doivent apporter leurs outils (marteau, cordeau, pelle, pic). Cinq cents habitants des villages environnnants sont réquisitionnés. Devant la lenteur d’avancement des travaux et le faible zèle des communautés à fournir des travailleurs, les autorités modifient l’organisation du chantier en mai : chaque village, en fonction de son importance, est chargé de l’édification d’une portion de l’ouvrage ; les ouvriers sont payés à la canne de muraille et non plus par jour.
medium_img_0678.jpgFin juillet, un millier de soldats comtadins (troupes royales de France et des troupes papales) surveillent la totalité de la muraille et du fossé enfin achevés. Mais, fin août, la peste se déclarant à Avignon, les troupes royales remplacent les troupes pontificales pour contrôler le passage du Comtat à la Provence et assurer la protection du pays d’Apt récemment débarrassé du fléau.

Certains ont-ils été tués pour avoir passé la Ligne ? le seul exemple que j’ai trouvé est à Saint-Chamas dans les Bouches-du-Rhône : « L’an que dessus et le vingt-neuvième de juillet est mort et fut enterré auprès du port André Belon, fusillé là pour avoir passé la ligne établie alors pour la sûreté du pays contre la contagion de la peste, en foi de quoi je me suis signé avec les témoins. » [SABATIER prêtre], site GeneProvence

medium_img_0685.jpgMéthamis, Vénasque ont été épargnés, la Roque et le Beaucet également. L’épidémie ne se termine vraiment qu’en janvier 1723, les actions de grâce se multiplient dans les villes et villages épargnés, le mur est abandonné.

Que reste-t-il des 40 guérites pour les sentinelles en faction, des 50 corps de garde, des 10 cabanes formées de deux bâtiments jumelés (abritant vraisemblablement, outre les hommes, le matériel et les provisions) et 20 enclos pour les entrepôts de vivres et le fourrage (chevaux et mulets qui acheminaient le ravitaillement et l’eau) ? quelques ruines dont on devine la fonction par la forme. L’association Pierres sèches en Vaucluse procède depuis un certain nombre d’années au nettoyage et à la reconstruction partielle des vestiges du Mur de la Peste.
Pour soigner la peste, un élixir célèbre « le vinaigre des 4 voleurs » était constitué de vinaigre blanc dans lequel étaient diluées diverses plantes. A l’époque, les gens étaient persuadés que la peste était une punition divine pour leur mauvaise conduite. Par panique, beaucoup de membres du clergé s’enfuiront, laissant les pestiférés mourir sans confession.
Deux plongeurs marseillais ont retrouvé en 1978 l’épave du Grand-Saint-Antoine dans une calanque de l’ile de Jarre, à 10m de profondeur. Il y avait été incendié en septembre 1720 sur ordre du Régent.

L’itinéraire simplifié (pas de fond de carte IGN)

La malédiction du Grand-Saint-Antoine, P. Mouton, Autres temps, 2001

La peste de 1720 à Marseille et en France, P. Gaffarel et Mle de Duranty, Paris, Perrin et Cie, 1911

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Merci à Bobines84, geocacheur du Vaucluse (pour savoir ce qu’est un geoacacheur, voir l’article * chasse au trésor high tech dans ce blog), grâce à qui j’ai découvert cette petite randonnée très agréable

Les bories d’Eguilles


Voila une longue promenade jusqu’aux bories de 6,200km aller et retour, se partageant entre forêt et villas sur le chemin du Rastel. Je me gare hors du centre d’Eguilles pour ne pas connaitre le crucial problème de stationnement. A quelques mètres de la voie romaine, le parking du stade offre assez de places en ce samedi matin.

* Le temps qu’il fait aujourd’hui, à cet endroit :
Direction du vent et température ressentie

medium_img_0434.jpgRien de difficile pour cette promenade ; avant d’entrer dans la pinède, il faut parcourir plus d’un kilomètre. Sur le côté droit de la route, dans une propriété privée, une borie est accolée à une villa toute neuve : voilà une remise à outils plutôt originale et dans le pur style rural provençal !
Quelques véhicules 4×4 entrent également en forêt, si bien qu’on n’est pas tout à fait tranquille. Sur la droite, une tombe attire mon attention : c’est celle de chiens enterrés là par des maîtres aimants.
medium_img_0435.jpgmedium_img_0443.jpgLe tout petit circuit des bories est fléché par le conseil général des Bouches du Rhône. à un carrefour près d’un champ d’oliviers. Je retrouve là plusieurs promeneuses (et oui ! ce samedi là , je n’ai croisé que des femmes…), les unes en grande conversation, les autres posant pour la photo souvenir.
* Je vous propose un itinéraire de 6,200km A/R (bories) avec variante 1,100km A/R (fontaine de Fabrègues)
* Photo de bories dans la région d’Aix en Provence

Réservées autrefois à un usage agricole, les bories1 sont l’oeuvre de bergers ou de paysans, composées de pierres locales extraites du sol et agencées sans aucun liant. Elles sont faites de pierres plates. La coupole en encorbellement tient par la pression de son propre poids. De fait, ni poutre, ni coffrage, n’étaient nécessaires. Chaque rangée de pierres avance sur la rangée inférieure de la moitié de son épaisseur environ. Pas de porte, une seule fenêtre. Voilà qui est sommaire mais les hommes ne vivaient pas dans les bories. « Pour construire en pierre sèche, il faut de la patience, un bon coup d’oeil, assorti d’un bon coup de mains qui savent sentir si la pierre est à sa meilleure place, et une bonne résistance physique. Une borie peut peser entre 30 et 200 tonnes et utilise de 200.000 à 300.000 pierres. »

