Cervières, le sentier botanique du Laus


Montée longue au col d’Izoard, en voiture ; à nouveau nous admirons les cyclistes qui grimpent le col, non sans difficulté. Arrêt à 2290 m d’altitude, au Refuge Napoléon sur la route des Grandes Alpes inaugurée en 1934, reliant le Briançonnais et le Queyras. Il fut construit sous le règne de Napoléon III en 1858 suite à un legs de son aïeul Napoléon 1er soit 34 ans après la mort de celui-ci. Ce bâtiment, achevé en 1858, est l’un des six grands refuges routiers de la région construits vers 1860. La route du col de l’Izoard n’était alors qu’un chemin muletier.

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De retour de l’Ile d’Elbe Napoléon veut rejoindre Paris en passant par les Basses-Alpes, Gap où il se trouve le 6 mai 1815, Saint-Bonnet, Laffrey (Isère) : c’est là au lieu-dit ‘le pré de la Rencontre’, qu’eut lieu la première confrontation entre Napoléon et les sapeurs du Génie venus de Grenoble. Les deux troupes fusionnèrent au milieu de l’émotion générale. Puis ce fut Vizille, Grenoble. 324 km en 6 jours. La route Napoléon ne passe donc pas par Cervières.

Du col de l’Izoard (2360 m) emprunté par les plus grandes courses cyclistes, rien que des montagnes de haute altitude de tout côté, côté Queyras ou Briançonnais, Alpes suisses ou Savoie ; l’environnement impressionne avec ses pentes nues ou rocheuses, sa poussière grise ou sa maigre végétation, ses pics et aiguilles, ses sentiers si étroits qu’on les voit à peine. Du haut de la table d’orientation, plusieurs plaques en céramique, dessinées à partir de photos, donnent le nom des montagnes, ainsi faciles à identifier.

Cervières : nous stationnons près de l’église de Cervières ; le village est plutôt calme. Petite visite à l’office du tourisme qui nous remet le guide hiver/été 2020 de l’Izoard.
Dans le local de la mairie, une exposition des tournages du feuilleton Alex Hugo, diffusé sur France 2 : ce policier marseillais est venu chercher le calme dans un village de montagne nommé Lusagne, qui n’existe pas. Je le regarde surtout pour les paysages du Briançonnais dont la vallée de la Clarée (Val-des-Prés et Névache). C’est l’ancienne école communale datant de 1952 qui sert d’hôtel de police mais pour les prochains épisodes, cela va changer…
L’école au centre du village photo de gauche, la même transformée en hôtel de police photo de droite.

Leurs bureaux sont installés au cœur de Cervières [ancienne école communale] et sa maison se trouve à Lacha, dans la haute vallée de la ClaréeAlex Hugo est un flic au pied montagnard qui parcourt en long et en large les paysages des Hautes Vallées – montagnes, chapelles, chalets d’alpage, maisons typiques de village.

Les maisons ont le traditionnel balcon de bois ; sur la façade de la maison Delouis, un cadran solaire du célèbre cadranier piémontais Zarbula, signé G.Z.F.  à droite (Giovonni Zarbula Fecit) de 1839. Il s’agit probablement d’un artisan itinérant qui se déplaçait avec son matériel, ses instruments d’observation, ses cartons. Le contrat était oral, la réalisation durait une quinzaine de jours par beau temps. Puis le cadran était inauguré.
Dans le registre des travaux effectués pour la paroisse de Saint-Véran (05), il est fait mention de Jean Michel et frères, laissant supposer que c’était une famille d’artisans.
Un bref calcul permet de constater qu’il est précis : 10:20 (heure au cadran) +02:00 (heure d’été) -00:06 (équation du temps) -00:26 (latitude du lieu) = 11:48 heure légale. Les devises:sans le soleil je ne suis rien et toi, sans Dieu, tu ne peux rien. et forte tua : peut-être (la dernière heure pour toi).

