L’Andran et (presque) le Martignon au départ de Courbons


Aussi incroyable que cela puisse paraître, en pleines vacances d’été, cette boucle de moyenne montagne n’a attiré quasiment personne : je n’ai croisé qu’un couple qui descendait du Martignon.
Je suis partie de Courbons, pittoresque petit village en cul de sac, dominant Digne les Bains à laquelle il a été administrativement rattaché en 1862. Cette boucle est décrite à partir du centre de Digne dans le topo-guide Digne les Bains et ses environs… à pied, FFRP, FFRP, 2003.

Descente dans le ravin de Chatusse où l’eau claire et fraiche donne envie de se baigner. Au niveau du second ravin, dans les terres noires, je suis attirée par un rocher couvert de multiples formes en relief ; on dirait l’empreinte de gros vers. Comme d’habitude, c’est geoforum qui me dira ce dont il s’agit : « des bioturbations, comme des galeries de vers de vase ou autres… » (selon Quaternaire). C’est en quelque sorte un moulage naturel. Les traces allongées sont des « moulages » de pistes de reptation d’invertébrés marins qui rampaient dans le sable d’une ancienne plage. Le remplissage des bioturbations intervient après le dépôt des sédiments constituant la roche. D’après Sédimentation et diagenèse des carbonates néritiques récents : Les éléments de la sédimentation et de la diagenèse, Volume 1, B. H. Purser, Editions Technip, 1980

Après les ruines du Saumon, le GTPA (GR) coupe plusieurs fois la route qui monte au sommet de l’Andran. Longue montée agréable en forêt de cèdres et de pins noirs.

Si d’élégants cèdres du Liban balancent ici leurs branches […] c’est grâce au travail des ingénieurs des Eaux et Forêts qui les ont plantés pour obtenir des semences de qualité nécessaires au reboisement. Extrait de A travers la réserve géologique de Haute-Provence, ADRI/Réserve géologiqueADRI/Réserve géologique, 2000

Le relais de télévision, bien visible de Digne, n’apparaît qu’à la dernière minute. Je quitte le GR de pays Grande traversée des Préalpes pour monter au sommet de l’Andran (1218m), par un sentier découvert et venteux ; pas de parapentiste aujourd’hui ; pourtant l’interdiction de voler, c’était la semaine dernière avec la visite du Ministre de l’intérieur à Digne… De là haut, un point de vue spectaculaire sur la vallée de la Bléone, les montagnes.

Je descends de l’Andran jusqu’à un large col près des ruines de la baisse (abaissement d’une ligne de crête) des Chatières où je prends mon pique-nique. Le couple qui s’approche me met en garde sur la difficulté de trouver le sentier sur les pentes boutonneuses du Martignon. En effet dans les buis, je perds finalement la trace du sentier balisé. Croyant avoir une bonne idée, trop éloignée de la crête menant au Martignon, je décide de rejoindre le sentier balisé de l’autre côté en traversant le ravin du Riou. Mais c’était sans prêter attention au resserrement des courbes de niveau sur la carte : c’est dans une pente raide et glissante que j’ai pu rejoindre le sentier. Je ne suis donc pas allée jusqu’au sommet de Martignon. La boucle parcourue dans l’autre sens aurait sans doute évité cette erreur.

Le contournement de la Clapière Haute passe par le col de l’Aire des chiens (curieux nom, vous ne trouvez pas ?) ; un affaissement faiblement interdit, oblige à faire un petit détour. Bientôt en contre-bas, les champs cultivés de l’Aire des Chiens contrastent avec les arides terres noires. J’ouvre et referme soigneusement la barrière : lorsque les pâturages sont traversés par un sentier pédestre bénéficiant d’un droit de passage accordé aux promeneurs, ils sont souvent protégés par des tourniquets, des passages triangulaires, des escaliers doubles ou comme ici par une poignée de barrière.

J’arrive sur Courbons qui apparait sur fond de carte postale. Bien que l’enceinte fortifiée soit en ruine, on peut encore y voir quelques éléments d’architecture : l’église Notre-Dame des Anges, le clocher médiéval qui domine le village.

L’intérêt de cette balade vient du fait qu’en parcourant deux versants opposés, la variété est au rendez-vous aussi bien dans les paysages et la géologie que dans la flore.