(Extrait du site les saute-collines)
Quelle différence y-a-til entre borie, cabanon, cadole, gariote, baraque, clède ou pagliaddu ? aucune, ce sont toutes des constructions en pierres sèches qui changent de nom selon les régions !
* Voir aussi dans ce blog le circuit des bories de Tallagard, à Salon
Au retour, je fais un écart vers la fontaine de Fabrègues marquée sur les cartes IGN. Je passe devant le Refuge dont le parking est plein. Pourquoi cet endroit perdu sur le chemin de la fontaine de Fabrègues attire-t-il tant de monde ? J’ai l’impression que les gens y sont attablés. Y mangerait-on de la bonne cuisine ? La curiosité m’incite à prendre quelques renseignements. Et j’ai tout faux. Le refuge est un centre bouddhique d’études et de méditation. C’est du Centre de  » Yoga  » du Maître vietnamien N’guyen Qué, formé dans la tradition des moines errants du centre du Vietnam et de la frontière birmane, que sont sortis les pionniers du Bouddhisme Tibétain en Provence. C’est aussi à l’initiative de ce Maître que commence la construction à Eguilles d’un petit Centre qu’il baptise « Le Refuge ». Le Refuge, qui a maintenant renoué avec ses origines » les Maîtres de l’Ecole de la Forêt – accueille principalement les moines et nonnes de cette tradition contemplative qui, depuis quelques années, y sont de plus en plus présents. (Extrait du site Le Refuge) Le Refuge reste ouvert toute la journée pour tous ceux, qui désirent y faire une pause méditation ou une prière.
medium_img_0457.jpgLa fontaine de Fabrègues, couverte de mousse, est cachée à l’ombre des arbres. Des fougères et des plantes tombantes aux multiples couleurs pastel la protègent. Elle suinte de gouttes d’eau de partout. Un villageois y a déposé un petit seau d’eau qui se remplit peu à peu. Sans nul doute, elle doit couler toute l’année. Je m’y rafraichis avec grand plaisir avant de repartir.

1Le mot borie vient de l’occitan bària, désignant une ferme, une métairie, éventuellement un domaine rural.

Les bories de Tallagard


medium_img_0023.jpgJ’ai commencé la balade par le pavillon de chasse du bailli de Suffren de Saint-Tropez que j’ai un peu cherché dans les bois, le panneau indicateur n’étant pas visible du chemin que j’avais choisi. Il ne reste que les murs mais on devine à la façade qu’il ne s’agissait pas d’un bâtiment sommaire. Ce pavillon de chasse n’est pas très loin du fief Richebois que sa famille possédait à Salon. Né à Saint-Cannat par accident (sa mère n’a pas eu le temps de se rendre à Salon), il passe sa jeunesse dans ce domaine. Il entre dans la marine à 17 ans où il se distingue partout où il se bat. Napoléon lui-même affirmera que si Suffren avait vécu, il en aurait fait son Nelson. On peut voir son buste en marbre dans la salle des mariages de la mairie. (Informations extraites de la revue Accents, éditée par le CG13)

* Je vous propose un itinéraire 4km600 1h30 env.) sur carte IGN 1:25000
* Le bailli de Suffren et Saint-Tropez
* Suffren et Saint-Cannat

La météo aujourd’hui à cet endroit :
Direction du vent et température ressentie

Puis j’entame la boucle des bories – cabanes en pierre sèche. Celles de Tallagard, à Salon de Provence, sont moins connues que celles de Gordes : je les découvre grâce à un sentier balisé rouge, plus agréable sans doute au printemps qu’en ce 28 décembre.

Les bories ne servaient pas d’habitations mais avaient presque exclusivement une vocation agricole. « Les XVIIe et XVIIIe siècles sont des périodes de grands défrichements où de nombreuses terres étaient données à des paysans qui, à condition de la travailler avec assiduité, en devenaient propriétaires au bout de quelques années. Du coup, ces paysans et bergers faisant leur labeur souvent loin de chez eux avaient besoin d’un endroit où déposer leur matériel ou abriter leur bétail par gros temps ».
(* site GénéProvence, généalogie et histoire locale en Provence et dans les Alpes)

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medium_img_0031.jpgPourquoi cette technique de construction en gradins ?
– par manque de lauses suffisante pour pouvoir faire une toiture classique en cône ou en cloche,
– pour obtenir des élévations importantes, sans avoir à recourir à un échafaudage extérieur,
– peut-être aussi pour éviter l’évacuation des pierres lors de chantiers de construction !

Je bois un café chaud assise sur le muret d’enceinte d’une des bories ; je pense à la construction de la coupole sans coffrage, sans étai, uniquement en avançant chaque rangée de pierres d’une demie épaisseur au-dessus de l’autre. L’entrée est placée le plus souvent au sud pour se protéger du mistral.
medium_img_2240.jpgLa température annoncée ce matin était de quelques degrés en dessous de zéro. Après avoir suivi un chemin entre des champs d’oliviers, je découvre les ruines de la grande ferme la Pastorale dans laquelle je ne peux entrer, parce qu’elle est signalée dangereuse. Je devine au travers des fenêtres barricadées, un vaste paysage sur le Tallagard.
Je rentre par le sentier botanique au cours duquel je découvre le sorbier des oiseleurs (photo de droite). Un bien joli nom, vous ne trouvez pas ?