La bergerie des pierres écrites, Abriès


Fête départementale de la randonnée dans les Hautes-Alpes, 2e jour. Toutes les photos du 21 juin 2009
IMG_1716r_1.JPGVenant de Ristolas, apparait le chemin de croix d’Abriès menant à une chapelle consacrée à Notre Dame des Sept Douleurs.

Il a été érigé dans les années 1830 ; la niche de chacune des quatorze stations est ornée d’une plaque de métal gravée et peinte, représentant une des étapes du chemin de croix.

Abriès, selon wikipedia

Nous partons du Roux d’Abriès pour la bergerie des pierres écrites. Je devine qu’elles doivent être nombreuses pour avoir donné leur nom à cette bergerie. Il est probable que ce sont des bergers partis en transhumance dans les alpages qui ont gravé ces pierres. cette tradition [La maitrise de l’écriture] a ancré au sein de cette société un climat culturel assez inhabituel et bien éloigné des clichés qui décrivent les communautés montagnardes comme retardées et peu cultivées

img_1718.jpgimg_1723.jpgLes animateurs nous présentent le Bric1 Bouchet (2997m) d’où descend le torrent qui fait si souvent des ravages. Nos animateurs ont improvisé un circuit de secours car une partie du GR est impraticable. Les passages à gué nécessitent quelque attention sur des pierres parfois instables.

img_1724.jpgimg_1751-150x150.jpgimg_1756.jpgimg_1758-299x300.jpg

Pulsatille blanche, centaurée de montagne, trolle d’Europe, sainfoin montagnard

Le trolle d’Europe (3ème photo à partir de la gauche) ressemble à un gros bouton d’or aux fleurs fermées, ce qui empêche les abeilles et gros insectes d’assurer la pollinisation. Celle-ci est donc réalisée par une petite espèce de mouche, c’est le principe de mutualisme (extrait du site Florealpes)

 

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La température décroit de 0°55 pour 100m ; quand nous arrivons à la bergerie, après avoir marché dans des prairies humides et des ornières profondes, beaucoup de randonneurs se couvrent. Le chalet de bois (altitude : 2130m), construit avec des troncs d’arbre empilés, est surélevé. De la neige fondue coule du toit ; par endroit il y a encore des plaques de neige au sol. Un enclos près des pierres écrites permet d’isoler les bêtes malades.

Qui sont ces personnes qui ont gravé leurs initiales sur les pierres ? sans doute des bergers qui pratiquaient la transhumance inverse entre le Queyras et le Piémont italien. D’autres personnes ont signé leur passage plus récemment. La technique est déjà celle du burin et du marteau, même si probablement le burin n’était qu’un clou et le marteau qu’une pierre.

[…] très forte mobilité de la population d’Abriès, de ses éleveurs qui ont longtemps pratiqué la transhumance inverse et entretenu pendant des siècles des relations avec les habitants des vallées piémontaises et qui étaient rompus aux finesses des transactions commerciales. Il suffisait d’une mauvaise récolte et d’une évolution brutale des marchés pour qu’une partie de la population s’en aille pendant quelque temps du village et cherche ailleurs des revenus honorables. Bulletin de la Société d’études des Hautes-Alpes, Abbé Paul Guillaume, Gap, 27e année, troisième série, n° 26

 

img_1727.jpgW.P.M. 1784 : cette gravure date d’un peu avant la révolution française. L’écusson du Dauphiné est symbolisé par 2 dauphins et la  royauté par une fleur de lys. Le W signifie ‘vive’ (on le retrouve sur beaucoup de pierres dans le village même d’Abriès) d’où vive P.M. Une gravure au texte similaire mais datant de 1808, existe dans « la rue des écritures » du village d’Abriès. Je n’ai pas trouvé qui pouvait être ce P.M.

