Du Casset au Lauzet le long de la Guisane


Poursuite de notre randonnée le long de la Guisane entre le Casset et le Lauzet : nous partons à 3 (Majo, Domi et moi) du parking à l’entrée du Casset ; pour rappel, il est interdit de traverser ou stationner dans le hameau.

Sentier plus étroit, moins fréquenté, qui zigzague sous une ligne à haute tension. Il passe sous les mélèzes, traverse une casse « disciplinée » au lieu-dit Chirouzas. Après l’épine-vinette qui ne porte pas encore de baies, le lis de Saint-Bruno que Majo reconnait tout de suite : il pousse dans les prairies et les pâtures sub-alpines, aime beaucoup le soleil et n’est pas si courant dans les Hautes-Alpes. En Auvergne, il est protégé. Pourquoi Saint-Bruno ? il aurait été signalé pour la première près de la chapelle Saint-Bruno, dans le massif de la Grande Chartreuse.

Cet arbuste [L’épine-vinette] est couvert de nombreuses épines disposées par trois. Ses feuilles sont ovales et finement dentées. Les fruits sont de petites baies rouges et charnues […]. [Elles] sont très riches en vitamines et peuvent être utilisées dans la confection de sirops et gelées, à condition de s’armer de beaucoup de patience.

Florealpes

Nous traversons un petit bout de forêt de mélèzes qui longe un affluent de la Guisane. Une zone clôturée inattendue alimentée par un panneau solaire, indique une zone de protection de captage d’eau potable ; en effet sur la carte IGN deux sources y sont indiquées.

Le captage des Fontêtes (Eau très peu calcaire, bactériologiquement parfaite, 81000 m3) sert à l’alimentation humaine du Lauzet. Déclarée d’utilité publique, la zone est donc protégée, aucune utilisation de produits phytosanitaires, aucune activité ni construction. Arrêté 2011-59_1

Arrivée aux Boussardes et sa fontaine de bois ; la chapelle Saint-Antoine, clocheton et porte grillagée, est la chapelle du quartier ; la chapelle Saint-Joseph, celle du village, propose un banc public. L’église du Lauzet, Saint-Roch, clocher-tour formant porche et toit couvert d’ardoises. Sur 600m il y a donc trois établissements religieux !

La lauze extraite sur place (gisement du Lauzet) était généralement réservée aux édifices publics ; on la retrouve encore sur certains monuments.

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Le barrage de Malpasset, dans la vallée de l’aqueduc romain de Fréjus


Depuis longtemps je voulais venir sur les ruines du barrage de Malpasset1, barrage qui a cédé le 2/12/1959 à 21h13 inondant la vallée du Reyran, atteignant Fréjus en 20 mn et le littoral en 40mn. Enfant à l’époque, je me souviens de notre angoisse dans l’attente des nouvelles de mon oncle qui habitait Fréjus ; pas de téléphone chez nous, plus de téléphone à Fréjus. Sur notre premier petit téléviseur noir et blanc, nous recevions les premières images de la catastrophe. Ce n’est que trois jours plus tard que nous avons appris qu’il était sain et sauf.

Vidéo des archives INA après la catastrophe :

Le parking le plus proche est au bout de la D37, petite route qui part du rond-point du péage de l’A8, et se termine sous le pont de l’autoroute ; si la route est inondée à l’endroit du premier gué, il faut laisser la voiture 500 m avant. Le parcours d’interprétation est balisé.

Dès le départ près du pont, des blocs rocheux de plusieurs tonnes arrachés au barrage, se sont donc arrêtés à plus d’un kilomètre de celui-ci. La large piste d’Ambon monte ; à la première intersection à droite, je suis invitée à descendre dans le lit de la rivière : c’est le début du sentier d’interprétation. Je me rapproche, repérant au passage les tiges métalliques tordues, recourbées, de la structure en béton. Au pied du barrage , de 50m de hauteur, une ouverture béante à l’endroit où l’eau ne pouvant s’évacuer, a soulevé les fondations. Rive droite, des fragments de plots de béton délimités par les cassures des joints, forment un escalier ; rive gauche, la culée, et le garde-corps qui atterrit dans le vide. Je n’ai pas suivi les panneaux numérotés du parcours officiel mais suis revenue sur la piste d’Ambon.

Rude montée bien au-dessus du barrage par la piste en lacets qui se prolonge par l’ancienne route de Malpasset qui borde le Reyran ; sous les frondaisons, de l’autre côté de la rive, plusieurs vestiges de l’aqueduc romain de Fréjus ; les numéros de vestiges sont ceux adoptés dans l’excellente étude ci-dessous : un mur (44), un ponceau (43), un regard (40), etc. L’arche Jaumin (38) est la plus proche de la route ; certains randonneurs sont parvenus à traverser le Reyran pour l’atteindre : j’espère y arriver également. J’ai repéré approximativement le pont mais finalement, un petit cairn en repère l’accès et l’IGN y a positionné une étoile.

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** La villa romaine Saint-Pierre de Vence et le château de Roquemartine


Une randonnée très intéressante sur les hauteurs d’Eyguières. Une seule place pour se garer au plus près (croisement D569/Mas de Loc) ; vous pouvez partir de Lamanon, d’Eyguières, ou du parking près de la villa romaine, sur le chemin de Saint-Pierre en sens unique – avec de sacrées ornières selon la saison – dans le vallon des Glauges. C’est le choix de notre première visite.

Eyguières, son histoire féodale, communale et religieuse, Abbé L. Paulet, Marseille, 1901

Au vu d’un des premiers documents consultés, Des prospections à la fouille : recherches à Eyguières (B.-du-R.), Jean-Pierre Pelletier, Michel Poguet, Contributeur : F. Brien-Poitevin J. Lafaurie Y. Rigoir J. Rigoir, Revue archéologique de Narbonnaise, Année 1993, n°26, pp. 181-234, je constate que la commune possède beaucoup de témoignages de son passé : oppida, grottes, vestiges romains, castellas, chapelles, etc.

