De Beaurecueil au hameau du Bouquet


Petite randonnée par l’ancienne carraire du Bœuf – le domaine du Boeuf était tout proche au début du XIXe – qui joint Beaurecueil au hameau du Bouquet (Saint-Antonin-sur-Bayon). Le chemin est pratiquement identique à celui figurant sur le cadastre napoléonien car cette voie de transhumance, pendant longtemps, était inaliénable pour permettre aux bergers de rejoindre la grande carraire arlésienne qui les menait dans les Alpes. Un arrêté du parlement de l’ancienne province de Provence du 21 juillet 1783 imposa leur rétablissement, et le rappela par un arrêté de rétablissement des carraires en 1806.

Les « carraires » ou « drailles » sont des servitudes de passage sur des propriétés privées consacrées, à l’origine par le droit coutumier de Provence et affectées au passage des troupeaux transhumants. Il y avait des petites carraires qui servaient à faire circuler les troupeaux dans l’aire de la communauté et les grandes carraires qui servaient à traverser toute la Provence. Les propriétaires n’étaient pas dépossédés du sol sur lequel elles étaient tracées. […]
[…]  la servitude conventionnelle de passage est éteinte par suite d’un non-usage de 30 ans. Selon le site jurisconsulte.net

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Avec le vent et la température ressentie

Je me suis garée sur le parking de la mairie ; je passe derrière le château avec les deux tours d’angle qui restent, son parc, son pilier sculpté ; c’est l’entrée primitive du château – aujourd’hui celle des fournisseurs. Au bout de l’allée, derrière le bâtiment en face de moi, il y avait la chapelle du XIXe construite sur des salles voûtées ; elle a été démolie en 1990 lors de l’aménagement de la maison de retraite. En faisant le tour du château, plan de Jean Ganne en main (non orienté au nord), vous identifierez peut-être certains éléments et vous me direz si le pigeonnier est bien placé…

L’inventaire des propriétaires successifs est impressionnant, peut-être en ai-je oubliés :

  • Pierre De Cormis a construit la bastide en 1586,
  • Louis de Cormis,
  • Claude de Cormis ;
  • Joachim Laugier en 1715,
  • Jean Joseph de Laugier ;
  • en 1777 Pierre Joseph d’Aillaud de Vitrolles, propriétaire du château, de la carrière, des moulins et fours ;
  • la famille Gallifet, seigneurs du Tholonet. A la révolution, ses biens sont vendus.
  • 1804 : J.-L Arlatan ;
  • Marie-Louise de Gallifet, fille de l’ancien seigneur de Beaurecueil ;
  • M. Vachier, avoué à Aix ;
  • Jean Ferréol en 1849 ;
  • en 1853, l’abbé Charles Fissiaux, fondateur de la congrégation de Saint-Pierre-ès-Liens y fonde la colonie agricole de Beaurecueil pour jeunes délinquants (voir Le grand Cabriès).
  • Les lieux sont confisqués en vertu de la loi sur les congrégations en 1903 et rachetés par Joseph Henri Save (époux de Laurence de Laget, fille de Cormis, nom du premier propriétaire du château…), dans un premier temps au prix de 51075 francs le 21 avril 1904 ; le lot a été surenchéri  le 29 avril 1904 et une vente sur surenchère (59 590 francs1) a eu lieu le 15 juin 1904 à Marseille (le Mémorial d’Aix, 29 mai 1904)
  • 1920 : office départemental des Pupilles de la Nation ;
  • 1924 : office départemental des Anciens Combattants et victimes de la guerre des Bouches-du-Rhône ; (seconde guerre mondiale 39-45 : les lieux sont occupés par l’armée allemande) ;
  • 2018 : municipalité de Beaurecueil ; établissement dénommé EHPAD public autonome communal Le château.

Avec toutes ces transformations, difficile de saisir le caractère originel du château ! Côté ouest par exemple : contre l’enceinte du château, se trouvent une tour (ancien pigeonnier ?) et probablement un ancien bassin de distribution d’eau, car de là, un canal d’arrosage allait vers l’ouest jusqu’à la limite avec le Tholonet. De nombreux bassins circulaires encore présents en 1827, n’existent plus. Prés et pâtures s’étendaient jusqu’à la route. Beaurecueil, une petite commune du pays d’Aix et son histoire, Jean Ganne [ndlr : professeur au lycée Vauvenargues en 1979], Chateauneuf-le-Rouge, 1999

Photo extraite du livre cité d’Emile Julien

Je rejoins l’avenue Sylvain Gautier. A la grande fontaine, restaurée récemment, arrive une canalisation mise en place au XVIIe, qui venait de la rivière Bayon, remise en état par l’abbé Fissiaux au XIXe, pour son pénitencier agricole.

