L’abbaye de Carluc


medium_img_0429.jpgCéreste est un petit village à la limite du Vaucluse. Les plus anciens éléments de patrimoine conservés se trouvent à Carluc (de kar=calcaire et locus=lieu) où je me rends, profitant d’un déplacement professionnel non loin de là. Après la traversée du pont roman (ni roman ni romain…, voir l’article de Céreste à Montjustin par les crêtes et la plaine), je prends le GR4 qui n’est pas difficile, sur une chaussée défoncée, dans un paysage dégagé, en montée douce jusqu’au prieuré, et dessert quelques propriétés. Seule la dernière partie est en sous-bois. On peut donc s’y rendre en voiture également, si on ne craint pas pour ses amortisseurs.

* La météo aujourd’hui à cet endroit :
Direction du vent et température ressentie

Dès l’arrivée, je sens l’humidité des lieux : un étang, un ruisseau, une prairie, des arbres et des pierres couverts de mousse. J’embrasse d’abord du regard l’ensemble du site qui ne ressemble à aucun autre de ma connaissance. C’est l’église Notre Dame que je vois en premier, construite en pierre de taille à joints fins et qui imite à échelle réduite les grands édifices de son temps. Les oiseaux dans les feuilles d’acanthe de la petite colonne sur le côté sont d’une finesse étonnante pour un travail si petit dans la pierre.

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L’abside pentagonale parait de la première moitié du XIIème siècle ; elle possède 3 fenêtres à l’instar des églises monastiques majeures. Deux sveltes colonnettes ornent les retours des murs de la nef. La contradiction viendrait plutôt de la voûte avec ses six nervures rayonnantes qui ne sont pas de la même époque, sans doute reconstruite.

medium_img_0396.jpgmedium_img_0393.jpgDépendant de l’abbaye de Montamajour (* Voir la note sur Montmajour dans ce blog) depuis le début du XIIè siècle, elle avait elle-même une douzaine de prieurés sous son obédience. Elle prospère grâce aux largesses de la haute artistocratie locale, en particulier à la famille de Reillanne dont était issu l’archevêque d’Arles : Raimbaud. Une seule église sur les trois reste debout. Les fouilles entreprises vers 1960 ont démontré l’existence d’une nécropole datant des premiers chrétiens.2 Elle constituait un lieu de pèlerinage où les premiers chrétiens cherchaient le repos près de saints martyrs locaux. D’où peut-être des tombes anthropomorphes d’enfants taillées dans le roc ?

img_4141r.JPGComme à Montmajour, un cloître reliait entre elles les trois chapelles du monastère, et recouvrait la nécropole. L’emprunter donne l’impression de traverser un cimetière profané. Au nord de la chapelle, une partie du site est creusée dans le roc. Quel travail cela a dû représenter !

C’est un lieu particulier, dans le calme et la verdure, incontestablement proprice à la réflexion et au repos.

Visites guidées du Prieuré de Carluc à CERESTE – HAUTE-PROVENCE
du 01/03/2007 au 31/12/2007
Descriptif : Découverte du Prieuré roman de Carluc, ouverture de la chapelle et commentaires autour des tombes anthropomorphes et des aménagements rupestres.
Horaires : Lundi à 16h30 , le mercredi et le samedi à 10h00
ATTENTION: l’inscription est obligatoire par téléphone au 04.92.79.09.84 ou à l’Office de Tourisme de Céreste. Contact : Office De Tourisme – Cereste – Tél : 0492790984 – Email : otcereste@club-internet.fr – Site internet : www.cereste.fr

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* Je vous propose un itinéraire de 1h50 environ, 6km600

Blog de slca04 avec de belles et grandes photos

img_0063r.JPGSuite à une deuxième visite en juin 2007, Ti’Mars… a pu faire des photos de l’intérieur de la chapelle.

