Les pigeonniers de Limans


IMG_0703b.JPGLimans : cela surprend de découvrir autant de pigeonniers(16) dans un si petit village (73 maisons en 1698, 534 habitants en 1851, 345 en 2006 ; 14 habitants au km2), et en plus en bon état. La plupart datent des XVIème et XVIIème siècles et comportent des corniches à gorge soigneusement taillées. Les chambres des pigeons sont tapissées d’alvéoles superposées, les boulins, où pondent les oiseaux. Les plus pauvres sont en osier ou en bois ; dans les constructions les plus soignées, ils sont en terre cuite ou plâtre. C’est Joseph Palamède de Forbin qui était seigneur de Limans, comme il l’était de Janson, Villelaure ou Mane. « Pour les pigeonniers d’époque féodale, l’on peut lire le rang du seigneur en fonction de la forme de la girouette ».

Le plus remarquable est celui du Curé-Martin, à quatre niveaux superposés sur quinze mètres de haut, avec le deuxième étage accessible par un escalier externe (date 1553 sur le porche), le troisième par un escalier à vis intérieur, et le dernier par une échelle. Pays de Lure, Forcalquier, Manosque Et de Giono, P. Ollivier-Elliott, edisud, 2000

Les pigeonniers provençaux, Claude Mesnil avec un plan de Limans et les points de visite

C’est sur la page de l’Histoire de Limans, site bassesalpes.fr, que j’ai appris comment était rémunéré l’ instituteur par les parents au XVIII °s. « l’on faisait une distinction entre les enfants debout (3 sous) et ceux qui pouvaient s’assoir (5 sous) ».

Conseillés par l’office du tourisme de Forcalquier, nous choisissons le ’18 : tour des Ybourgues’ (image de l’itinéraire des pigeonniers), 8km (et non 5) de 3h00 avec les arrêts (et non 2) avec une belle dénivelée de presque 300m (pas si facile), et que j’aurais plutôt appeler « La boucle des pigeonniers ».

La météo aujourd’hui à cet endroit
Avec la température ressentie

Histoire :

IMG_0187.jpgSelon les coutumes féodales, il fallait être seigneur d’un fief et exploitant d’un domaine pour avoir droit de colombier, les pigeonniers « sur pied » ou indépendants des autres constructions étant l’apanage des grands fiefs. En haute Provence au contraire, ils étaient exclus des privilèges seigneuriaux depuis les lettres patentes de 1685 : « on tient que si le seigneur n’est point fondé en droit ou possession de prohiber à ses habitans de construire des colombiers de toute espèce, que dans le pays on appelle colombiers à pié ou à cheval, […], les habitans peuvent en faire construire sans son consentement, pourvu que ces colombiers n’ayent ni crénaux ni meurtrieres, qui sont des marques de noblesse. » (Encyclopédie Diderot, 1ère édition, Tome III). En 1736 pourtant, l’économe de l’Ordre Saint-Jean de Jérusalem essaya de faire détruire le pigeonnier de M. Eymar à Lardiers mais il ne réussit pas (Département des Bouches du Rhône : Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790 série Crédigé par M. BlancardP.Dupont, 1865-1892). Avec le nouveau code rural en 1791, il est autorisé de tirer le pigeon durant les périodes de moisson. Au XVIIème siècle on estimait le nombre des colombiers en France à 42 000.

Construction :

  • Toujours à côté des champ de céréales
  • Corniches, murs lisses afin de prévenir l’intrusion de prédateurs (rats, belettes…)
  • En Provence, l’orientation au sud et les murs surélevés au niveau du toit protègent les oiseaux du mistral
  • Plan circulaire pour les structures intérieures du pigeonnier, forme la plus rationnelle pour l’exploitation qui demande une visite régulière des nids, le nettoyage, le prélevement des pigeonneaux ou des œufs
  • A l’intérieur, trémies à grains et abreuvoirs ; sol dallé pour recueillir la fiente

Le plus grand pigeonnier du monde, Palomar de la Breña (7770 boulins), Espagne

IMG_0688.JPGIMG_0194.jpgLa balade commence fort : depuis le village, une montée continue pratiquement sur la moitié du parcours, mène au point culminant  de la randonnée à 816m. Au loin les eaux du barrage de la Laye (1959 à 1974) miroitent au soleil. Les vaches sont sorties pour la première fois dans les prés. Au lieu dit Tècle, je ne peux qu’admirer la grande bergerie en pièrre sèche (ou étable ?), aux pierres admirablement alignées sur les plans vertical et horizontal. Un travail de pro pour un bâtiment aussi grand.

