Artigues, Mont-Major


Enveloppée d’une brume d’huile essentielle de thym à Linalol projetée toutes les minutes depuis le port USB de mon micro, j’écris, peu inspirée, en profitant de ses vertus désinfectantes (merci à Clodex, Majolir, Marie-Françoise et Vegalyre). Que puis-je raconter alors que nous n’avons pas trouvé la grotte de Roquerousse et que je n’ai pas rien identifié de l’oppidum ? Mais ce circuit reste l’occasion d’une balade nature avec de nombreux points de vue.

Une fois tout le monde rassemblé à Artigues, le parking est plein ; Artigues est un tout petit village de 240 habitants. ll est temps de trouver l’unique cache près de la fontaine entourée de bancs et d’arbustes taillés en forme d’arche : un endroit idéal l’été. L’église et sa façade toute plate, comme une pièce rapportée, semble bien grande pour un si petit village.

Artigues, tineochris

Photos de Yves, Photos de DanielMes photos
Nous redescendons d’une centaine de mètres de dénivelée par une route étroite en passant devant le lavoir. C’est donc qu’il faudra les remonter en fin de randonnée…
Je reconnais la taille en cordon de Royat de la vigne typique des Coteaux d’Aix ; Artigues fait partie avec Rians des communes du Var autorisées à produire cet AOC.

Nous traversons la route Rians-Esparron et plutôt que de marcher sur la chaussée, certains ont repéré l’ancienne voie de chemin en contre-bas ; nous sommes à 1km300 environ de l’ancienne halte de chemin de fer du Train des Pignes Central-Var. Il fallait plus d’une heure pour relier la gare de Meyrargues à celle d’Artigues là où nous avons mis 35 mn en voiture. Et quand le voyageur était déposé à la station le long de la route, il lui fallait encore remonter jusqu’au centre du village à pied !

Quand nous tournons à gauche vers la Modeste, Yves demande au groupe de se montrer discret pour ne pas gêner ses habitants. Sur le ruisseau de la Plaine, un ancien réservoir de pierre et une fontaine apportaient l’eau aux habitants. La Modeste est une belle maison de maître d’un seul tenant avec la partie habitation (le maître, le fermier et les ouvriers) et la partie activités agricoles (hangar, cochonniers, pigeonnier). D’après Maisons rurales et vie paysanne en Provence, J.-L. Massot, berger-Levrault, 1995

Par un sentier d’exploitation en contre-bas de la maison, nous rejoignons le petit Adret. C’est là que débute la longue montée vers le Mont-Major ; le groupe se disloque, les bavardages s’éteignent. Chemin caillouteux. A mi-distance une courte pause. Je me retourne sur la montagne d’Artigues qui me rappelle un pique-nique mémorable un jour de Nouvel-An, par grand mistral : Majo avait apporté du foie gras, des toasts et du chutney de figues. Oratoires et croix entre Esparron de Pallières et Artigues
Dans le bois de Montmajor, des champs de pierre et le substrat rocheux apparent surprennent dans une partie boisée. Majo repère entre les pierres les premiers et frêles crocus.
Quand nous apercevons au loin une cabane de pierre sèche, sans doute poste d’observation idéal pour les chasseurs, Yves nous invite à chercher la grotte de Rigabe appartenant à la famille Magne ; le groupe se disperse, circule en mode sanglier, avec peine, sous la végétation mais ne trouve rien ; Daniel et Yves élargissent le périmètre tandis que le groupe, sagement, attend le long du sentier. Les spéléos et l’IGN déjà, ne la placent pas au même endroit. Comme elle s’ouvre vers l’ouest et que nous arrivons par l’est, nous ne l’avons pas repérée ; pourtant certains randonneurs l’ont trouvée, aidés sans doute par quelque personne du coin. En arrivant par la Marquise, nous aurions probablement repéré son porche d’entrée un peu sous le plateau. D’après la vidéo qu’on trouve sur internet, on y circule debout assez facilement (on peut se passer des commentaires du vidéaste en coupant le son…)

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Le Thor et la colline de Thouzon


Yves et moi avons débuté la découverte par le village du Thor, ville d’eau – au bord de la Sorgue – et de patrimoine. Curieuse origine que celle de l’église Notre Dame du Lac ! elle aurait été bâtie à l’endroit où un taureau se prosternait et se mettait à genoux toutes les fois qu’on le menait à un petit lac qu’il y avait ici autrefois. On trouva dans l’eau une statue de la Très Sainte Vierge et l’église fut bâtie à cet endroit.
‎LEFEVRE-PONTALIS Eugène‎, Notre Dame du Thor, ‎Congrès Archéologique de France, LXXVI e Session, tenue à AVIGNON 1909
Eglise romane d’art provençal achevée au XIIè, son architecte est inconnu. Elle possède les premières croisées d’ogives gothiques de la région ; le porche est doté d’un cadran solaire en 1641 : un pigeon s’est blotti dans le trou de son ancien gnomon. L’entrée principale se trouve sur le côté, face à la croix de mission en fer forgé érigée une première fois en 1743, détruite à la révolution, rétablie en 1809. Au début du moyen-âge, elle était dotée d’une horloge publique : au son de la cloche, étaient convoquées les séances du conseil de ville. Prisonnière des hauts remparts jusqu’en 1833, elle se trouve aujourd’hui au bord de la Sorgue.