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1Eglises et chapelles romanes de Provence, Andréas Hartmann-Virnich, Les éditions du huitième jour, 2001

2Les fouilles de 1960 à l’abbaye de Carluc, Bulletin de la société scientifique et littéraire des basses Alpes, t.XXXVI, n°227-228

Notre Dame de Consolation à partir du village de Jouques


Je connaissais le village de Jouques pour y avoir animé des ateliers d’informatique à l’école primaire. Le village m’avait alors séduite. Le charme a opéré de nouveau. C’était un dimanche : j’avais repéré trois parkings. Le premier près de l’église Saint-Pierre était plein pour la cérémonie religieuse. Le second, sur la place, l’était aussi par les nombreux jouquards venus faire leur marché ; l’animation était aussi impressionnante qu’au marché d’Aix-en-Provence ! Le troisième, à la sortie du village, ne l’était pas encore mais le sera en fin de randonnée. J’ai donc dû traverser le village pour atteindre le début de la randonnée, en passant par les petites rues, leurs vieilles pierres, leurs fontaines, qui font le charme de ce village.

* La météo de ce jour à cet endroit :
Direction du vent et température ressentie

Le départ se fait sur un chemin pierreux au pied de villas bien gardées. Plusieurs oratoires balisent le chemin jusqu’à la chapelle (qui fait l’objet depuis plusieurs siècles, d’un pélerinage annuel en septembre). J’en ai même vu un en plein champ avec une fontaine ! Les couleurs du balisage, affadies par les intempéries, sont parfois insuffisantes. Certaines flèches bleues, ajoutées sans doute par des propriétaires soucieux de ne pas être ennuyés par les randonneurs, peuvent même vous emmener dans la mauvaise direction. Avant de trouver la dernière montée vers la chapelle, j’ai fait quelques allers et retours inutiles dans une forêt qui devenait hostile à force de ne pas me proposer le bon chemin. Sans doute fallait-il tourner à droite dans une propriété où l’on devinait, sur un écriteau, ces mots contradictoires : « Propriété privée. Aucune interdiction excepté le feu ». Si vous entendez les bruits de voiture de la nationale 96, c’est que vous l’avez manquée.
medium_photo_308.jpgAu nord près de l’ancien camp gaulois de Méry, la dernière partie est en montée raide, parfois un peu difficile. Une brèche dans la verdure offre une vision sur la Durance en contre-bas. Au sommet, une citerne privée est posée sur des parpaings : une inscription invite à ne pas y toucher. La chapelle n’est pas loin mais je ne la trouve pas tout de suite : elle est cachée derrière les arbres sur la gauche. Magnifiquement restaurée par l’association « les Amis de Jouques« , elle a été construite sur le site d’un ancien oppidum gallo-romain (300 à 100 ans av.J.C.) et comprenait un ermitage.

La légende de Notre Dame de Consolation raconte qu’une jeune orpheline, nommée Marie, menait paître les moutons sur cette éminence. Pieuse et pure, elle passait son temps à prier. Or, deux jours de suite, elle vit ses moutons se ranger en cercle et demeurer immobiles. Le troisième jour, un agneau entra dans le cercle, gratta la terre et se mit à bêler longuement. Intriguée, la pastourelle…., se met à creuser. medium_photo_305.jpgSa houlette atteint une dalle pesante sous laquelle repose une gracieuse statue de la sainte Vierge. Lui élever un autel fut son premier souci. Chaque jour elle déposait à ses pieds un bouquet fraîchement cueilli… Elle qui avait jusque là pleuré ses parents cessa d’être triste : elle nomma la statue Notre Dame de Consolation. Un soir des lueurs éclairèrent le plateau. Le lendemain un pèlera leur raconta qu il avait vu la bergère agenouillée, les yeux… fixés sur la Madone en un dernier regard d’amour. … l’extase de Marie s’était achevée au paradis. Les gens de Jouques adoptèrent la sainte demeure et en firent une chapelle1.

