Le chateau du Castellet depuis Saint-Jeannet, porte des baous


IMG_4312.JPGC’est en pensant à vous, lecteurs de randomania, que  je suis allée chercher des idées de randonnées à Nice à l’occasion du lancement des guides de randonnée de la collection « rando malin ». Les auteurs sont jeunes mais enthousiastes ; ils réussissent à donner envie de les suivre sur les chemins de découverte de notre patrimoine. Le soir même; j’essaie d’identifier l’itinéraire sur une carte IGN, sans succès. Le lendemain, c’est donc le guide à la main, que me rends au château du Castelet qui ne figure pas sur la carte IGN. Serait-il indigne d’y figurer ? Le rando malin Côte d’Azur Alpes du sud, Frédéric Boyer, Mémoires millénaires Editions, 2010

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IMG_4325.JPGIMG_4327.JPGA partir du village, j’emprunte le chemin du Baou de Saint-Jeannet, élément caractéristique des paysages calcaires. Des quatre baous1 de la région vençoise, celui de Saint-Jeannet est le plus remarquable par l’ampleur exceptionnelle de ses faces, de 300m à 350m de dénivelée ; on y monte doucement mais de façon continue. Au premier carrefour, j’entends sans les voir les moutons de la ferme voisine. A l’embranchement d’un étroit sentier, un arbre enroulé d’une bande de gaze bleu vif, semble repérer la montée vers le sommet du baou. Sur le versant du baou de la Gaude, des cultures en terrasse ressemblent à de grandes marches de verdure. Parvenue sur le plateau, c’est la surprise : des milliers de pierre jonchent le sol, parfois rassemblées en tas, rarement constructions telles que cette cabane en pierre sèche. On dirait qu’un cataclysme est passé par là. Où sont les anciennes faïces2 dans lesquelles les anciens cultivaient toutes sortes de céréales ?

Randonnées

Une fois sur le plateau, un sentier sur la gauche mène au baou de Saint-Jeannet, où le varois didrip a placé une cache ; ne le sachant pas, je n’ai pu y aller mais si vous êtes geocacheur, courage ! GCX74N baou de Saint-Jeannet : il parait que le panorama est exceptionnel.

Le sentier continue sur le plateau puis descend dans le vallon. Sur le mamelon juste en face, je vois la tour du donjon que je dois rejoindre. Pourquoi des ruines si imposantes ne figurent-elles pas sur la carte IGN ?

IMG_4376.JPGLe Castelet apparaît dans l’Histoire en 1250, grâce au testament du légendaire Romée de Villeneuve, premier baron de Vence et sénéchal de la Provence (dès 1236). […] il désigne comme héritier direct et universel son fils Paul. Il lui lègue la seigneurie de la Gaude, Saint-Jeannet, le Castellet et la co-seigneurerie de Vence. […] A la lecture de ces actes, il apparaît qu’au XIIIè siècle la seigneurie du Castellet est tout aussi importante que ses voisines de La Gaude ou Saint-Jeannet. Le Castellet sera encore cité en 1309.

IMG_4338.JPGAvant d’arriver au chateau du Castelet, je traverse un sous-bois frais où de nombreux blocs rocheux sont tombés. La remontée est rude mais l’arrivée sur les lieux est une récompense, le sentiment d’avoir découvert quelque chose d’important. Un mur d’enceinte, des contreforts, sont les restes d’un château de guerre. Certes il a été abandonné  pendant plusieurs  dizaines d’années puis les descendants de Romée réutilisent les matériaux pour en faire un logis à côté d’une vaste bergerie.  Les poutres de bois tiennent à peine mais la voûte de la bergerie est encore en bon état. Des échauguettes d’angle prouvent que les lieux étaient surveillés et qu’ils ne devaient pas être très sûrs au moyen-âge.  Occupé jusqu’à la dernière guerre, le château, où se sont réfugiés des maquisards, est dynamité par les allemands. De là je peux voir les cultures en terrasse en arcs de cercle joliment concentriques. Devant le château, une esplanade inclinerait au pique-nique, si le temps n’était pas aussi menaçant.

IMG_4348.JPGIMG_4354.JPGIMG_4359.JPGIMG_4363.JPG

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La boucle des Esconfines à Buoux


IMG_4092.JPGMes deux acolytes ont craint une météo boudeuse ; j’ai ressorti mon livre 25 balades sur les chemins de la pierre sèche, F. Dominique, Le bec en l’air, 2009 et j’ai choisi cette boucle des Esconfines1 moins connue que le fort de Buoux mais où une curiosité géologique m’intrigue. C’est à l’extrémité sud ouest du plateau des Claparèdes, d’abord partiellement sur le GR de pays du tour des Claparèdes puis balisé « esconfines ».

