Balade improvisée dans les vignes de la commanderie de Peyrassol


C‘était un dimanche de novembre, avec Majo et Marie à qui je voulais faire connaitre ce lieu ; personne à l’accueil de la commanderie ; seuls la constellation de trois sphères Univers de Skoda posées sur le talus en pente, puis le  surprenant Cylindre ouvert et aux couleurs, réalisé in situ par Daniel Buren, nous guident vers la cour intérieure. L’entrée est libre et gratuite en ce dimanche hors saison, mais la page visite du site n’en parle pas. Un peu gênées tout de même, nous entrons dans la cour de la propriété ; bientôt un homme circulant dans une voiturette de golf s’arrête près de nous, les sourcils froncés ; sans attendre, je lui demande l’autorisation de circuler dans le domaine : il nous l’accorde – que peut-on refuser à trois grand-mères bien sous tous rapports ? – en précisant de ne pas pénétrer dans la partie privée du domaine, celle où habite le propriétaire.

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Nous déambulons au gré de nos envies, à la recherche d’une soixantaine d’œuvres d’art monumentales ; pour nous, certaines ne sont pas de l’art mais qu’importe ; celles qui sont humoristiques ou figuratives, représentant des animaux, ou celles qui interpellent notre fibre scientifique, auront notre préférence.
Vous pourrez marcher dans les jardins, les bois, au milieu des vignes, sur les terrasses de cultures d’oliviers.

Pour que ce soit différent de ma dernière note présentée sous forme de diaporama Les sculptures monumentales de la Commanderie de Peyrassol, je commenterai quelques sculptures, inspirée pour cela par les critiques de l’application mobile et payante Peyrassol : le jour de notre visite, l’application ne m’a permis de géolocaliser les œuvres…

L’album de novembre 2017

Arche de Noë

Avec les animaux rencontrés dans le parc, je constitue pour vous une arche de Noë. Certains artistes ont beaucoup d’humour. Je ne connais ni le nom ni l’auteur de la vache qui broute dans ce pré ; dans l’espace mitoyen, un cheval de trait, un vrai celui-là, est prêt à tirer la calèche pour une visite du domaine.

Accident de chasse, P. Bernier

Nous avons eu envie de le consoler, cet hippopotame blessé, grandeur nature, enroulé dans des bandages ! Il semble faire sa convalescence tranquille à Peyrassol

Grand wapiti, F.-X. Lalanne

Sculpture animalière de bronze, élégante, ce wapiti est réduit à des lignes pures, uniquement pour magnifier le domaine.

Thesis A et Thesis B, Kostis Georgiou

La thesis est un temps frappé de la mesure mais en grec ancien « l’action de poser, de placer ». Disposés de chaque côté du chemin, légers et prégnants, les deux destriers saluent le visiteur qui passe entre eux les deux.

Le Roi des chats, J.-M. Folon

Illustrateur de renom, à partir de 1991, Folon travaille le plâtre, la terre, le marbre ou le bronze. Cet homme à tête de chat qui nous attend est caractéristique du style de Folon. La figure humaine est rassurante mais par ses traits félins, se mâtine de mystère. C’est un roi !

Hedgehog, Kostis Georgiou

Kostis agrandit avec facétie son microcosme peuplé d’êtres et d’animaux étranges commencé en 1970. Sculpture touchante et facétieuse, paradoxe de la nature : ambiguïté de la force du hérisson et de sa fragilité.

Awe, B. Flanagan

Flanagan renouvelle l’art animalier ; depuis 1979, le lièvre est sa figure de prédilection ; l’animal aux cuisses musculeuses et à la cage thoracique puissante nous invite à une danse, au son d’un tambourin.

Maman hippo, P. Berry

Cette sculpture se trouve au bord de la piscine du propriétaire ; vous ne pourrez la voir que si celui-ci ne réside pas chez lui. Frère du comédien Richard Berry, d’abord directeur artistique d’une agence de publicité, P. Berry se fait connaitre pour ses affiches de cinéma et décors de théâtre, entre autre pour sa femme Josiane Balasko dont il divorcera en 1999. Présence surprenante au ras du sol, la ronde maman hippopotame, qui distille bonne humeur et tendresse, m’avait bien fait sourire en 2016.