Avec plus d’une dizaine de chapelles sur le territoire de la commune (* Voir la randonnée à la chapelle Sainte-Consorce, sur le Concors), l’ancienne résidence des archevêques d’Aix, les églises, Jouques garde des témoignages nombreux d’architecture sacrée.
* Photos de Jouques et de la randonnée du site Provence balades
Le nombre de fontaines, dans le village, dépasse la douzaine. La plupart sont alimentées par la source de la Traconnade. Les romains, au premier siècle, l’avaient captée pour l’acheminer, par un acqueduc, jusqu’à la ville d’Aix-en-Provence. On peut en voir quelques vestiges à Meyrargues.
* Voir randonnée dans la forêt de Meyrargues

On ne peut parler de Jouques sans évoquer la famille noble d’Arbaud, qui a rendu d’importants services à l’Etat, aux armées ou dans la magistrature.
* Je vous propose un itinéraire de 3h environ, 8,5km, sur carte IGN réalisé à partir de CartoExplorer
* Office du tourisme de Jouques
* Site personnel de Pascal Cescon
medium_attention_herissons.jpgLe retour par le vallon de Saunaresse est plus compliqué, non balisé, entre propriétés entourées de murets de pierres et forêts. Je m’égare par deux fois, puis retrouve le chemin. Au hameau de Bèdes, je fais très attention de ne pas écraser un hérisson (!) ; curieusement, le chemin passe au milieu du jardinet d’une propriété puis descend entre les villas. medium_photo_314.jpgPour éviter de revenir à Jouques par la route, je descends vers le chemin sous le rocher de notre dame de la Roque ; à gauche, quelques grottes bien fraîches qui, parait-il, servaient autrefois de cave à vin. medium_photo_316.jpgIl s’agit de l’ancien tracé du GR que je trouve personnellement plus intéressant que le nouveau. En bas, la tour de l’horloge et l’église Saint-Pierre près du cimetière terminent la boucle de ma randonnée. Si vous avez du temps, ce village mérite une petite visite.

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1Les paroisses du diocèse d’Aix, leurs souvenirs, leurs monuments, abbé M. Constantin, A. Makaire, imprimeur de l’archevêché, 1890

Un ermitage abandonné à Roquefavour


Un monument historique oublié, redécouvert par une randonneuse des environs de Ventabren

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De notre envoyé spécial de la Gazette des Randonneurs
Le 25 février dernier, une randonneuse Mme N. décide, contrairement à ses habitudes, de se laisser guider par son intuition. En regardant la carte IGN du territoire de Ventabren, elle remarque une étoile à côté de laquelle est écrit « l’Ermitage » et « Grottes ». N’en n’ayant jamais entendu parler, sa curiosité est éveillée et elle décide d’aller s’y dégourdir les jambes. Elle nous raconte :
medium_img_0230.3.jpg« Pour atteindre ce point, il faut descendre en bas d’un éperon rocheux dont la dénivelée est de 100m environ. Le chemin me semble interminable et j’ai l’impression d’entamer déjà la boucle du retour sans avoir rien vu. Progressivement enserrée dans un vallon humide, avec deux hautes murailles de calcaire qui me cachent la lumière du soleil (il n’est que 15h45), j’ai l’impression d’arriver dans un cul-de-sac. medium_img_0231.jpgAlors que je cherche un autre chemin, mes yeux se posent sur un escalier de pierre à ma gauche. Que fait-il là ? Cela me fait un choc. Des arbres blancs, maigres, torturés ou fiers, poussent dans un grand jardin à l’abandon : paysage totalement insolite sur lequel le soleil ne doit pas être présent plus de 6h par jour. Un grillage entrouvert, que je n’avais pas vu, m’invite à la découverte. L’entrée principale garnie d’une niche, a dû contenir une statue ; au travers d’une autre porte, je peux voir plusieurs voûtes ; une construction en forme de parallélépipède présente une grande ouverture voûtée (endroit pour capter la source ?). Dans une grotte, j’imagine un autel de pierre. J’aperçois alors un autre escalier qui semble monter à un étage puis s’enfoncer vers l’arrière du bâtiment. medium_img_0246.jpgPar un passage étroit un peu risqué, entre un mur de pierre et un rocher, je rejoins le fond de la propriété. Je suis dans un cirque naturel sombre, étroit mais à l’air libre ; je pense aussitôt qu’il doit être possible de mesurer l’importance de cet ermitage en vue plongeante. Un peu partout, des pierres témoignent de l’état de délabrement des lieux ; il s’agit pourtant d’un monument historique : l’ermitage Saint-Honnorat de Roquefavour. 
Notre envoyé spécial a pu recueillir pour nos lecteurs quelques renseignements historiques.medium_img_0247.jpg