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IMG_4102.JPGIMG_4095.JPGDépart du parking du village en bordure de la Loube si boueux que cela me jouera un mauvais tour au moment de repartir. Je monte par la calade qui passe devant l’église paroissiale puis  jusqu’au plateau en passant devant un oratoire. La petite église romane Sainte-Marie, dont la façade est enduite à la chaux, servait de lieu de culte à une population nombreuse mais disséminée sur le plateau ; jusqu’au XIXè siècle les habitants étaient enterrés autour de l’église : il reste quelques tombes à même la terre posée sur des dalles de pierres dans un cimetière surélevé. IMG_4098.JPGC’était, avant l´implantation de la petite agglomération actuelle (vers 1660), le lieu de culte correspondant alors aux besoins du château voisin et d’une population rurale dispersée. L’autel de pierre est surmonté d’un retable à pilastres cannelés. « L’architrave2 porte encore l’inscription Sancta Maria de Buolis O.M. » Ce retable servait autrefois d’encadrement au tableau de la Vierge Marie.

IMG_4111.JPGAu carrefour à droite l’ancien château seigneurial de Buoux est devenu château de l’environnement, propriété du parc naturel régional du Lubéron. « En 1418, c’est Béranger de Forcalquier qui remet pour services rendus, le château, le village,… à Lancelot de Pontevès, second fils de Jean et Madeleine de Marseille ». Dès lors, la seigneurie de Buoux appartient à la branche des Pontevès. Le château a été transformé au XVIIè siècle (plus de fossés, plus d’enceinte ni de tourelles), mais inachevé puisque la toiture de l’aile droite n’a jamais été posée. Provence Luberon news

IMG_4116.JPGUne éIMG_4137.JPGnorme citerne rectangulaire recueille les eaux de ruissellement.  Un escalier en pierre de taille descend dans le fond de la cuve pour l’entretien. Le trop-plein s’évacue dans un second bassin perpendiculairement au premier. Ici, l’eau circule partout sur les sentiers, dégouline des falaises, alimente les cultures des bancau et sculpte de drôles de formes.

IMG_4103.JPGDe drôles de formes telles que ces boulets de canon enchâssées dans la molasse grise, sur un espace de quelques mètres à droite du sentier ; plus carbonatées que les autres, plus résistantes à l’érosion, elles sortent peu à peu de leur support, finiront sans IMG_4104r.JPGpeut-être par s’en détacher et rouleront au bas de la pente. Cette masse calcaire a subi et continue à subir une importante érosion hydraulique.

Les boules de Buoux sont des sphères de 10 à 50 cm de diamètre, régulières, compactes, enchâssées dans la molasse burdigalienne Elles y sont « fichées comme des boulets dans une muraille ».
Leur composition est identique à celle de la roche encaissante, mais toutefois plus carbonatée. Il ne s’agit donc ni de galets, ni de nodules* ou de concrétions, qui devraient avoir une composition différente de celle du milieu. Leur formation est encore mal connue. Peut-être s’agit-il, comme pour un rognon de silex, d’un phénomène de concentration centripète de carbonate lors de la diagenèse, c’est à dire lors de la transformation du sédiment en roche. « Les boules résultent d’un processus comparable de grésification mais non identique, plus intense, mieux délimité ». Information obtenue de Stéphane Legal, parc régional du Lubéron

Produites pendant la diagenèse, ce ne sont donc pas des concrétions comme dans les grottes mais des concrétions au sens des sédimentologues :

dans ce cas elles sont produites par la concentration ou la ségrégation d’un minéral au sein d’une roche sédimentaire, et sont très généralement diagénétiques (donc avant lithification complète de la roche). […] On a la même chose dans le cas des boules de Saint-André-de-Rosans [Hautes-Alpes – phénomène différent mais comparable] ou d’autres concrétions semblables en Europe : pour l’essentiel la composition de la concrétion est la même que celle de la roche encaissante, seule la quantité du minéral formant le « ciment » (ici calcaire) diffère.

Merci Irna pour ces précisions. Il est vrai que des boules de pierre, il en existe plusieurs sortes dans la nature. Regardez tout ce que la nature ne peut pas faire : IV sphères de pierre, du site d’Irna. Voir aussi en anglais wikipedia sur les concrétions.

epigenisation.jpgepigenisation2.jpgSchéma simplifié de la diagenèse (site de l’académie d’Aix-Marseille)

 

concretion_NZ3.jpgtheodore roosevelt nat park concretions.jpgconcre1.jpgConcrétions : certaines personnes les déterrent et en font un ornement dans la pelouse de leur maison !