Utilité du pigeonnier :

  • Engrais : Les déjections des pigeons appelées colombine, riches en azote et en acide phosphorique, servaient d’engrais, et à la production de salpêtre pour faire de la poudre à fusil.
  • Nourriture : « Ainsi un pigeonnier de cinq cents nids pouvait donner 160 pigeonneaux par semaine. C’est aussi une viande disponible toute l’année, les pigeons pouvant être facilement nourris avec du grain lorsque les conditions atmosphériques empêchent leur alimentation dans les champs. C’est une viande facilement conservable et transportable sous forme de pigeons vivants, dans des cages en l’absence de système frigorifique. Les pigeons sont vendus vivants au marché, tués et consommés au fur et à mesure des besoins » . Source : histoire des pigeonniers, de P. Cousin
  • Mèdecine : Pour garder que les cheveux tombent, de la fiente de Colombe desséché fera merveille”. Pierre de Bourgarel, Seigneur du Colombier à Vachères vers 1650, dans « Remèdes tant pour les bêtes que pour les gens, de feu mon père que Dieu absolve » ; Celse recommande le foie de pigeon, récent et cru, mangé pendant longtemps, contre l’ictère . Source : mini eco musée des pigeonniers de Haute-Provence

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IMG_0692.JPGLes premiers arbres en fleurs et les première fleurs de printemps sont enfin sorties de terre (crocus). A travers les sous-bois, nous cherchons le balisage jaune ; il nous faut passer sous la cloture électrifiée d’un propriétaire.

IMG_0695.JPGIMG_0697.JPGAprès une raide descente jusqu’au hameau d’Ybourgues, nous cherchons les pigeonniers. Ce qui frappe, c’est la qualité des constructions de pierre, leur caractère authentique, leur restauration dans l’esprit du passé, sans ajout de ciment ou matériau moderne. La ferme fortifiée classée monument historique, a été soigneusement remaniée : citerne couverte, ruines d’un four, resserre à outils, cuisine. Le pigeonnier proprement dit se gagne par un escalier construit dans l’épaisseur même du mur. En haut de cette tour, des archères laissent supposer que le bâtiment a pu avoir un rôle défensif. Un mixte entre manoir rural et maison forte. Les fondations remonteraient au XIIIème siècle, selon le site Belvédair  qui a depuis supprimé l’article.

IMG_0696.JPGAprès un petit rafraichissement près de la fontaine du hameau, nous rejoignons le GR6 qui nous ramènera au village par un sentier plus facile qui longent les prés. Après la cache d’estoublon les pigeonniers de Limans, la petite visite de la tour de guêt à côté de la calade qui servait d’aire de battage, nous repartons pour Ongles et le village abandonné de Vière.

Cette surface plane recouverte d’une calade servait à faire sortir le grain de l’épi. En Provence, ce procédé consistait à faire piétiner les gerbes par des juments, chevaux, boeufs,… Elle se trouve dans un endroit dégagé et exposé au vent dominant pour faciliter la ventilation du grain.

IMG_0703.JPGLimans c’est aussi :

  • Radio Zinzine, radio autogérée, libre, créée en 1981, sans aucune publicité, 24h/24 et 365 jours par an, dont le principal studio est à Limans.
  • le lieu d’implantation de la première communauté Longo Maï

Le moulin Bonnet à Boulbon


img_5752r.JPGDépart depuis un petit parking coincé entre le chateau – appartenant depuis Napoléon à la famille Bonaparte – et une muraille de vieilles roches en couches ratatinées. Le sentier grimpe de façon continue puis arrive en haut de la colline où le moulin montre fièrement ses ailes de bois restaurées. Il ne fonctionne pas en ce dimanche.img_6219r.JPGimg_6222r.JPG Le moulin Bonnet de Boulbon a été restauré en 2003. Sa charpente, ses ailes, son mécanisme ont été reconstruits d’après des plans d’origine par « les charpentiers du haut Var » (entreprise de M. Aujogues au Muys). Un bel ouvrage de notre patrimoine qui héberge occasionnellement des meuniers bénévoles amateurs1 et produit de la farine non commercialisée quand la météo est favorable, c’est à dire quand il y a beaucoup de mistral.