L’église du Thor ne bouge plus, force de pierre. […] Elle encorne le ciel en même temps qu’elle s’enfonce dans un lit de cailloux vers le ventre de la terre. Sur le pont du Thor j’ai senti parfois le goût vert et fugitif d’un bonheur immérité. Ciel et terre étaient alors réconciliés. Albert Camus, Henriette Grindat [photographie], la postérité du soleil, Gallimard, 2009

La Sorgue 4, Notre Dame du lac, jeancaching84

Près de la passerelle de la Garancine, une roue à aubes tourne encore. La récolte des racines de la garance, cultivée dans les marais du Trentin au nord ouest du Thor, se faisait en septembre, trois ans après la plantation. Séchées au soleil, ses racines étaient écrasées par une meule, ici celle de la fabrique de la famille Poussel, une des sept fabriques du Thor. A l’arrivée du colorant artificiel, la teinture de garance donnant une variété de rouges, a disparu (selon le panneau d’information sur place). C’était la teinture des pantalons et képis d’uniformes de l’infanterie de l’armée française jusqu’au début de la Première Guerre mondiale. Selon wikipedia

Passerelle de la garancine, jeancaching84

Nous pique-niquons dans le jardin des Estourans, au pied du château d’eau-pigeonnier traversé par un bras de la Sorgue. Encore de l’eau !

Jardin des Estouransjeancaching84

Nous prenons notre café face à la porte de l’horloge. Nous l’observons, nous posant la question de l’endroit où se trouve l’escalier intérieur pour atteindre le mécanisme. Jean-Félix Devaux, engagé volontaire thorois de la Grande Armée rase totalement l’ancienne porte dont l’ouverture, pas assez large, ne permet pas le passage des voitures. Cette tour-porche se termine sur un couronnement de corbeaux en machicoulis. En 1847, la porte de Douzabas est terminée. En 1927, pour la sécurité des piétons, on ouvre d’abord un et plus tard deux passages de chaque côté de la porte. En 1958, le vieux mécanisme à balancier est abandonné au profit d’une distribution d’heure électrique. D’après le site de la commune

Les remparts existaient déjà lors du partage de la Provence en 1125 ; dotés jusqu’au XVIè de trois pont-levis, un à chaque porte, ils affichent des dimensions remarquables : 1200 m de long, 6 à 8 m de haut et 1.25 m d’épaisseur. Les maisons y sont adossées, collées, des portes de garage modernes y ont parfois été percées. Dommage ! D’autres curiosités sont à voir dans le centre ancien.

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*** Le fort de Buoux


Depuis le temps que je  vis en région PACA,  que j’entends parler de Buoux, je n’ai jamais visité son fort qui figure pourtant sur la carte IGN et sur tous les guides de la région ; Photo de couverture du livrel’après-midi, j’ai rendez-vous avec Bruno au château de l’Environnement : ce sera donc l’occasion d’y aller le matin. Le château de Buoux de la demeure Renaissance au Château de l’environnement, L. Vermot-Gauchy, P. Prouillac & J. Haye, sous la direction de P. Cohen, Parc naturel régional du Luberon – Edisud, 2008

Toutes les photos du fort de Buoux

saint-symphorien (photo wikipedia)En arrivant d’Aix, vous ne pourrez pas rater le campanile élancé de la chapelle Saint-Symphorien dont les origines pourraient remonter au Xè siècle.  Une inscription lapidaire disparue cite Rostang, Teutbert, Ailald et Pons qui vivaient à cette époque.