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Le circuit des cabanons pointus – cabanoun pountchu – à Mane


Petite boucle à Mane proposée par estoublon, pour découvrir plusieurs cabanons pointus, constructions de pierre sèche le plus souvent à usage agricole ; en 1963, Pierre Martel en avait recensé une centaine entre Saint-Michel et Mane ; sans le savoir, je retrouverai ce circuit décrit dans le dernier livre acquis : 25 balades sur les chemins de la pierre sèche, Florence Dominiquele bec en l’air, 2009.

Curieusement, dans le même secteur, les constructions de pierre sèche sont repérées sur la carte IGN par quatre dénominations différentes : Cnon ou Cabanons, bories (terme à proscrire !), Cnes pour cabanes. Mais comment donc l’IGN met-il à jour les cartes et récupère-t-il la dénomination locale exacte ? Il consulte d’abord les glossaires établis par des érudits régionaux (ça explique le terme impropre de borie…) puis il fait des enquêtes sur le terrain (ça explique le terme de cabanons et cabanes), ce qui enrichit le dictionnaire. Enfin la commission de toponymie établit une liste des termes figurant dans des états justificatifs de noms dont la signification a été vérifiée dans des ouvrages récents (ça explique les graphies). Mais si ce fonctionnement explique les différents termes, il est étrange que ces termes soient si différents dans une zone géographique aussi petite !

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Voici la carte de Cassini datant de 1778. Le barrage de la Laye n’existait pas, bien sûr ; la rivière s’appelait l’Aye devenue ultérieurement Laye signifiant bois, forêt dans le sud-est (selon le glossaire des termes dialectaux de Pégorier, IGN, 2006). Légende des cartes de Cassini

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IMG_0039.jpgLe premier cabanon est juste en face du parking. On accède au second par un sentier bordé d’un muret ; les pierres plates de la toiture (lauses) sont fortement inclinées.  Un chemin caladé réhabilité par les bénévoles de l’association Alpes de Lumière, nous mène au grand cabanon des Eyroussiers.

img_1115.jpgIMG_0042.jpgAvec ses 40m de circonférence, c’est certainement le plus vaste que l’on connaisse dans les environs. Sa construction est soignée : les pierres équarries de l’encadrement de l’entrée portent une feuillure intérieure contre laquelle venait buter une porte de bois. img_1116.jpgUne pierre au sol marque le seuil. Le linteau de bois était surmonté d’une corniche de protection. L’intrados1 de la voûte prend naissance au sol et s’incurve en douceur jusqu’à la cime. Un travail de pro et d’artiste !

img_1120.jpgDerrière le cabanon, un long et haut mur d’enceinte est couronné de lauzes en épi posées de chant, en oblique. Il stabilise le mur et dissuade animaux et maraudeurs de tentatives d’escalade ou de franchissement. Technique du couronnement, site pierreseche.chez-alice.fr

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img_1126.jpgTandis que mon compagnon de route cherche la cache des ‘cabanes du pays de Mane’ placée par estoublon, je suis attirée par un  assemblage en opus spicatum2 dans le bas du mur (2ème photo à gauche) : c’est la première fois que j’en vois un. Le mur a été relevé ultérieurement par des pierres posées en assise horizontale. L’angle du mur  a fait l’objet d’un certain soin avec des grosses pierres plates parallélépipédiques taillées à angle droit et dont on alterne les faces. Cette propriété privée est vouée à la pierre sèche : une curieuse statue de pierre trône même dans le jardin !

En pratique, le chaînage d’angle, site pierreseche.over-blog

IMG_0056.jpgA partir du calvaire (1876) dans le virage, petit aller et retour pour la Vue sur le barrage de la Laye, cache que nous n’avions pas trouvée la dernière fois. Nous improvisons la fin du parcours, évitant ainsi la départementale 950. Un cabanon en bien mauvais état se trouve à l’angle d’une prairie où les premiers moutons sont de sortie.

img_1136.jpgPremier visuel à émerger de la plaine environnante, la citadelle éblouit par sa carrure.

Mane, les cabanons pointus, site de la communauté de communes

Itinéraire du sentier des cabanons, 1h30, 3km500, 115m dénivelée

Ce circuit m’a procuré beaucoup de plaisir : ‘c’est du bon geocaching’, dirait Serge Robert ; si vous êtes intéressé par la pierre sèche, je ne peux que vous inciter à faire le circuit des *** bergeries du Contadour dans la montagne de Lure.

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intrados1 : profil apparent intérieur d’une voûte ou d’un arc
opus spicatum2 : appareil réalisé avec des pierres disposées obliquement sur la tranche et alternativement en épi

(définitions extraites du glossaire du livre 25 balades sur les chemins de la pierre sèche, D.Larcena et D. Lacaillele bec en l’air, 2008)