Image de l’itinéraire 8km800, 3h30 dépl., 553m dénivelée ; sur la carte le tracé est complet.

clapière : amas de pierres

Les grès d’Annot par le train des pignes


Il y a bien longtemps qu’estoublon m’encourageait à faire cette randonnée ; alors, un week-end, j’ai décidé de me rendre à par le train des chemins de fer de Provence qui fait arrêt à Annot. Allure paisible, paysages traversés sauvages, horaires ajustés pour pouvoir faire un aller-retour sur la journée. L’originalité de ce train c’est que pour les petits  arrêts facultatifs, il suffit de faire signe au conducteur pour qu’il s’arrête. Le plus souvent, ce sont des randonneurs ou des touristes qui l’utilisent. J’ai passé la nuit à Digne-les-Bains à l’hôtel Saint-Michel et quitté l’hôtel au petit matin, pour prendre le train de 7h29. Arrivée 1h30 plus tard environ, j’entame la randonnée par le sentier des oratoires, dans le sens contraire de celui indiqué dans Les Alpes de Haute-Provence à pied, De l’Ubaye au Verdon et au Luberon, FFR/ADRI, FFR/ADRI, 2002

Chemins de fer de Provence, histoire du train des pignes avec les origines possibles de ce surnom

A peine après avoir quitté la gare, je traverse les rails de chemin de fer. Je commence par la promenade de Sigumanna, vers la chapelle de Vers-la-Ville et ses jardins suspendus.  Des oratoires sûrement très anciens, construits en moellons de grès taillés à l’aiguille avec bossages en relief, ponctuent le trajet ; certains de ces édifices portent le nom des familles ayant participé aux travaux de restauration. Située au milieu des maisons,  l’église de Notre Dame de Vers-la-Ville, située à l’emplacement primitif du village, remonte au 12è siècle. Accolée au rocher, une maison qui fut peut-être un ermitage. Une citerne taillée dans la pierre, des entailles dans les rochers, des traces d’aménagement sous les abris, sont bien la preuve que le lieu était habité depuis longtemps. Le chemin qui passe derrière la chapelle n’est pas évident à trouver.

Dans le quartier des Espaluns, l’eau est abondante ; les pentes rocheuses suintent abondamment, le sentier n’est qu’un ruisseau ; un peu plus loin, les roches portent la marque des vagues. Datant de 40 à 38 millions d’années, il dénote d’un milieu littoral agité d’où la mer s’est ensuite retirée.

Plusieurs arbres sont tombés en chemin ; je fais un petit détour pour le point de vue annnoncé. Progressivement, sous le couvert végétal, j’entre dans la zone des blocs cyclopéens, aux formes bizarres qu’on dirait tout récemment arrivés dans le secteur. L’étude des pierres, des grès et des conglomérats a montré que ce matériel a été transporté depuis l’ensemble Corse-Sardaigne. Le terme de ‘grès d’Annot’ ne s’applique pas qu’aux grès de ce village mais à tout un modèle géologique du massif de l’Argentera et du Mercantour.

D’un point de vue géologique, c’est le mode de dépôt de cette formation […] qui en fait sa spécificité, et en particulier le fait qu’elle ait été déposée par des courants de gravité, c’est à dire des glissements, des coulées boueuses ou sableuses, et des turbidites1 (avalanches de sables et d’argiles), pièges à eau où ont été trouvées de nombreuses sources. Extrait de Philippe Audra La région d’Annot. Relief, structure géologique et géomorphologie

‘Annot à blocs’ a donné rendez-vous les 19 et 20 mai pour un grand rassemblement d’escalade sur blocs naturels. De cette manifestation, il reste une pancarte clouée sur un arbre. Et si, comme moi, la curiosité vous incite à quitter le sentier balisé, vous aurez sans doute du mal à le retrouver sans GPS.

Aux Portettes, j’accepte le détour proposé par un petit panneau indicateur qui nous emmène sur la surface pentue d’un immense bloc dominant la vallée. Il ne permet de voir que la montagne d’en face. Je reprends le sentier, passe près d’un habitat troglodytique moderne et sous de nombreux abris sous roche.

J’arrive enfin dans le secteur de la chambre du Roi, étroit goulet protecteur, son jardin secret et son banc de pierre. Un roi ? non, selon la légende, plutôt un grand seigneur.

C’était du temps où les Sarrasins écumaient la Basse-Provence. Un jour, un Seigneur chrétien de Basse-Provence, accompagné de sa douce princesse et de quelques vassaux, poursuivi par une horde d’infidèles, demanda asile au Seigneur de Sigummana, Hermérincus2.
Il se vit octroyer une grotte à l’entrée d’un cirque rocheux naturel, dont l’étroit passage permet, au moyen de branches et de roches, de le dissimuler aux envahisseurs.
Nos hôtes vécurent ainsi quelques temps sous notre ciel, avant qu’un traître ne vînt dévoiler la cachette à quelque émissaire hérétique. Le lendemain, les infidèles découvrirent le royal repaire et mirent à mort le prince, sa tendre compagne et toute leur Cour.
Ils n’eurent que le temps d’achever leur forfait, qu’ils s’éparpillèrent dans Sigummana, pour y pourfendre les malheureux habitants. C’est alors que la peste se déclara dans les rangs des Sarrasins ; ceux d’entre eux qui n’étaient pas encore atteints se seraient enfuis avant de mettre leur projet à exécution.
C’est par les nuits de pleine lune que l’âme du serviteur félon vient, par punition de Dieu, errer dans les ruines et les rochers de la montagne, jetant aux échos de lourds sanglots de repentir et de remords. L’étrange vision lumineuse disparaît au lever du jour.

