La calanque de Marseilleveyre


contre jour sur les îlesbatterie Estéou de Bouqueimg_0064r-300x224.jpg

img_0065r-224x300.jpgimg_0045r-224x300.jpgimg_0051r-224x300.jpgimg_0069r-224x300.jpgimg_0072r-224x300.jpg

Facile d’accès, point de ralliement de nombreux marseillais, même l’hiver par grand vent comme aujourd’hui 27 décembre, la calanque de Marseilleveyre est accessible par le sentier de la douane depuis la calanque de Callelongue. C’est aussi la fin de la route. Au large, l’île Maîre est suivie de ses deux enfants : les deux pharillons. Avec un peu d’attention, vous devriez pouvoir retrouver à Callelongue ou au cap Croisette quelques vestiges du téléscaphe de Callelongue (large roue).

Cabine du télescapheUne curieuse invention (1967) : le téléphérique sous-marin entre Callelongue et le cap Croisette

Images d’archives télévisées sur le télescaphe, ORTF, Les coulisses de l’exploit, août 1969

(Image empruntée au site du Vieux-Marseille)

En quelques petites descentes et montées sur les pierres patinées, nous contournons le rocher des Goudes ; après quelques coups d’oeil sur les îles aux formes si caractéristiques, nous découvrons l’ancienne batterie de l’Estéou1 de Bocque (quel drôle de nom pour cette batterie napoléonnienne !) déclassée depuis 1871 avec son vaste mur en forme d’arc de cercle ; sans doute est ce là l’origine du surnom moderne de ‘Théâtre’ que l’on voit sur la carte des calanques.

En consultant le cadastre napoléonien de la ville de Marseille de 1820 (25ème section, Z7), je m’aperçois que les noms donnés aux lieux n’ont rien à voir avec ceux d’aujourd’hui ; les calanques n’étaient probabalement fréquentés que par ceux en charge de la protection de nos côtes : le sentier de la douane s’appelait le chemin de la batterie de Marseille Veire ; la calanque de Marseilleveyre s’appelait la calanque de la batterie de Marseille Veire ; selon moi, la batterie s’appelait plutôt Estéou de Bouque2 (et non de Bocque) ce qui signifierait Ecueil de l’embouchure vu que son but était d’empêcher les corsaires de débarquer à l’embouchure de la Calanque Longue. Les majuscules n’auraient d’autre justification que de désigner un nom de lieu.

Cadastre napoléonien 1820 - section 25 - Z7

Batterie Est de Marseilleveyre du site Index de la Fortification française 1874-1914

Le 4 janvier 1794, Bonaparte écrit au ministre de la guerre sur les fortins de Marseille : « Toutes les batteries circonvoisines qui défendent la rade sont dans un état ridicule. L’ignorance absolue de tous les principes a présidé à leur traçé. Elles ne sont pas en état de soutenir une bordée » et « Le 7 janvier 1794, Napoléon Buonaparte, général de brigade d’artillerie, se vit confier par le Comité de Salut public le commandement en chef de l’artillerie de l’armée d’Italie, ainsi que de l’armement des côtes de la Méditerranée […] Au cours des mois de janvier et de février 1794, […] il fit avec sa famille plusieurs déplacements pour déterminer la position des diverses batteries à établir pour la défense du littoral méditerranéen ». La Batterie de Cap Croisette, en 1811, est en mauvais état, une nouvelle batterie des Croisettes est décrétée par Napoléon […] elle croise le feu […] à l’Est avec la batterie de la Mounine pour empêcher le refuge ordinaire des corsaires ennemis à l’anse de Callelongue à 800 mètres à l’est. Extrait de Marseille-forum

Après l’étroite calanque de la Mounine, un mouchoir de poche qu’il faut conquérir l’été en arrivant tôt, c’est celle de Marseilleveyre dominée par quelques cabanons vides en cette saison. L’horizon est barré par l’ïle de Jarre, celle où avaient lieu les quarantaines, et Riou au large de laquelle le Lightning F-5B de Saint-Exupéry a été retrouvé en 2003 par des plongeurs audacieux et tenaces (Saint-Exupéry, suite et fin, article de L’express du 21 juin 2004). Après la cache de rabatau Balade dans Marseille – la calanque du Belge, prétexte à cette promenade, nous rejoignons la guinguette du belge (son léger accent en témoigne) dans la calanque de Marseilleveyre ouverte tous les jours de l’année ; une dizaine de chats abandonnés par les vacanciers et adoptés par le propriétaire, s’installent au chaud sur et sous les tables ; la terrasse est prête à accueillir les nombreux clients que nous croiserons sur le chemin de notre retour : ce midi, ce sera pâtes et côtes de porc !

img_0080r.jpgAu retour, nous empruntons la variante à points noirs vers le col du sémaphore. Dominant à la fois Riou et le Frioul, les farots de Marseille sont les ancêtres des sémaphores construits pour avertir Marseille de l’arrivée de navires ennemis. Celui qui domine Callelongue daterait de 1791 ; c’était un poste de guet chargé de surveiller les approches maritimes ; le Génie de Napoléon III revoit le système défensif à partir de 1864 qui se composera, entre autres, des sémaphores de la Ciotat et de Callelongue (source Stokofish : forum-Marseille) : il signalera par signaux optiques toute activité ennemie ; de par sa position stratégique, il a été occupé par les allemands pendant la seconde guerre mondiale. Il est aujourd’hui désaffecté. Après une longue descente dans les graviers, nous atteignons la calanque de Callelongue dont les parkings sont maintenant pleins.