J’ai choisi le trajet le plus court, à partir d’un petit parking de 4 places au lieu-dit Chemin-Clos, sur la toute petite route qui traverse le quartier de la Combe et mène aux Seguins, gite connu de tous les randonneurs. Attention ! il est bien difficile de se croiser en voiture.
FalaiseL’ambiance est donnée : nous sommes au fond du vallon de l’Aiguebrun, protégé par une haute muraille de pierre. Impossible de deviner le fort pour l’instant. Aucun téléphone mobile ne passe : prévenez donc vos proches si vous partez seul. Dans cet environnement fermé, un peu d’inquiétude passagère est possible…

Chroniques souterraines, le fort de Buoux et sites voisins, P. Courbon

sentier au départ du parkingL’humidité se ressent dans le vallon : les roches sont humides, parfois recouvertes de mousse ; après un ou deux passages un peu hauts, le sentier étroit rejoint la piste, le GR de pays du Tour des Claparèdes.

baume du fortchaos rocheux en face de l'abriLa montée continue passe devant un abri sous roche d’autant plus impressionnant que l’amas de gros blocs rocheux à gauche de la piste laisse penser qu’ils proviennent du toit écroulé ; il a été découvert lors de la construction de la piste d’accès au fort ; lieu de refuge idéal, sur les parois de la baume du fort existent encore des orifices destinés à recevoir les poutrelles supportant les clayonnages qui permettaient de clore la baume. Prise par le temps, je n’ai pas visité les alentours mais il y a des tombes creusées à même le roc et une cuve vinaire.

Chaos technique, Serge Robert

plan-fort-buouxSurgissant de la végétation, se dresse en un seul bloc un immense socle prédestiné : place forte idéale dominant les environs, la falaise semble inaccessible. chemin d'accès au fortJe m’arrête dans la maison du gardien des lieux ; la visite est payante (5€) et sert au financement des chantiers de sauvegarde ; je n’ai qu’une carte bancaire (non acceptée) et un billet de 5€ tout humide que je lui propose en deux morceaux, c’est le billet qui reste dans mon sac à dos au cas où… Heureusement, le gardien du fort accepte de le recoller ; il me met en garde sur l’humidité ambiante qui rend la pierre glissante, l’absence de protection du fort et l’escalier dérobé déconseillé aux personnes âgées, aux femmes enceintes et aux enfants en bas âge, et les jours de pluie.

Si vous quittez le fort par cet escalier, L’escalier secret, Serge Robert

Fort Buoux vue aérienne IGNLe chemin d’accès au plateau incliné long de 460m et au plus large de 80m, présente une dénivelée de 77m entre son point le plus bas et le plus haut : les constructeurs ont donc rationalisé l’utilisation du sol. Ce chemin utilise utilise une corniche naturelle entaillée par endroits pour faciliter le cheminement pédestre et muletier.
Les numéros entre parenthèses correspondent aux points de repère du plan que le gardien vous remettra.

Non loin du premier bastion médiéval (2), trois habitats rupestres (3) ; puis treize marches larges et surbaissées conduisent à la porte d’accès (5) datant du XIIIè. Sur 3 ha, je découvre alors un ensemble savant et complexe de l’architecture du moyen âge.

Accès à la tranchée défensive tranchée défensiveUne faille naturelle servant de tranchée défensive (7) a été aménagée : des ancrages de poutres pour la couvrir, un escalier taillé dans le roc, à l’extrémité sud ouest un bastion et un corps de garde (10). A l’opposé, une ancienne citerne (8) autrefois couverte récupérait les eaux de ruissellement du plateau.

sentier glissant vers S.-E. de l'aire du fortJe poursuis alors sur le plateau glissant ; à gauche, il devait y avoir des terres cultivables ; en s’approchant des bords du plateau, on comprend la dangerosité du lieu qui s’ouvre sur un grand vide. Le village médiéval (12) qui a son apogée au XIVè, laisse apparaître quelques vestiges d’habitation et six murailles de pierre sèche constituant un système défensif complémentaire (11).

Le fort de Buoux, bob_13

Eglise porte voûtée EgliseLa porte d’origine de l’église du fort (14) à l’ouest a été bouchée ; on y entre maintenant du côté de la citerne qui jouxte l’église. On reconnait l’abside semi-circulaire typique de l’époque romane, l’autel.

Habitation troglodytique avec silo citerne près de l'église citerneQuarante mètres plus loin se trouve un groupe d’habitations dont la maison commune (16) avec une porte en plein cintre ; certaines habitations sont semi-rupestres, d’autres ont leur propre silo (17).

escalier-derobe-photo-P CourbonPassage dérobé (dangereux)On accède à l’escalier dérobé (37), à proximité des habitations, par une poterne (36) ; son état n’incite pas à quitter le fort par là. Il donne accès à un plateau intermédiaire puis, par 62 marches hautes, le bas de la falaise et le vallon du Colombier. Peut-être qu’autrefois, on atteignait le plateau intermédiaire par une échelle.

Habitation troglodytique avec silo Ensemble de silosUne aire d’environ 80 m2 concentre 16 silos (19) de dimension différente, taillés en forme de marmite dans le rocher et avec un couvercle.

La forteresse médiévale me laisse admirative : trois fossés, trois remparts vont se succéder sur le plateau. Le premier rempart s’appuie sur le rocher, percé d’archères étroites et allongées ; on y accède par une poterne en plein cintre légèrement décentrée.

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