Grande petite fille, F. Langlade

Trois pièces toute blanches, que l’on dirait fragiles. Le lapin blanc ne vous fait-il pas penser au Pays des Merveilles ? Contradiction dans le titre : Grande petite fille, contradiction dans la figure ronde mais plate en épaisseur, contradiction entre solidité de la résine avec l’apparence fragile du Biscuit de Sèvres. Selon les spécialistes, c’est une figure de style qu’on appelle un oxymore1, ici sur trois plans : verbal, visuel et pictural.

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Lardiers, le Chastellard


Quand c’est Claude qui mène la randonnée, on est sûr qu’il y aura un peu de difficulté et quelques surprises. Majo, Julie, notre guide et moi stationnons à Lardiers, petit village des Alpes de Haute-Provence au pied de la montagne de Lure.
Lardiers : rien à voir avec la mésange charbonnière (provençal lardié) ou le sol brûlé (occitan ardre = brûler) selon la toponymie provençale de B et J.-J. Fénié ; UnDeBaumugnes propose une origine latine (Lardarium = cellier), qui, en vieux français, désignait le garde-manger ; personnellement, je pense plutôt que Lardiers vient de ladrerie, dénomination de léproserie au moyen âge. Créée par les Hospitaliers à l’origine du village, elle est indiquée dans une charte de 1226, puis peut-être, transférée à l’Hospitalet au moment de la construction de la commanderie.
En passant, nous repérons le bistrot de pays qui nous désaltérera au retour : l’après rando est toujours un moment convivial et réparateur. Le soleil printanier et ses premières fleurs sont au rendez-vous.

Lien vers mon album

Album facebook de Jean-Pierre Alpes : Lardiers

Nous démarrons peinardement sur la route sur laquelle nous croisons les organisateurs du prochain trail de Lure qui démarre de Forcalquier, passe par Lardiers, Saint-Etienne-les-Orgues, monte vers Fontienne et les Mourres.

Face au champ de lavande, l’oratoire Saint-Joseph (sans statue de Joseph) marque le croisement de deux routes. A partir de maintenant, nous attaquons la montée, qui sera de moins en moins évidente, un peu sauvage dirons-nous. Claude nous offre les premiers tapis de fleurs jaunes. La montée est continue mais heureusement pour nous pas directement dans la pente.  Nous nous enfonçons maintenant dans un sous-bois ponctué de quelques clairières. Nous longeons la limite entre Ongles et Lardiers. A 850 m d’altitude, le paysage plein sud se découvre : je reconnais bien le pic de Bertagne avec sa face abrupte, la montagne Sainte-Victoire et tous ses baous en dentelle irrégulière.

Là, Claude décide de rejoindre en mode sanglier la combe de Gamby ; chacun choisit le passage qui lui convient dans la végétation basse et dégringole deux ou trois courbes de niveau. Sur quelques mètres seulement, nous marquons notre étonnement : ici et pas ailleurs, quelques plants de narcisses reconnaissables à leur longue tige plane, leur coronule en forme de coupe orangée, leurs fleurs groupées en ombelle penchées en arrière  ; après le sous-bois d’arbres dénudés, nous quittons la piste – dommage –  pour un sous-bois moussu avec le muguet qui n’a pas encore de clochettes. Encore un clapier puis une zone découverte : c’est à partir de là qu’il n’y a plus guère de passage visible ; il faut veiller à maintenir une direction NO-N de 347°. 200 m avant l’arrivée au sommet, c’est la vue sur la vallée du Largue.

Tandis que Claude cherche le fameux mur d’enceinte dont il a gardé le souvenir, je me dirige à la boussole sur le waypoint associé dont il m’a donné les coordonnées ; passage ardu dans les broussailles, et par une pente raide : il est toujours là ! Bien qu’en partie écroulé, on devine encore son épaisseur. Un immense pierrier s’est accumulé à son pied. Les fortifications de l’oppidum des Sogiontiques du Ve avant J.-C. à l’ère chrétienne, étaient constituées de deux voire trois murs d’enceinte en pierre sèche avec en son centre le village indigène.
Après une bonne suée et quelques mètres en mode sanglier nous atteignons fièrement le petit plateau du Castellar de Lardiers, situé à presque 1000 m d’altitude en avant de la montagne de Lure. De gros buissons d’anthyllis rendent le lieu désert plus accueillant.

Après abandon du site, un sanctuaire très fréquenté s’installa sur l’emplacement de l’habitat jusqu’à la fin du IVe siècle. Le sanctuaire est formé de trois carrés concentriques ; celui du centre (cella) de 5 m, les deux plus grands encadrent une galerie couverte (peribole) dont les murs intérieurs étaient couverts d’un enduit polychrome à motifs géométriques. Mais aussi un portique direction nord-sud et des constructions exigues.