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Photos fournies par l’Association

Les conditions de circulation dans les Bouches-du-Rhône ou  en appelant le 0 811 20 13 13 la veille pour le lendemain.

Lorsque le moulin tourne, on doit absolument l’alimenter en grains qui servent de « lubrifiant » entre les deux meules. Par voie de conséquence, on obtient de la farine, fine si le vent est fort et plus grossière si le vent est moins fort car on ne peut serrer les meules sans blocage. Ce n’est pas notre souci car notre seul but est de le faire tourner ! me confie M. Betton, président de l’association des « Amis du Vieux Boulbon ».

Sa girouette porte les armoiries du village « de img_6234r.JPGgueules à un lion d’argent » que l’on retrouve aussi sur la clé de voûte de l’église Sainte-Anne. Le moulin de Boulbon est le seul moulin des Bouches-du-Rhône à pouvoir fonctionner. cassini_boulbon.jpegComme souvent quand il s’agit de petit patrimoine, c’est une association « les Amis du vieux Boulbon » qui le gère à la demande de la mairie qui en est propriétaire. La date admise de sa construction est 1776 ; pourtant, lors de la restauration, la meule tournante a été img_6224r.JPG déplacée et une date gravée a alors été visible : 1748. Sur la carte de Cassini de cette époque, je compte au moins 4 moulins (qui appartenaient aux moines de l’abbaye de Saint-Victor) dont le moulin brûlé ; peut-être la meule vient-elle de celui-ci ? l’évènement a dû une laisser une trace indélébile dans les esprits puisqu’un quartier de Boulbon porte encore le nom de « moulin brûlé » !
Nous descendons jusqu’à la table d’orientation, bien colorée, conçue par les enfants de l’école primaire des Saules ; nous dominons le village de Boulbon et comprenons mieux en quoi ce château est plutôt une forteresse. De l’autre côté, la vallée du Rhône et sa haute cheminée rayée blanche et rouge.img_6275.JPGAu retour, nous passons au pied du château littéralement incrusté dans le rocher. Avec quels moyens techniques les hommes ont-ils pu le construire au XIIe siècle ? Nous terminons par la visite du village moyenâgeux, en circulant à l’intérieur de la deuxième ligne de remparts « la muraille du fort » ; à chaque tournant qui nous cache l’espace au delà, on se demande si on ne tombera pas sur une impasse. Mais non, nous tombons bientôt sur la rue de l’andrône2 des remparts qui permet de rejoindre la première ligne de remparts en contre-bas.

Site de la commune

Le moulin Bonnet, du site Moulins de France

Circuit moulin Bonnet – chapelle St-Marcellin – village – château (retour possible par la chapelle Saint-Marcellin moins de 3km A/R – dénivelée 84m)

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1Je remercie Michel Betton, président de l’association « Les Amis du Vieux Boulbon », qui m’a signalé les informations erronées de cette note. Il me communique également les conditions de visite : le moulin est ouvert les deuxième et quatrième samedi et dimanche du mois (l’après midi) à partir des journée du patrimoine jusqu’à fin juin.

Adresse : Place Victor Barberin, 13150 Boulbon
Téléphone (mairie) : 04 90 43 95 47 – cotisation 5€/an en 2008

2Androne : Entre deux maisons est intercalée un androne (ou entremis), un espace de 25 à 40cm de large destiné à éviter la propagation des incendies et à faciliter l’écoulement de l’eau.

Provence des moulins à vent, Jean-Marie Homet, Edisud, 1984

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Merci Bong13 pour la montagnette 2 : Boulbon : promenade à faire des enfants, un samedi après-midi quand le moulin est ouvert.

*** Circuit de la glace dans le Var


Visite guidée de 3 glacières et du musée de la glace à Mazaugues.  J’ai enfin compris comment on fabriquait, stockait, distribuait la glace entre le XVIIè et le XIXè siècle en Provence ! Ada ACOVITSIOTI-HAMEAU de l’ASER, se montre passionnante et incollable sur le sujet. Pas si souvent que dans une de mes balades, la tête et la voiture servent plus que les jambes !