Le Dauphiné est une ancienne province française, qui correspond aux départements de l’Isère, de la Drôme et des Hautes-Alpes. Le blason du Dauphiné ne comportait à la base que le dauphin de Méditerranée. La fleur de lys n’a été ajoutée qu’après annexion par la France. […]

De 1343 à 1789, le Queyras sera l’un des cinq escartons de la fameuse république des Escartons. « Les communes autonomes se réunissaient en fonction des circonstances. C’est l’assemblée des chefs de famille du hameau dont chacun est nommé tour à tour procureur pour un an, qui définit et assure les services et travaux utiles à tous : déneigement, entretien des chemins et canaux d’irrigation, garde du bétail, gestion de la forêt, aide aux nécessiteux, assurance mutuelle, etc. et qui en répartit les frais et le travail entre tous les feux du hameau. La démocratie avant l’heure ! Extrait du guide bleu PACA, Hachette, 1989

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Le tour de la Tête du Pape à Gigors


IMG_1768.JPGIMG_0146.jpgImpossible de ne pas savoir que la Tête du Pape1 est dans ce coin ! le bois, l’ancienne ferme à l’est, la piste fermée au public, tirent tous leur dénomination de la Tête du Pape. La randonnée est toute simple, avec des paysages diversifiés, bien agréable, au départ d’un tout petit village des Hautes Terres de Provence, Gigors. Départ de l’oratoire près d’un champ où trois chèvres se courent après jusqu’au moment où elles s’arrêtent, nous fixent bien en face, comme pour nous faire comprendre que nous les dérangeons.

IMG_0141.jpgLa montée est continue jusqu’au lieu dit Le Forest où les propriétaires d’une accueillante maison ont construit « les deux soeurs », fontaine à deux bacs du XXème siècle qui invite au rafraichissement.

La météo aujourd’hui à cet endroit
Avec la température ressentie

IMG_1772.JPGDans le jardin, le grand réservoir d’eau adossé à un oratoire (bizarre…), remplit l’abreuvoir. Il est alimenté probablement par un bélier hydraulique car il faut que l’eau remonte de plus de 2m dans la colonne. « Il faut de l’eau qui tombe pour actionner le bélier hydraulique. Si la pompe est installée correctement, elle IMG_1771.JPGpeut belier_hydraulique.jpgdéplacer l’eau sur une hauteur jusqu’à 10 fois plus grande que celle de la chute. […] Comme le taux de pompage est constant mais généralement lent, il est nécessaire de disposer d’un réservoir de stockage en prévision des périodes de forte demande ».

IMG_0138.jpgTi’Mars… a réussi à photographier un drôle de papillon aux ailes étroites d’un bleu métallique tachetées de blanc, à l’abdomen épais annelé de deux bandes jaunes, et qui ne ressemble pas à nos papillons européens. Peut-être est-ce une espèce tropicale qui s’est adaptée ? IMG_0140.jpgUn syntomidé ? « Les individus volent de jour avec un vol plutôt bourdonnant et assez particulier, à première vue ils semblent dépenser beaucoup d’énergie pour une efficacité réduite » écrit le musée de zoologie de Lausanne. Qui pourrait me confirmer son nom ? c’est Sylvie, inscrite à l’observatoire des papillons pour compter les espèces, qui, propose Syntomis (ou Amata) Kruegeri tandis que Marc, le baliseur et accompagnateur, propose Syntomis Phegea (ou Sphinx du pissenlit). Ces deux espèces se ressemblent tellement que je leur donne raison à tous deux (taille de l’une des taches, j’ai cru comprendre…) ! Qu’ils soient remerciés pour leur recherche.

IMG_0154.jpgIMG_1774.JPGEn haut de la montagne, nous nous interrogeons sur le nom des villages des Alpes à nos pieds. Au loin Theus et ses demoiselles coiffées, le barrage de Serre-Ponçon et ses deux étendues d’eau, Rochebrune près de la Durance, et une étrange colline pointue, le Mouisset. D’autres pyramides en face de nous, ont été sculptées par l’érosion.

IMG_1794.JPGAu changement de versant, c’est un changement géologique (voir la page de Gigors-Bellafaire -Tête du Pape, du site geo-alpes) que nous avions déjà constaté à Clamensane ; cela est dû à la présence d’une faille de chaque côté de la Tête du Pape et au chevauchement de deux couches géologiques de datation différente. Nous passons dans les schistes puis dans les Terres Noires.

