Le circuit du gypse et le rocher de Sainte-Madeleine


Après la balade du matin que nous avons voulu facile, nous décidons sur les conseils d’estoublon, de faire le circuit du gypse préparé par la réserve géologique à Thoard. Il fait chaud ; l’enthousiasme n’est pas débordant mais nous sommes motivés par la découverte du refuge d’art de la chapelle Sainte-Madeleine en bordure de falaise, en haut du rocher, et la carrière de gypse. D’un point du vue géologique, nous trouvons des paysages contrastés, la vallée des Duyes se trouvant autrefois en bordure de la mer qui recouvrait la Haute-Provence et également au pied des montagnes ; le sable accumulé forme le grès que l’on voit aujourd’hui. La limite de chevauchement est soulignée par les affleurements de gypse qui ont servi de ‘savon tectonique’ à la nappe de charriage de Digne. Géologie de la vallée des Duyes

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IMG_5442.JPGimage44.jpgLe départ par le GR de pays « grande traversée des préalpes » ou GTPA, se trouve à la Bannette à Thoard, ou sur le parking aménagé un peu plus loin. Il grimpe, grimpe sur les cailloux puis tourne à gauche, longeant des champs pentus dont des champs de lavande plus ou moins abandonnés ; le monument du souvenir des résistants nous rappelle qu’ici deux jeunes ont été assassinés par les allemands lors de la seconde guerre mondiale. L’ADRI a même publié un livre permettant de découvrir tous les chemins de la résistance. Les chemins de la liberté – sur les pas des résistants de Haute-Provence, ADRI – AMRID, ADRI-AMRID, 2004

image48.jpgNous délaissons alors le GR pour grimper sur le rocher de Sainte-Madeleine curiosité géologique dont la nature n’a rien à voir avec les terrains qui l’entourent : il s’agit soit d’un élément arraché à un relief voisin et entraîné ici lors de la mise en place de la nappe de Digne, soit il correspond à un repli de la nappe de Digne (A travers la réserve géologique de Haute-Provence, ADRI/Réserve géologique, ADRI, 2000) ; autrefois les paysans de la vallée de Thoard se servaient de l’ombre projetée par le rocher pour connaitre l’heure. A midi le rocher est totalement éclairé.

Nous passons près de l’antenne et rejoignons la chapelle Sainte-Madeleine devenue refuge d’art, collection hors les murs du musée Gassendi de Digne, datant de 2002. De loin, sa situation ressemble fort à celle de la chapelle Saint-Michel de Cousson : très proche de la falaise. Quand nous nous trouvons face à l’entrée, sans porte, nous reconnaissons tout de suite l’œuvre d’Andy Goldsworthy qui marque de son empreinte toute la Haute-Provence ; un oeuf de pierres plates et bien alignées, à taille humaine, invite à nous y lover ; c’est ce que souhaite l’artiste, ce que nous ferons, comme tant d’autres avant nous. IMG_5450.JPGDeux rais de lumière pénètrent dans la chapelle par de IMG_5461.JPGdiscrètes ouvertures dans la toiture. Alors que nous profitons du silence assis sur le banc, soudain des bruits de moteurs rageurs nous ramènent à la réalité : quatre quads déboulent près de la chapelle. Les visiteurs y jettent un oeil rapide ; au cours d’une brève discussion, nous retenons une bonne adresse : celle du restaurant la Bannette où il vaut mieux réserver. Ils repartent en trombe, abimant le sentier en déterrant même les grosses pierres.

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La boucle des Esconfines à Buoux


IMG_4092.JPGMes deux acolytes ont craint une météo boudeuse ; j’ai ressorti mon livre 25 balades sur les chemins de la pierre sèche, F. Dominique, Le bec en l’air, 2009 et j’ai choisi cette boucle des Esconfines1 moins connue que le fort de Buoux mais où une curiosité géologique m’intrigue. C’est à l’extrémité sud ouest du plateau des Claparèdes, d’abord partiellement sur le GR de pays du tour des Claparèdes puis balisé « esconfines ».