La légende de la chambre du roy et l’histoire d’Annot bien documentée

Autour de la chambre du Roi, ce ne sont que blocs de grès très hauts, qui se penchent les uns contre les autres, formant des arches ou des failles comblées de petits blocs rocheux. On se demande comment ils se maintiennent. Les assemblages hasardeux rivalisent entre eux. Impressionnant !

Après ce passage marquant dans lequel les voix résonnent comme dans une église, je descends sur un sentier sableux parfois un peu glissant mais fort agréable dans une forêt de châtaigniers. Le sentier passe derrière la gare. Je vois arriver un train pour Entrevaux à ce moment là. Vu l’heure de retour pour Digne, j’aurai même le temps de visiter le village.

7km600, 332m dénivelée, 3h (4h30 avec la visite du village)

Une balade qui mériterait d’être refaite dans l’autre sens : je suis persuadée que je découvrirai d’autres choses que je n’avais pas remarquées la première fois.

Les geocacheurs trouveront en chemin : les oubliettes d’Annot, la chambre du Roy, les boites à lettres troglodytes, de dlfif. Au jour de la publication de ma note, ces caches n’ont toujours pas été trouvées…

1Turbidites : Couches de sédiments détritiques déposées par un courant turbiditique, c’est à dire une masse d’eau contenant des matériaux en suspension qui augmentent ainsi sa densité et lui permet de s’écouler par gravité, ce qui s’assimile à une avalanche sous-aquatique.
2hermerincus : foxyfive, dans son commentaire, souligne l’invraisemblance du contexte historique ; ce seigneur vivait en 1042 et les sarrasins ont été chassés de Provence par Guillaume le libérateur en 973…

Refuge Baudino par la Torque


Une randonnée sur la face sud de la Sainte-Victoire, au départ du parking du Saut du Loup, qui m’a plutôt surprise : aride et dégagée habituellement, ici, pendant un long moment, on traverse une zone boisée et de garrigues ; au vu des formes et de la composition de certaines roches, différentes de chaque côté de la Torque1, on évalue le témoignage des bouleversements tectoniques. Le temps est gris, quelques gouttes de pluie assombriront les photos mais ça vaut le déplacement.

Album partagé : cliquer sur les points en haut à droite
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La météo à cet endroit
avec prévisions à 3 jours

Le domaine départemental de la Torque, ce sont 91 hectares situés sur la commune de Puyloubier auquel on n’accède qu’à pied. Au loin la Torque en forme de couronne aplatie et pentue qu’il me faudra contourner pour atteindre le refuge. Le sentier étroit, parfois difficilement repérable, sinue jusqu’au pied de l’énorme rocher aux formes dodues fortement inclinées. Alors que je suis proche du rocher, je vois arriver de Saint-Ser un grand rapace qui plane longuement, très haut dans le ciel. Dans ce coin de nature, où courent lièvres et petits rongeurs, nourriture principale des aigles, je me plais à imaginer qu’il s’agit de l’aigle de Bonelli si rare à la Sainte-Victoire. Tout en bas, la ferme de Genty.

Lors de la première phase tectonique importante, une compression brutale entraîne la formation d’un pli anticlinal dans la région de Sainte Victoire. L’érosion de ce nouveau relief engendre des éboulis qui une fois cimentés formeront les brèches visibles à la Torque. La faille du Delubre représente une limite naturelle : il s’agit de l’endroit où la partie occidentale  de la falaise sud se décale d’environ 200 m par rapport à celles du Pic des Mouches.

Association pour le Reboisement et la Protection du Cengle et Sainte-Victoire

Plus je monte, plus je distingue clairement la forme de cuvette du plateau du Cengle (qui fut un lac il y a fort longtemps). Tapissé de mosaïques de verdure, avec quelques habitations éparpillées (dont la célèbre ferme templière de Bayle), le plateau est couronné d’une barre de calcaire blanc que l’on voit encore mieux depuis l’autoroute A8.

La Barre du Cengle est constituée de strates épaisses de calcaire massif. Elle présente un grand nombre de diaclases orthogonales aux strates. Localement, ces diaclases favorisent la circulation d’eau et la dissolution de la roche. Peu à peu, les diaclases s’élargissent et des blocs écroulés se retrouvent au pied de la barre. Extrait de la lithothèque de l’académie d’Aix-Marseille

La montée est de plus en plus difficile sur un sol caillouteux parfois dérapant ; le ressaut rocheux au pas de la Torque, assez impressionnant vu d’en bas, se franchit avec prudence derrière le rocher de la Torque. Après une petite erreur d’aiguillage, je repère la trace rouge sur les rochers. L’arrivée sur ce balcon naturel, dans l’îlot de verdure entourant le refuge Barthélémy Baudino, est un vrai réconfort. De là haut, au delà du Cengle, le regard balaie « la plaine de l’Arc, l’agricole Trets, l’industrielle Rousset, la chaîne du Regagnas, les monts Auréliens ».

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