Itinéraire Callelongue – Marseilleveyre – 5.100km – 2h10 de déplacement – dénivelée 88m

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1Estèou : selon Marius Autran Récif, écueil, roche voisine des côtes ; selon le dictionnaire de la Provence et du Comtat Venaissin de Claude François Achard, 1785, rocher contre lequel les vaisseaux vont échouer.

2bouque : selon le même dictionnaire, de l’ancien provençal boùque qui voudrait dire bouche, ouverture, embouchure

* Cap Morgiou


Dès l’entrée dans le chemin de Morgiou, nous croisons des chasseurs. Au vu des traces de terre abondamment labourée, les sangliers ne sont pas loin. Mieux vaut sans doute les sangliers que la fameuse panthère noire de 2004 qui avait obligé la fermeture des calanques et la réquisition de l’armée ! N’empêche que nous avons cru en voir une, nous aussi, dans les carrières de Beaulieu au nord de Montpellier. Avis aux amateurs de sensations qui voudraient aller vérifier.

img_9581r.jpgDes touffes de globulaires bleus apportent une nuance printanière à cette randonnée d’automne. Après le chemin des crêtes de Morgiou, c’est la descente jusqu’au col du Renard qui est particulièrement difficile et risquée : un pierrier glissant de façon continue. Nous remontons ensuite jusqu’au fortin dont la longue muraille traverse presque totalement le cap dans sa largeur.

img_9578r.jpgimg_9585r.jpgimg_9591r.jpgCe fortin, construit en 1614, aurait été utilisé par les anglais appelés par la contre-révolution royaliste de 1793. En longeant le rempart construit directement sur le rocher, on s’aperçoit que l’enceinte devait veiller sur l’entrée des ennemis par la mer et leur accostage à partir de la calanque de Morgiou. A l’abri du vent derrière le mur de la batterie Est, un groupe de randonneurs déjeunent tout en discutant avec bonne humeur. Après la découverte de la cache Cap Morgiou : face à la mer de Bestioles, nous déjeunons plus loin, derrière un vestige de mur, près d’un énorme trou désormais comblé par des pierres : peut-être la carrière qui servit à construire le fort ?

Batteries du cap Morgiou

Calanque de Morgiou, histoire du fortin

grotte_cosquer_coupe.jpgA nos pieds, la calanque de la Triperie (mais pourquoi ce nom ? il semble avoir été donné récemment, peut-être par les militaires qui ont établi les cartes), bien à l’abri du vent, est étrangement calme et arrondie. L’entrée d’une vaste grotte sous-marine apparait dans la falaise verticale. reconstitution_cap_morgiou.jpgPlus à gauche, dans la pointe de la Voile, la célèbre grotte Cosquer s’ouvre sous 37 m d’eau. Henri Cosquer y découvre, en juillet 1991, des traces de mains, des peintures et des gravures. La datation au carbone 14 permet de faire remonter l’occupation de la grotte par l’homme entre 18500 et 27000 ans avant JC. » Elle est désormais murée pour être protégée. A gauche une tentative de reconstitution à l’époque où elle n’était pas envahie par la mer. La grotte Cosquer, site du ministère de la Culture

img_9601r.jpgimg_9603r.jpgimg_9615r.jpgimg_9620r.jpg

cap_morgiou_1.jpgJe pousse jusqu’au cap Morgiou, étroit et descendant jusqu’à 20m au-dessus de l’eau : à 2m des bords de la falaise, la sensation est grisante (1ère photo de gauche dans la série). Vu d’avion et inversé nord-sud, ne trouvez-vous pas qu’il a la forme d’un hyppocampe… ou d’un pélican ?
C’est l’heure de la descente vers la calanque de Morgiou et ses cabanons, presque tous construits en dur désormais, avec des installations sanitaires qui n’ont plus rien de rustiques. Nous reconnaissons sans difficulté, le torpilleur, îlot rocheux de la calanque de Sugiton ressemblant  à un navire de guerre (3ème photo de la série). Autrefois la pêche au thon se pratiquait à l’aide d’installations semi fixes, les madragues. Pour la madrague de Morgiou (1622-1853), voir la partie histoire des calanques sur le site du groupement d’intérêt public des calanques. En 1622, […], Louis XIII âgé de 21 ans, au cours de son passage à Marseille s’est vu offrir un divertissement organisé par la Prud’hommie des Pêcheurs de Marseille. Le jeu consistait à emprisonner des thons dans des seinches d’où ils ne pouvaient s’échapper. Cette pêche se pratiquait également sur la côte bleue ; elle a été interdite parce qu’elle n’était pas sélective. La calanque de Morgiou.