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IMG_4102.JPGIMG_4095.JPGDépart du parking du village en bordure de la Loube si boueux que cela me jouera un mauvais tour au moment de repartir. Je monte par la calade qui passe devant l’église paroissiale puis  jusqu’au plateau en passant devant un oratoire. La petite église romane Sainte-Marie, dont la façade est enduite à la chaux, servait de lieu de culte à une population nombreuse mais disséminée sur le plateau ; jusqu’au XIXè siècle les habitants étaient enterrés autour de l’église : il reste quelques tombes à même la terre posée sur des dalles de pierres dans un cimetière surélevé. IMG_4098.JPGC’était, avant l´implantation de la petite agglomération actuelle (vers 1660), le lieu de culte correspondant alors aux besoins du château voisin et d’une population rurale dispersée. L’autel de pierre est surmonté d’un retable à pilastres cannelés. « L’architrave2 porte encore l’inscription Sancta Maria de Buolis O.M. » Ce retable servait autrefois d’encadrement au tableau de la Vierge Marie.

IMG_4111.JPGAu carrefour à droite l’ancien château seigneurial de Buoux est devenu château de l’environnement, propriété du parc naturel régional du Lubéron. « En 1418, c’est Béranger de Forcalquier qui remet pour services rendus, le château, le village,… à Lancelot de Pontevès, second fils de Jean et Madeleine de Marseille ». Dès lors, la seigneurie de Buoux appartient à la branche des Pontevès. Le château a été transformé au XVIIè siècle (plus de fossés, plus d’enceinte ni de tourelles), mais inachevé puisque la toiture de l’aile droite n’a jamais été posée. Provence Luberon news

IMG_4116.JPGUne éIMG_4137.JPGnorme citerne rectangulaire recueille les eaux de ruissellement.  Un escalier en pierre de taille descend dans le fond de la cuve pour l’entretien. Le trop-plein s’évacue dans un second bassin perpendiculairement au premier. Ici, l’eau circule partout sur les sentiers, dégouline des falaises, alimente les cultures des bancau et sculpte de drôles de formes.

IMG_4103.JPGDe drôles de formes telles que ces boulets de canon enchâssées dans la molasse grise, sur un espace de quelques mètres à droite du sentier ; plus carbonatées que les autres, plus résistantes à l’érosion, elles sortent peu à peu de leur support, finiront sans IMG_4104r.JPGpeut-être par s’en détacher et rouleront au bas de la pente. Cette masse calcaire a subi et continue à subir une importante érosion hydraulique.

Les boules de Buoux sont des sphères de 10 à 50 cm de diamètre, régulières, compactes, enchâssées dans la molasse burdigalienne Elles y sont « fichées comme des boulets dans une muraille ».
Leur composition est identique à celle de la roche encaissante, mais toutefois plus carbonatée. Il ne s’agit donc ni de galets, ni de nodules* ou de concrétions, qui devraient avoir une composition différente de celle du milieu. Leur formation est encore mal connue. Peut-être s’agit-il, comme pour un rognon de silex, d’un phénomène de concentration centripète de carbonate lors de la diagenèse, c’est à dire lors de la transformation du sédiment en roche. « Les boules résultent d’un processus comparable de grésification mais non identique, plus intense, mieux délimité ». Information obtenue de Stéphane Legal, parc régional du Lubéron

Produites pendant la diagenèse, ce ne sont donc pas des concrétions comme dans les grottes mais des concrétions au sens des sédimentologues :

dans ce cas elles sont produites par la concentration ou la ségrégation d’un minéral au sein d’une roche sédimentaire, et sont très généralement diagénétiques (donc avant lithification complète de la roche). […] On a la même chose dans le cas des boules de Saint-André-de-Rosans [Hautes-Alpes – phénomène différent mais comparable] ou d’autres concrétions semblables en Europe : pour l’essentiel la composition de la concrétion est la même que celle de la roche encaissante, seule la quantité du minéral formant le « ciment » (ici calcaire) diffère.

Merci Irna pour ces précisions. Il est vrai que des boules de pierre, il en existe plusieurs sortes dans la nature. Regardez tout ce que la nature ne peut pas faire : IV sphères de pierre, du site d’Irna. Voir aussi en anglais wikipedia sur les concrétions.

epigenisation.jpgepigenisation2.jpgSchéma simplifié de la diagenèse (site de l’académie d’Aix-Marseille)

 

concretion_NZ3.jpgtheodore roosevelt nat park concretions.jpgconcre1.jpgConcrétions : certaines personnes les déterrent et en font un ornement dans la pelouse de leur maison !

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*** Les sources de la Siagnole et l’aqueduc romain de la Roche Taillée


IMG_0005.jpgDépart du village de Mons (803m) par un sentier empierré mais qui descend doucement. Un balisage bien fait, donc pas de risque de se perdre. Un convoi de chenilles processionnaires traverse le sentier.