Entrecasteaux glacière privée

Glacière privée du chateau d’Entrecasteaux construite contre le rempart. La dame de Venel a obtenu en 1648 le privilège de construire des glacières, vendre et débiter la glace dans toute la Provence. Les villageois alimentent la glacière l’hiver par l’eau qui gèle le long de la rivière, et peuvent bénéficier de glace l’été. ———————————–

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Glacière de Cotignac ayant servi à la communauté. Elle a été construite près de la source Saint-Martin en 1701, juste avant que l’homme d’affaires, Louis de Beaumont, n’achète le privilège de glacière à perpétuité. D’où les difficultés des consuls pour obtenir le droit de la faire fonctionner pour le compte de la communauté ; ils ont quand-même pu faire les enchères pour la fourniture de glace dès 1702. En difficulté financière, de Beaumont revend ses droits aux différentes communautés à partir de 1701.   Pour fabriquer la glace, les prairies étaient volontairement inondées. Suite à des malfaçons, des hivers trop doux, ne produisant pas suffisamment de revenus, elle est progressivement abandonnée. Le conseil de Cotignac la met en vente en 1719. ———————————–

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Glacière Pivaut MazauguesGlacière Pivaut ou Gaudin, la dernière glacière construite dans le massif de la Sainte-Baume (fin XIXè siècle), ayant peu servi mais fort bien construite. 25m hauteur, 19,80m de diamètre extérieur, des murs de 2,50m d’épaisseur. Face à elle des bassins de congélation et la rampe de remplissage par laquelle la glace était introduite dans la glacière. Le canal d’évacuation des eaux de fusion, quelques mètres plus bas, est très frais : elle devait être efficace cette glacière. Plusieurs hautes porte-fenêtres permettent de charger et décharger la glace à deux niveaux de remplissage ; d’autres ouvertures pouvaient servir pour l’éclairage de nuit ; ou l’évacuation de la chaleur, le contraire en somme de ce qui se passe dans nos maisons l’hiver…

« à partir de mai, quotidiennement, des blocs de matière première étaient remontés en fin de journée. Ces pains de glace recouverts d’étoffes, de paille et de fougères, étaient alors chargés à dos d’âne ou sur des charrettes. Ils étaient acheminés, la nuit, vers Toulon, Aix ou Marseille. La plupart du temps, les hommes traversaient la Sainte-Baume du nord au sud. Au petit matin, les livreurs arrivaient en ville pour approvisionner les commerçants et les particuliers. » Extrait de Var Matin, 2008 et rapporté dans la mémoire gravée dans la pierre, site maville.com

Impressionnante ! à voir absolument ! les geocacheurs pourront la découvrir sous le numéro GC160VZ et son nom évocateur Bien fraiche ! S.V.P.

Le saviez-vous ?
Lors de l’assemblée générale de l’ASER où nous étions en novembre 2010, j’ai appris qu’il existait autrefois une toute petite commune appelée Meinarguette.

J’ai retrouvé un projet de loi de la chambre des députés en date du 8 juin 1839 tendant à réunir la commune de Meinarguette à la commune de Mazaugues : la commune n’a que 100 habitants et 240 francs de revenus ordinaires. Le conseil municipal de Meinarguette a reconnu la nécessité de cette mesure mais la commune de Mazaugues préférait que Meinarguette soit rattachée à Signes. Elle fut finalement rattachée à Mazaugues en 1839. Extrait des Archives parlementaires, recueil complet des débats législatifs et politiques des Chambres françaises de 1800 à 1860, 2e série, 1800-1860, P. Dupont (Paris), 1862-1912. Histoire de Meynarguette, par l’ASER du centre Var

Découverte des villages de Cotignac et Entrecasteaux, blog de Fouchepate
Le musée de la glace et la glacière Pivaut, blog du Petit Pierrot
Histoire de l’eau à Hyères, avec sources bibliographiques
Evocation de la glacière du Bertagne, à la Sainte-Baume dans une note de ce blog Trois itinéraires pour le pic de Bertagne et celle de Mimet dans les grottes de l’Etoile
Information transmise par Fouchepate dans son commentaire : il existe
« …un téléfilm : la Bastide blanche qui retrace cette époque d’après le roman “La Bastide Blanche” de Jean-Michel THIBAUX, Editions Presse de la Cité »

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Cette note a été aimablement relue par notre guide Ada Hameau que je remercie vivement.

L’artisanat de la glace en Méditerranée occidentale – supplément n°1 au cahier de l’ASER, Ada Acovitsioti-Hameau, 2001 (ré-éd.) – 120 pages