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L’ancien projecteur du cap Sicié


img_9362r.jpgPas de chance ! aujourd’hui, interdiction de circuler dans le Var ! les barrières nous empêchent de poursuivre en direction de Notre Dame du Mai. C’est donc à pied que nous rejoignons la piste de Roumagnan puis l’ancien sémaphore du Cap Sicié. De là, atteindre le cap Sicié n’est pas simple. Bien que balisé, le sentier est dangereux, sinuant dans les pierriers et les écailles de schiste. J’ai l’impression de marcher sur des débris d’ardoise, comme ceux que j’obtenais quand je cassais celle que j’avais dans mon cartable malmené. Peu fréquenté, ce sentier nous laisse souvent perplexes sur le passage à emprunter. La fin du parcours est plus facile, sur des marches de briques qui devaient permettre autrefois de rejoindre le site militaire. Plusieurs bâtiments en ruine témoignent de ce que fut le poste photoélectrique.

img_9347r.jpg« Sicié (poste photoélectrique du cap), 189? ou 190?. Au besoin, la batterie de Peyras se devait de pouvoir intervenir la nuit. Pour cela, il lui fallait voir. Malgré l’étroitesse de son arête, de par sa position à la pointe sud-est de la péninsule de Six-Fours, le cap Sicié se prêtait le mieux à l’installation d’un poste photoélectrique qui éclairerait le champ de tir de cette batterie. L’usine électrique et ses citernes seront bâties à proximité […] à environ 50 m d’altitude. […] Si l’on passe sur la droite de ce corps de garde, tout en suivant la saignée dans le roc où passaient les conduites électriques, […] on arrive devant un petit édifice surmonté d’un lanterneau. Il s’agit du puits d’un monte-charge. Circulaire, celui-ci s’est vu accoler un second puits, plus étroit, dans lequel un escalier métallique, à vis, a été installé. […] Au bas du puits, on trouve l’abri de jour du projecteur et, en avant de ce dernier, l’abri de combat. » Luc Malchair et Jean Puelinckx, grands spécialistes de fortifications du site Index des fortifications françaises 1874-1914

Si j’étais venue en bateau jusqu’au ponton construit par la marine, j’aurais sans doute pu voir ce qu’était un abri de jour et un abri de combat, vocabulaire uniquement utilisé pour les projecteurs. En attendant, voici une Photo d’un abri de jour et abri de combat, en Bretagne (inventaire général du patrimoine culturel région Bretagne). Ces projecteurs de côte étaient alimentés par une génératrice dont le moteur était refroidi par l’eau de mer des citernes – l’eau de mer étant pompée et rejetée en permanence –, plus tard remplacés par des moteurs diesel inventés en 1897 par l’ingénieur allemand Rudolf Diesel. Le site ressemble fortement à celui d’Escampo Barriou, sur la presqu’île de Giens.

img_9353r-224x300.jpgimg_9354r.jpgimg_9355r.jpgimg_9359r.jpgimg_9364r.jpg

Le puits du monte-charge n’est plus protégé : un enfant imprudent peut facilement tomber quelques mètres plus bas. En s’y penchant prudemment, on peut apercevoir l’orifice côté mer où se trouvait le projecteur. Il manque les premières marches de l’escalier qui permet de monter sur le poste d’observation. L’escalier-rampe est fortement dégradé. Les autres vestiges sont sans doute moins dangereux à visiter.

Comme beaucoup de lieux sur la côte varoise (voir le blockhaus au Pradet sur la plage de Monaco, dans la note du Pradet au Pin de Galles), ce site a été réutilisé par les allemands durant la seconde guerre mondiale en 1945.

img_9373r.jpgEn remontant le sentier, je ramasse quelques morceaux de tuile rouge gravée ; je reconstitue le puzzle et trouve le fabricant. Il s’agit d’une des tuileries de Saint-Henry, à l’Estaque.

« Le paysage actuel ne révèle pas que l’Estaque a été un très grand producteur de tuiles et briques exportées dans le monde entier jusque dans les années 1950. A l’est de l’Estaque, l’immense carrière d’argile de Saint-Henry, longtemps laissée comme une plaie béante à ciel ouvert, a été reconvertie en un grand complexe commercial : « Grand Littoral ». […] La tuilerie sise à Saint-Henry, ex-Société des Tuileries de Marseille et de la Méditerranée, passée sous le contrôle de Saint-Gobain en 1989, est la seule à être en activité de nos jours ». L’Estaque au XIXème et XXème siècle.

« En 1859 il y avait neuf grandes tuileries à Marseille. Une des caractéristiques de ces usines, sortie du monde de Zola, est l’emploi de salariés issus de l’immigration (notamment italienne), payés aux plus bas salaires, l’emploi des femmes et des enfants de moins de 11 ans, à l’exemple de l’usine Arnaud ». La maison de la Mémoire vivante de Marseille, un grand siècle industriel Continuer la lecture de L’ancien projecteur du cap Sicié