Depuis l’écluse, l’eau était distribuée dans le château et dans différents bassins qui arrosaient le parc et les prés : c’est le béal2 du moulin. En amont on voit encore le canal en tunnel qui passe sous une butte. Il ressort ensuite dans le poney club [Merci à Pierre G., ancien enseignant de Beaurecueil]

Peu après la fontaine, sur la droite, débute la carraire du Boeuf aujourd’hui renommée chemin de Beaurecueil. La ferme de Beaurecueil ou « un pénitencier à l’ombre de Sainte-Victoire », Emile Julien, Atelier des Livres, 2013

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Notre Dame de Consolation, variante vers la fabrique de Villemus


Plus de 10 ans après je parcours à nouveau le circuit balisé de Notre Dame de Consolation à Jouques auquel j’ai ajouté deux variantes : au départ un aller-retour vers Notre-Dame de la Roque (le sentier passe dessous), et une petite boucle vers la fabrique de pipes de Villemus. Le ressenti est différent ; ce que j’avais jugé difficile l’est moins avec l’entrainement. Notre-Dame de Consolation à partir du village de Jouques

Nous stationnons près du cimetière de l’église saint Pierre qui a pris la place d’une chapelle du XIe ; de nombreuses tombes ont été retrouvées lors de la restauration en 2000 ; elle est devenue église paroissiale lorsque Notre Dame de la Roque est devenue trop excentrée ; une des chapelles est dédiée à Sainte-Consorce, fille de saint Ser, l’ermite de Puyloubier.
Variante 1 : Pour les amateurs de patrimoine, un petit aller retour sur l’éperon rocheux s’impose : il porte l’ancien castrum fortifié du Moyen-Age et la chapelle Notre Dame de la Roque. Un sentier aux larges pas d’ânes conduit au sommet, en passant devant l’oratoire de Notre dame de la Roque et celui de la Vierge du XVIe tourné vers le village. Un clocher enfermé dans une tour carrée porte la date de 1390.

C’est la plus vieille chapelle de Jouques, confirmée en 1135 par Innocent II. Son clocher date de 1390. Elle offre une vue sur la vallée du Réal et l’atypique Grand Pré dans lequel, au début du XXe, paissaient quelques vaches normandes de la ferme Borghino (Bulletin de liaison n°22, 1er semestre 2019, Les Amis de Jouques). Si vous redescendez vers le village au niveau de la porte, vous pourrez voir sur votre gauche l’ancienne tour de l’horloge construite par la communauté entre 1761 et 1764 et son enfilade d’arcs appartenant à l’ancienne résidence d’été des archevêques d’Aix (XVIe) : c’est Louis de Bretel qui résida surtout à Jouques et fit aménager le château et les jardins ; cette résidene a été rachetée par le sculpteur Antoine Sartorio. Le Portail Supérieur, vestige isolé, appartient à la première enceinte du village médiéval près des quatre maisons de l’enclos Jean Roque.

Un vieux Jouquard nous confirme le bon chemin, ombragé, pour rejoindre le GR9. Il circule le long des cultures en restanque ; les fleurs de printemps bordent le chemin : iris, cistes, et petites pervenches bleues.
Direction le hameau fleuri de Bèdes – dite parfois Toscane provençale ; alors qu’un chien fugueur nous suit sur la route, nous croisons une dame en voiture qui le cherche ; au ton de sa voix, le chien a compris : il fait demi-tour !

Variante 2 : à la sortie du hameau, il faut dévier du sentier balisé pour une route qui mène à la ferme Notre-Dame et sa chapelle privée intégrée ; nous passons devant un lavoir et une fontaine alimentés par un réservoir dont l’eau autrefois était remontée par une éolienne de pompage ; réservée à un usage domestique, elle coule toujours.
Le sentier pavé s’enfonce entre champs et sous-bois puis avant de contourner le champ, la fabrique de Villemus apparaît de l’autre côté, vaste bâtiment à trois étages de 15 m de long qui nous étonne dans ce lieu désormais désert. Nous contournons le champ jusqu’à se trouver devant la façade. Complètement fermée, elle ne peut être visitée. Nous apercevons deux bâtiments différents (d’autres ont été rasés) : l’ancienne ferme et la fabrique. Les rebuts de production autrefois jalonnaient les champs.