IMG_0158.jpgIMG_1790.JPGSur la piste de la Tête du Pape, nous entendrons beaucoup d’oiseaux au chant peu classique mais aucun ne se montrera ou c’est nous qui n’en verrons aucun. Nous tournons à droite à la ruine (tiens, le balisage jaune indiquant le virage, n’est pas dans le bon sens pour ceux qui feraient le circuit dans l’autre sens…). Là, les stipes pennées (« plumets ») ont déployé leur chevelure blanche : ça ferait un joli tableau impresssionniste pour un peintre amoureux de la campagne. De loin, on dirait des flocons de neige qui flottent sur les pâturages. Stipe pennée sur le site florealpes.com.

IMG_1813.JPGDe retour au village, ne manquez pas la fontaine à cinq pièces (si pièce =  bassin, alors je n’en vois que 4, la dernière n’aurait-elle pas été enlevée pour permettre aux voitures de passer ?…), taillée dans la pierre et datée de 1829, que les villageois auraient rachetée autrefois à leur Seigneur en la payant contre son poids de blé ; Gigors possède l’unique meule à plâtre du département (Information extraite du Guide d’Accueil Pays de la Motte-Turriers).

Tour de la Tête de Pape, par l’office du tourisme des Hautes Terres de Provence

IMG_0170.jpgCette fois, nous avons logé au Caire, à la maison des hôtes d’Ingrid et Marc (Marc, c’est celui qui a balisé ce parcours) à la Motte du Caire. Chambre simple, accueil plein de sollicitude : la maîtresse de maison a tout fait pour que je puisse me connecter à internet. En compagnie d’un belge et d’un breton, au cours du copieux dîner, nous avons appris plein de  choses sur la technique du vol à voile de montagne, dont le lancement catapulté qui a bien surpris Ti’Mars… (Club de vol à voile de la Motte du Caire)

Télécharger l’image de l’itinéraire Gigors, 5km340, 2h dépl sans les arrêts, 273m denivelée

Deux autres randonnées si vous êtes dans le coin : l’aqueduc des Sagnières, le vallon de la Piche

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1Ce pape est-il une allusion à Clément VI, fils de Charles d’Anjou, qui possédait le fief de la Motte du Caire ?

Le vallon de la Piche, Faucon du Caire


Note  : après la parution de cet article, suite à nos remarques, l’office du tourisme des Hautes Terres de Provence a revu le balisage de cette randonnée.

Première randonnée conseillée par l’office du tourisme intercommunal (situé au pied de la via ferrata au Caire) classée difficile. Celui qui nous conseille nous laisse une photocopie, et un numéro de téléphone au cas où nous serions perdus : l’idée est curieuse mais nous comprendrons plus tard pourquoi il a pris cette précaution. Il nous montre un croisement sur la carte où il se pourrait bien que le panneau indicateur ne soit pas encore remis en place ! En tous cas l’accueil, la rapidité et la qualité des réponses sont meilleurs que dans les grandes villes. Bravo, nous reviendrons !

Nous allons à Faucon du Caire1 que le Chevalier de l’Ordre du Croissant Hélion de Glandevès reçut en récompense de ses services dans la conquête du royaume de Sicile au XVème siècle. Comme à Bras d’Asse, je suis surprise qu’il existait un baron dans ce village.

Télécharger le descriptif de la randonnée, site de l’O.T. des Hautes Terres de Provence

faucon_geologie.gifLa route longe le Grand Vallon, une vallée profonde que ne parcourt pourtant qu’un petit ruisseau. Ce n’est pas lui qui a pu creuser la vallée mais les écoulements de langues glaciaires du nord-est qui ont fondu. Le tracé de cette vallée a été dirigé par une grande fracture qui a mis  côte à côte deux compartiments très différents, d’un côté des calcaires argileux sombres, de l’autre des alternances de grès et marnes de Molasses rouges. Terres noires, marnes rouges, grès verts, toutes les couleurs de la géologie locale sont à Faucon. Si vous regardez la carte géologique (extraite du site Geol-Alp), vous verrez d’ailleurs qu’elle a plein de couleurs différentes.

img_0226.jpgÇa commence bien : un beau panneau tout neuf à l’entrée du sentier, comme celui qui est à gauche « le Caire par le Viéraron » ; nous longeons les terres noires du img_0230.jpgravin de la Bouchouse dont la surface a été rougie par les actions du climat. Le sentier est parfois à peine visible sous la végétation. La montée est raide et continue. Nous cherchons souvent le balisage tant il est situé soit trop haut, soit trop loin, soit absent ou invisible. Une petite cascade au loin, attire nos oreilles par son léger clapotis.