La villa romaine de Saint-Pierre de Vence se trouve au pied du mont Sainte-Cécile, à 500 m seulement du chemin où nous sommes garés. Saint-Pierre de Vence est le nom d’une ancienne communauté religieuse appelée ainsi de longue date.

L’origine de ce quartier, écrit Vanse sur la carte de Cassini, au pied du mont sainte-Cécile, nous renvoie à l’ordre de Saint-Ruf.
L’ordre est chargé de la direction de l’église Saint-Ruf d’Eyguières peu de temps après la création de l’Ordre (vers 1039 à Avignon). Celui-ci reçoit en donation de l’évêque d’Avignon Saint-Pierre de Vence et son église ruinée. Cet autre document – Les saintes de la messe et leurs monuments, Charles Rohault de Fleury, Libr.-Impr.réunies, 1893 – évoque Saint-Pierre-ès-Liens de Roquemartine.
Sainte-Cécile de Vence est mentionnée dans une bulle de 1096, confirmée en 1488 dans une bulle d’Innocent VIII.
Le tag ‘Vence ‘ du site Vous voyez le topo, me donne une idée de l’origine de ce toponyme, ni français ni provençal. Habité par les gaulois puis les romains, ce territoire a peut-être pris le nom romanisé d’un notable gaulois, celui de la villae, appelé Venucius… devenu Vence. Jusqu’à preuve du contraire…

Cette villa romaine construite au IVe siècle a été occupée jusqu’au Xe ; les monnaies découvertes à proximité en témoignent ; J. Lafaurie considère qu’il est extraordinaire qu’un même site fournisse tant de raretés aussi importantes pour sa chronologie. Eyguières (Bouches-du-Rhône). Saint-Pierre-de-Vence. Site occupé à la fin de l’âge du fer, thermes d’une villa gallo-romaine (IIe-Ve s.) et réoccupations durant le haut Moyen Âge (VIe-Xe s.). [compte-rendu], Poguet Michel, Pelletier Jean-Pierre, Archéologie médiévale, Année 1993, 23, pp. 326-327. Dans les niveaux inférieurs, un établissement plus ancien et même un habitat d’avant notre ère. Au XIXe ce que l’on a pris pour une tour est en fait un pan de mur toujours debout. Les installations 1 à 4 correspondent à un petit balneum, de 5 à 11 à un grand. Les salles se suivent, des bains chauds (6 : caldarium) aux bains froids (8 : frigidarium) en passant par les bains tièdes (7 : tepidarium). Les installations thermales gallo-romaines paraissent avoir été abandonnées, […] au cours de la deuxième moitié du Ve s. Un plan se trouve dans le document Des prospections à la fouille : recherches à Eyguières.
Les thermes romains expliqués aux enfants

Nous retrouvons le chemin par une voie romaine visible sur une vue aérienne. Le sentier passe au pied du mont sainte-Cécile puis longe la route D25 ; le nouveau château de Roquemartine a été reconstruit dans la plaine après la destruction du château féodal que l’on aperçoit au loin. Nous parvenons plus ou moins facilement à ne pas marcher sur la route D569 mais sur le bord, jusqu’au monument tronqué – assez rare en France – en hommage aux camarades tombés pour la libération de la région.

Ces éléments des monuments aux morts peuvent consister en une colonne de marbre de 2 à 4 mètres de haut franchement brisée en son extrémité haute, pour symboliser la vie trop tôt écourtée. Colonne brisée, Wikipedia

A partir de là, montée dans la pente, montée rude d’une centaine de mètres de denivelée dans les cailloux. Presque au sommet, le sentier toujours aussi caillouteux, se dirige vers le nord. Progressivement, avec une certaine émotion, se dévoile le château de Roquemartine perché sur son pic rocheux ; à ses pieds, l’église Saint-Sauveur dont les murs de belle taille paraissent en bon état.

La visite (dangereuse et en propriété privée) commence donc par l’église Saint-Sauveur, autrefois église paroissiale de la commune de Roquemartine rattachée à Eyguières depuis 1805. Nous y entrons par le sud mais au moyen-âge, on y accédait par l’intérieur car elle était adossée au rempart. Abandonnée depuis le milieu du XVIIe, elle n’a plus de toiture, les pierres jonchent le sol. Dans le chœur à voûte gothique de forme pentagonale irrégulière, je devine des peintures murales, effritées et défraichies. Autrefois, à côté de l’autel trônaient les statues d’Elzéar de Sabran et Delphine de Signes, tous deux saints. Eyguières, son histoire féodale, communale et religieuse, Abbé L. Paulet, Marseille, 1901
La travée ouest ayant été détruite anciennement, l’édifice est réduit de moitié. L’une des deux petites chapelles de plan rectangulaire conserve le caveau des seigneurs d’Albe, pillé en 1857 par une bande de brigands. En 1984, JM, restaurateur éclairé de vieilles pierres, découvre une fresque représentant la crucifixion. Merci à l’auteur Michel Morra, du blog lphdpa, d’avoir relaté les faits.
Les petites histoires du Pays d’Arles : la fresque oubliée de Roquemartine
40 ans plus tard, alors que la Fondation du Patrimoine (loto du Patrimoine 2022) vient de sélectionner le site pour un projet de fouilles et sécurisation, je serai curieuse de voir ce qui pourra être récupéré…

Le démarrage des travaux est prévue au premier trimestre 2022. Ils doivent se terminer un an plus tard, au premier semestre 2023.

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