IMG_4003r.JPG« Au printemps, la colonie, conduite généralement par une femelle, quitte le nid, toujours en procession pour gagner au sol un endroit bien ensoleillé et s’enfouir dans un trou où chacune des chenilles va tisser son cocon pour démarrer son processus de transformation en chrysalide ».

Plus bas, nous passons à côté de belles lignées de restanques, travail d’un artiste, puis suivons la départementale 56 que nous avions parcourue sous la neige en janvier dernier. C’était le jour de la fameuse alerte orange dans le Var.

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IMG_3525r.JPGIMG_3514r.JPGPar le sentier juste après le pont, nous rejoignons les anciens moulins communaux de Mons, moulin à huile avec son immense roue à aubes, moulons à foulon1 et blé. En remontant la rive droite, nous pouvons voir les installations de l’autre côté. On entend désormais une turbine moderne. IMG_0072.jpgEt si l’on continue jusqu’au barrage des moulins, c’est un impressionnant tonnerre que l’on entend ! l’eau tombe en hautes cascades sur la largeur de la rivière, formant un nuage de gouttelettes en suspension dans l’air. Les abords sont glissants et dangereux mais le spectacle magique. Dans les sous-bois, un drôle de champignon gélatineux à volutes oranges accroche notre regard et s’accroche à un arbre mort dans un sous-bois. Une trémelle mésentérique ?

IMG_3516r.JPGIMG_3522r.JPG[…] les monsois restent très attachés à leurs moulins, pour preuve les véhémentes protestations du conseil municipal de Mons à propos du projet du canal Jourdan en 1847. Ils ont réussi à maintenir un droit d’eau d’un débit minimum de 100 litres par seconde au niveau des moulins communaux. « Les paysans, au début du XXe siècle, venaient « faire moudre » leur blé pour fabriquer eux-mêmes leur pain. L’hiver, ils apportaient leur récolte d’olives au moulin à huile. Cette huile servait à la cuisine, mais aussi à l’éclairage, l’électricité n’étant pas encore amenée dans les campagnes. Les routes n’étaient pas aménagées et c’est, à dos de mulet, par les chemins rocailleux, que les paysans se rendaient aux moulins ». La séparation des peaux et noyaux des olives est obtenue par décantation dans une succession de bassins :

  • les résidus sont revendus pour la fabrication du savon Palmolive … à l’huile d’olive,
  • les noyaux sont toujours recherchés pour l’industrie cosmétique ou la fabrication d’abrasifs, de pâte à polir les verres de lunettes (établissements Charles Bardon au Muy).

Les moulins de la Siagnole, site wikipedia

IMG_0033.jpgIMG_0041.jpgDemi-tour pour emprunter désormais le  GR qui surplombe légèrement la Siagnole. Après une marche le long du canal, nous arrivons à un premier captage moderne, celui de la source Jourdan. En poursuivant notre chemin, nous passons devant une guérite abandonnée avec barrière : elle devait autrefois contrôler l’accès à la source de Neissoun et aux installations de captage.  Après une petite escalade, nous accédons sans trop de difficulté à la grotte de Neissoun barrée d’une grille de métal : elle ne recrache pas d’eau aujourd’hui mais l’eau coule quand même de tous côtés, surgissant même parfois tel un petit geyser (photo de droite). Nul doute qu’après de fortes pluies, les sources vauclusiennes doivent sortir de toutes les grottes et fissures de manière spectaculaire.

Source romaine de la Sagniole (photos, schémas, explications)

 

IMG_0259.jpgIMG_0061.jpgLe captage romain a disparu sous les installations actuelles. Le canal, recouvert de dalles de calcaires (1m de large, 50cm de profondeur) remplacées aujourd’hui par des dalles en béton, court en sous-bois rive gauche interdite au public ; 160m plus loin, il traversait ensuite la rivière sur un pont aqueduc à une seule arche dont nous avons retrouvé quelques morceaux de maçonnerie sur la rive droite (mais l’imposante culée amont se trouve rive gauche), sans savoir à ce moment là qu’ils avaient appartenu à un pont romain ; les Romains utilisaient une technique de régulation de débit (déversoir) en cas de mise en charge exceptionnelle de la source vauclusienne. La surveillance se faisait par des regards tous les 270 pieds romains (80m env.) pour assurer nettoyage et réparations (beaucoup de dépôts calcaires dans un environnement karstique !).

Voir le tracé sur le site Pays du Var Est avec le tracé reconstitué par tronçons.

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