Vous ne reconnaîtrez pas grand chose car les fouilles ont été recouvertes ; vous devinerez sans doute la voie sacrée grâce aux murs qui la bordent.

Dès 1913 H. de Gérin-Ricard signale des milliers de lampes votives dont certaines portent des signatures connues, d’autres rudimentaires indiquant un pélerinage populaire ; A. Grenier considère ce lieu comme  un exemple de culte des sommets.
Suite aux sondages de 1955 à 1967, on sait que c’est un centre religieux important enseveli sous une montagne de pierres de 5 m de haut, un grand marché, un lieu d’assemblées fréquenté de la fin de la Tène au IIIe, détruit vers 260-270 au temps des empereurs romains Galien et Postume.
Sur la voie sacrée montant au sommet  de l’oppidum, bordée de murs en petit appareil, ont été trouvés 10000 anneaux de bronze, 3000 petites plaques percées d’un trou, des monnaies gauloises ou massaliotes des IIe et Ier siècles, des monnaies impériales de Néron à Constantin.
On trouve de nombreuses études sur ces objets, les uns s’étant penchés sur les dépôts métalliques1 (fragments d’armure, passoires, râpes, mais aussi les anneaux de toute taille, fibules, métaux cloués), les autres sur les lampes ou les monnaies. Un projet collectif de recherches devrait synthétiser tout cela et peut-être répondre à quelques questions telles que : quelle divinité était honorée ici ? belado dont le nom a été retrouvé sur un autel de la voie sacrée ?

Le Chastelard du Lardiers : de l’oppidum gaulois au sanctuaire gallo-romain, Objets de cultes gaulois et romains entre Rhône et Alpes, Paris, 2016, B. Girard, Cl. Malagoli, J. Roussel-Ode, L. Roux, N. Rouzeau
La Haute Provence monumentale et artistique, Raymond Collier, Digne, 1987
Carte archéologique de la Gaule CAG, n° 101, p. 238-252

Après avoir imaginé des milliers de pèlerins venus de toute la Gaule, nous nous installons autour de la grosse pierre plate qui nous servira de table de pique-nique.

Télécharger une excellente synthèse sur le Chastelard, Clodex

Nous reprenons notre route vers le pic Bouine et non pas Pébouine comme l’IGN l’écrit aujourd’hui. De bouina, borner en provençal car, si on regarde bien, le flanc ouest de ce pic sert de limite avec la commune de Saumane, et ses flancs nord et est servent de limites avec l’Hospitalet et Lardiers.

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Esparron de Verdon… autrement


Avec Claude à la manœuvre, on sort forcément des sentiers battus : du hors balisage, des raccourcis dans la garrigue basse où l’on circule à vue assez aisément. Nous sommes trois filles pas très sportives, et notre guide.

Dès le départ, la tour carrée du château d’Esparron émerge du village ; la piste est facile, bordée d’argeiras, à la floraison précoce. Les touffes de lavande grisâtres bien alignées n’ont pas encore pris leur couleur d’été.
Sur le sentier caillouteux, coincées entre les cailloux, de jolies fleurs jaunes parviennent à pousser : du lin jaune reconnaissables à ses fines nervures.

Claude tente une descente vers le ravin d’Albiosc au sud en mode sanglier puis se ravise pour un sentier plus facile… qui nous mène à la propriété privée de la Colle. Face à l’issue incertaine, nous préférons sagement continuer sur la piste balisée et faire un grand détour par l’Est.

Arrivés au camping de la Baume par le petit pont de bois, nous le traversons en suivant le ravin à courte distance. Au fond du terrain, on se trouve un petit coin tranquille dans un champ pour le repas. Claude régale avec sa boisson préférée…

Nous longeons le ruisseau sous les arbres, en petites montées et descentes ; pour raccourcir le trajet, il faut traverser le ruisseau à gué mais il y a pas mal d’eau : soit on traverse à pieds nus, soit on trouve un endroit plus facile. Claude qui a de grandes jambes, se retrouve rapidement sur l’autre rive après avoir vaincu les lianes épineuses ; pour les petites jambes c’est plus problématique. Julie, elle, choisit l’option d’enlever ses chaussures. Puis, à travers champs, au feeling, nous récupérons la piste ; en haut du talus, une croix de bois plantée sur la D82 nous sert de point de repère.

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