La fabrique de Villemus au pied de Vautubière a été créée en 1845 par le député Louis-Auguste Pons, sur le plateau de Bèdes, non loin de la ferme Notre-Dame. L’eau y était amenée par captage d’une source proche au nord ; l’eau de pluie était récupérée dans une citerne de l’entresol de la maison.
Par l’observation des rebuts de production, on sait que la fabrique était polyvalente : vaisselles de tables, poteries culinaires, tomettes estampillées ‘Villemus’ ; des biscuits d’assiettes à marli2 caractéristique des production d’Albisola suppose la présence d’ouvriers italiens. Cette vaisselle a été largement exportée.
Les jouquards connaissent surtout les pipes de six modèles différents : simples, sans décor, ou représentant par exemple un modèle à figure (l’homme de loi) ou d’inspiration coloniale pour l’exportation. Photo ci-contre extrait du document de : Henri Amouric, Lucy Vallauri, La fabrique de Villemus, une usine à la campagne, 2006, pp.230-233, LAMM – Laboratoire d’archéologie médiévale méditerranéenne

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Vallon du Délubre


Pour cette randonnée classique et facile PR13 figurant dans le topoguide Montagne Sainte-Victoire, je vous proposerai aussi une variante. Appelée dans un ancien guide Edisud ‏‏“circuit des ruisseaux”, elle traverse la traverse la Cause et longe le ruisseau de l’Infernet.

Le groupe des quatre aixois, Claude, Majo, Marie-Françoise et moi, s’est garé au cimetière de Vauvenargues mais un autre parking sur la place Yvon Gouirand a été aménagé à la sortie du village, là où se trouvent les nouveaux panneaux d’information des circuits de randonnée. Il est aussi possible de se garer sur le parking des Venturiers, 1km700 avant le village. Un sentier en contre-bas de la route permet de rejoindre le village.

Nous traversons le village et pour une fois, plus attentifs aux petits détails comme  la tour du moulin ruinée, la bibliothèque de rue qui intéresse Majo ou le restaurant où nous pourrions faire une pause. Le château de Vauvenargues, qui abrite la tombe de l’illustre peintre Picasso, montre une de ses tours rondes et sa chapelle.

  • La propriété du château de Vauvenargues appartenait en 1257 aux archevêques d’Aix.
  • Le roi René en 1473 cède ensuite sa terre à son médecin Pierre Robin d’Angers.
  • Les familles de Cabanis, de Jarente et de Séguiran sont propriétaires du château jusqu’en 1548 ; par le mariage de Marguerite de Séguiran et de François de Clapiers, il passe aux Clapiers. Sous l’impulsion d’Henri de Clapiers, seigneur de Vauvenargues, d’importants travaux modifient la place forte médiévale du château et lui donnent sa configuration actuelle.
  • Le troisième marquis de Vauvenargues vend le château en 1790 à la famille des Isoard-Vauvenargues [ndlr : ils ont eu à soutenir un procès, en 1867 et 1868, contre les de Clapiers, en revendication du nom de Vauvenargues]
  • En 1943, le domaine est vendu par Simone Marguerite d’Isoard-Vauvenargues à trois industriels marseillais.
  • Il est vendu en 1954 à la société civile Société agricole du domaine de Vauvenargues
  • Pablo Picasso l’achète en 1958 ; il y fut inhumé en 1973.

Nous traversons la rivière, la Cause, sur un pont de pierres ; de là, on peut voir une partie de l’enceinte médiévale du château et une autre tour ronde.
La piste verte des Plaideurs part sur la gauche ; nous prenons l’autre piste devant laquelle autrefois il y avait une aire de battage méconnaissable aujourd’hui. J’ai même vérifié qu’elle avait bien existé. Le cadastre napoléonien (Vauvenargues, section C6 Claps, 1829) confirme son exitence : la parcelle 468 de 440 m2 appartenait en indivision par moitié à Etienne Gouirand et Anne Cazal.

La piste, fort agréable, monte doucement, longe des champs cultivés, conserve quelques témoignages du travail des hommes (murs de pierre sèche), coupe la piste des Encuminières puis redescend vers le ruisseau de l’Infernet1.

L’itinéraire classique PR13 longe l’Infernet1 qui sera à votre gauche. Le hameau du Delubre se devinera à peine derrière les arbres.

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