Les cadrans solaires de Zarbula sont des cadrans verticaux déclinants. Pour les concevoir, Zarbula utilise une technique qui ne fonctionne correctement qu’à 45° de latitude. […] Pour la décoration des cadrans, Zarbula peint à fresque1. Il utilise des encadrements géométriques en trompe-l’œil, ainsi que divers symboles (soleils, lunes, monogrammes, etc.). Selon Wikipedia Zarbula

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Névache, vallée de la Clarée


Névache (350 habitants), 45° latitude nord (à égale distance du pôle Nord et de l’équateur terrestre), et la Clarée classée Site naturel et au titre du patrimoine architectural et paysager (soumis au dispositif Natura 2000 depuis 2010) : la journée que nous attendions avec impatience. Comme la navette d’été n’est pas encore en place, nous pouvons stationner sur le parking à l’entrée de la Ville-Haute. Nous commençons par l’office du tourisme, près de la fontaine datée des années 1760. Le programme du jour sera la cascade du Débaret, cascade étoilée sur la carte IGN.

Les vallées de la Clarée, unités de paysage des Hautes-Alpes, site atlas05 (2014)

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Le cadran solaire de l’ancienne école (aujourd’hui magasin de sport), dessiné par Évelyne et Norbert Peyrot en 1991, entouré de lettres colorées de l’alphabet ; chaque pièce du puzzle central a été coloriée par un enfant ; il indique 9:20 h au cadran. Est-il à l’heure solaire ? (voir le panneau explicatif sur place)

Petit calcul pour retrouver l’heure légale de la photo soit 10:50 : heure solaire +2h (heure d’été) – 0:26h correspondant à la latitude du lieu ; l’équation du temps le 19 juillet est de -0:06. L’heure légale est donc 9:20+2:00-0:26-0:06 soit 10:48. Bonne précision compte tenu que j’ai lu une heure approximative.

Le long de la route D994g, un deuxième cadran solaire monochrome sur une habitation La bélière1 (1885) paraphé des initiales de l’artiste (SC, LC), est entouré d’un large trait noir de charbon. Photographié à la même heure que le précédent, son ombre indique plutôt 10:30 : il ne donne donc plus l’heure exacte, son stylet a dû bouger. La moitié des cadrans solaires se trouve dans des lieux privés. La couverture du livre Cadrans du soleil, P. Ricou, J.-M. Homet, Editions Jeanne Laffitte, 1984 représente justement celui-là.

Insolite ‘Rue de là-bas devant’ ; il est vrai qu’en montagne les prépositions de lieu devant, derrière, haut, bas (Ville haute, ville basse) donnent une indication sur la localisation des lieu-dits. Mais cette vague indication n’était compréhensible que si la rue ne menait qu’à un lieu unique. Peu avant l’église, une fontaine creusée dans un tronc d’arbre, délivre une eau bien claire.

Le portail de vantaux de bois sculptés en pin cembro de 1498 de l’église saint-Marcellin (premier évêque d’Embrun) est ouvert. Au dessus une fresque peinte de l’Annonciation (XVe). Dans le chœur, le retable baroque en mélèze doré comporte quinze statues et trente figurines en bas-relief. COVID oblige, un siège sur deux est réservé à l’ange gardien…

De style architectural ‘roman-lombard’ emprunté aux techniques et styles décoratifs réputés italiens et provençaux typique du Briançonnais. Sous ce clocher, fut d’abord aménagé une prison qui servit ensuite d’entrepôt des archives sous la Révolution. La face sud du clocher surplombant le cimetière est décorée d’un cadran solaire du XIXe réalisé par le célèbre cadranier Giovani Francesco Zarbula originaire de la vallée de Bardonnéche.  Clarée Tourisme

Notre randonnée débute sur le GR57 – Tour du Mont Thabor – après le pont de l’Outre au tablier de bois rafistolé ; sur la droite, une mini chapelle rurale Notre Dame de l’Outre (?), comme il en existe tant dans les Hautes-Alpes ; nous allons longer la Clarée et monter progressivement, guettant les cascades à travers les arbres grâce au fracas de leurs eaux tumultueuses. Au travers d’une trouée sur les champs, nous pouvons compter le nombre de clapiers, constitués de pierres issues de l’épierrage des champs, destinés à retarder l’érosion des terres. Les épilobes fleuris sont partout. A 300 m de la cascade, après 60 m de dénivelée, un ruban barre le passage et un arrêté municipal du 29/05/2020 nous informe : sentier fermé à cause d’importants éboulements au niveau du verrou2 de Lacou que saute la cascade. Pourquoi n’avoir pas mis cet arrêté au pont de l’Outre ? Ceux qui nous suivent renoncent, nous aussi.  Il faut donc redescendre et traverser la Clarée sur la passerelle de bois. Pas de cascade du Débaret3.