IMG_1423r.JPGIMG_1425r.JPGAu fameux croisement où il faut tourner à gauche (le panneau est bien présent…), la piste s’élargit et nous savons que les vaches l’empruntent également. Sur le petit coin de prairie avant la descente, nous observons les papillons et les fleurs de printemps qui ont eu tant de mal à sortir cette année. Nous passons à côté d’un effrondrement rocheux naturel qui semble avoir été dynamité tant les blocs sont tombés de façon désordonnée. La voie est barrée par un arbre en travers du chemin : impossible de le contourner, il nous faut l’enjamber.

Au changement de vallon, mon compagnon de route s’éloigne par la droite, enjambant les arbres et marchant sur les ronces ; il a toujours de bonnes IMG_1428r.JPGraisons pour me convaincre qu’il s’agit du bon chemin : « il faut revenir par l’autre vallon [de la Piche] » et en plus, « je vois bien le chemin sur mon GPS « . Au bout de 100m, nous nous trouvons en haut d’une barrière rocheuse dominant la rivière et il est impossible d’aller plus loin. Si le ravin de la Piche porte ce nom dérivé de pis – avec ses variantes pisse, pich, pissoun = cascade – c’est sans doute que des cascades y tombent en pluie fine mais nous n’en verrons pas de ce côté bien qu’ayant souvent côtoyé l’eau en traversant à gué le ruisseau. Vocabulaire et toponymie des pays de montagne, R. Luft, Club Alpin Français de Nice-Mercantour, 2006. J’ai d’ailleurs déjà rencontré une cascade de la Piche lors de ma montée au refuge de l’Estrop.

IMG_1435r.JPGDemi-tour puis descente dans la forêt par une piste que l’on devine plus qu’on ne la voit : elle n’est plus sur la cartographie du GPS. Quelques marques jaunes reviennent, manifestement rafraichies depuis peu. A nouveau, elles se font trop discrètes ; dans cette forêt au côté sauvage, nous parlons d’égarement possible, de couverture de survie, de briquet que nous aurions dû emporter, de coordonnées que nous aurions dû laisser à nos enfants, enfin de tout ce qui rassure quand on songe qu’on peut se perdre…

img_0232.jpgimg_0233.jpgSur la crête, je ne vois que plus tard la croix jaune qui nous indique une fausse piste : il fallait tourner à gauche en épingle à cheveu. Bientôt nous arrivons sur le promontoire où se trouvait un ancien castrum ; désormais s’y trouve un « rocher qui parle« , rocher artificiel qui diffuse un conte ou une anecdote reliée à un jeu thématique : je vous en reparlerai dans un autre article. La descente se fait par un escalier aménagé retenu par des traverses rondes en bois dont certaines ne maintiennent plus la terre. Manifestement, l’entretien du sentier n’est pas terminé.
IMG_1437r.JPGAu final ma curiosité n’a pas été rassasiée sur ce parcours dont l’intérêt réside dans la dépense physique et des fleurs que je n’ai vues nullement ailleurs ; certaines sont des espèces protégées comme cette orchidée qui ressemble à Ophrys bécasse, ou abeille, bourdon, mouche, les différences sont si subtiles et mon ignorance si grande… certaines fleurs sont rares comme l’Ephedra Negri qui se cache dans les marnes noires mais je n’en verrai pas.

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Vallon de la_Piche itinéraire_4.400km 2h05 déplacement_(2h20 au total) 561m de dénivelée

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1caire : du celtique car, ker = pierre, sommet rocheux, le plus souvent accessible par escalade ; d’où la Motte du Caire, le Caire, Faucon du Caire