Ce sanctuaire a été donné à l’abbaye de Lérins en 878, puis elle passe à celle de Montmajour. Les moines abandonnent la cella Rocca frondosa au moyen-âge et un prieur est nommé. En 1624, le chapitre1 donne sept charges de blé au prieur de Saint-Honoré de Roquefavour qui doit assurer une messe basse chaque année le jour de la fête de Saint-Honnorat. En 1770, à la mort du prieur de Blacas, trois candidats se présentent avec un titre de nomination : le premier nommé par l’archevêque, le second par l’abbé de Montmajour et le troisième par la cour de Rome. Un procès a dû les départager et c’est le dernier qui a gagné ! Le prieuré a été confisqué comme bien national et adjugé à un prêtre. En 1819, un négociant aixois vient y terminer une vie orageuse. Il est mort en priant et a été inhumé dans la chapelle avec cette épitaphe Ici repose J.J. Porre,…résolu de finir ses jours dans la solitude, il choisit l'(h)ermitage Saint-Honnorat en 1819, mort le 30 mai 1825,…

En 1868, le prieur Jacques meurt après 40 ans de séjour. Une eau abondante se répandait par canaux. En 1992, l’ermitage, classé monument historique depuis cette date, appartenait encore à un propriétaire privé.

Parmi les visiteurs illustres de la fin du XIXe, figurent George Sand, Lamartine et Napoléon III (le site de la commune n’en parle plus).

A la lecture de ces informations, N. ajoute :
– La chapelle Saint-Georges annonçait l’entrée : elle a été démolie en 1830. Le premier escalier de gauche devait y mener. Quant aux grottes, elles étaient converties en oratoires, l’un dédié à la Vierge, l’autre à Madeleine. Comme ont été retrouvées des monnaies du Xe siècle, on peut imaginer qu’ait existé un ermitage primitif avant celui des bénédictins.
Quelle impression vous laisse finalement cette redécouverte ?
– Pour qui est capable de se laisser imprégner de l’ambiance d’un lieu, je pense que cet ermitage caché dans un vallon sauvage et solitaire, à quelques pas de la ville, peut apporter beaucoup d’émotion et combler les amateurs d’insolite.
Y-a-t-il une manière plus rapide d’accéder à ce lieu ?
– Un itinéraire beaucoup plus rapide pour les curieux moins sportifs à partir de la D65, près du pont de chemin de fer.
* Je vous propose un itinéraire de 2h environ, sur carte IGN réalisé à partir de CartoExplorer
Quelques liens ayant un rapport avec l’ermitage :
* Voir l’article du blog sur * Montmajour
* Voir l’article sur * la grotte de Marie-Madeleine à la Sainte-Baume
Signalons que sur ce parcours, vous pourrez voir deux ouvrages d’art :

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Après la remontée sur le plateau, elle a poursuivi le chemin jusqu’au bout de l’éperon rocheux, aussi loin que le lui permettait l’étroit chemin. A sa gauche, à 100m à vol d’oiseau, un peu plus haut, elle savait qu’il y avait l’ermitage mais il était trop tard pour qu’elle tentât ce jour là de le voir « de haut ». Parions que ce sera l’objet d’une prochaine randonnée ! En 2023 toujours pas trouvé de moyen de surplomber le lieu.

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1chapitre : corps des chanoines d’une église cathédrale ou collégiale.
[ndlr] : Je déplore que la commune qui a racheté le monument en 2001, n’ait pas encore pris en charge la restauration de cet ermitage ; j’y suis retournée en septembre ; la chapelle à l’entrée n’est déjà plus visible sous la végétation et le monument a fait l’objet d’une partie de paint-ball et de tags. A quoi a donc servi le chantier de réhabilitation des lieux en 2003 ?
Fiche mise à jour en septembre 2006, septembre 2007, septembre 2023