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Briançon : le fort des Têtes par le parc de la Schappe et le pont d’Asfeld


Installées pour 6 jours à Briançon, Majo et moi, les bagages tout juste déposés dans l’appartement loué en centre ville, nous partons pour une petite boucle sur les hauteurs du parc de la Schappe, à la découverte des fortifications de la place de Briançon qui ne manquent pas : le changement de tracé de la frontière entraîne, entre 1724 et 1734, la construction d’un système de forts permanents autour de la ville.

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Lien vers l’album photos

La rando commence dans le parc de la Schappe, la schappe désignant les déchets de la soie : 14 kg de déchets pour 12 kg de soie. La longue usine sans fenêtre est impressionnante. J’ai du mal à imaginer Briançon en ville industrielle et pourtant, pendant 90 années, de 1842 à 1932, l’usine de la Schappe a dominé le paysage économique et social de Briançon. Inaugurée en 1863 par les frères Chancel elle traitait les déchets de la soie.

Une fois filée, la schappe était le plus souvent utilisée comme trame dans les tissus unis et façonnés.  Deux groupes d’opération étaient faites à Briançon : la première concerne les cocons.
Il y a tout d’abord une macération des déchets […]
Le nappage a pour but d’ouvrir les cocons et de paralléliser les fibres afin de les mettre en nappe. Le cardage les démêle. Enfin, le peignage permet de séparer les fibres courtes des fibres longues. Le produit passe ensuite à l’étaleur-nappeur qui transforme le ruban obtenu en une nappe. Celle-ci sera  examinée à l’épluchage, […] Le travail consiste à retirer les éléments étrangers qui subsistent dans la soie, essentiellement des cheveux. Laissez vous conter l’usine de la Schappe

Vu la taille du bâtiment, nul doute que beaucoup d’ouvriers y ont travaillé : en 1845, ils sont 40, jusqu’à 700 en 1864. On a fait appel aux habitants des villages avoisinants et à l’immigration italienne. Mais la concurrence japonaise offre ses produits à des prix trois fois moins élevés qu’en Europe. L’entreprise licencie son personnel le 24 mai 1932.

Mal balisé, le sentier passe au-dessus de l’ancien aqueduc qui fournissait l’énergie nécessaire au fonctionnement des nombreuses machines. Un panneau nous renvoie vers la droite, à l’opposé de la direction du fort des Têtes. Nous décidons de monter à l’intuition : vers le haut et vers la gauche. Le sentier étroit et raide en croise plein d’autres et nous fait suer, au sens propre ; en descente, la terre poudreuse favorise sans doute les glissades. Les hauts arbres des bois nous protègent de la chaleur.

Quand nous débarquons sur un léger replat en bordure de falaise, je m’inquiète fortement : deux chaînes s’enchaînent au dessus du vide. Pas prévu. Forcément c’est une via ferrata. Finalement, après un dernier passage caillouteux et raide, nous retrouvons le sentier balisé, un petit ruisseau qui glougloute, des fleurs des champs. Histoire de se rassurer, nous questionnons un groupe qui arrive dans l’autre sens : A la communication Y (comme si tout le monde savait ce que c’était…), contourner le fort en suivant le mur de fortification nous explique-t-il.

D’après la description de la toiture de lauzes en V et les 200 m de longueur du bâtiment, nous repérons facilement la communication Y bastionnée (1732-1734) dont le but était d’empêcher l’invasion ennemie par le vallon de Fontchristiane et permettre la circulation des hommes et marchandises entre le fort des Têtes (1450 m) et celui de Randouillet (1604 m) grâce à une large galerie couverte.  Photos sur le site fortiffsere.fr. Des travaux de rénovation sont en cours : on ne peut la visiter librement. Autrefois, on y accédait par un chemin central et un pont levis. Je trouve que, vus en 3D, la galerie et son accès dessinent en effet une lettre Y aux bras élargis.

Ce bâtiment original cache une citerne d’eau de 55 m3 approvisionnée par des sources captées dans le vallon. En cas de tentative d’approche des forts, les soldats ennemis se trouvaient bloqués en amont comme en aval de l’ouvrage par une série de fossés et chemins couverts encadrés de demi-bastions. Il est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO au titre des fortifications de Vauban depuis 2008. Wikipedia

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