Le sentier des douaniers de Cap Couronne à Carry le Rouet


img_1821.jpgJ‘ai tiré cette randonnée du livre Sentiers du littoral méditerranéen : randonnées de Marseille à Saint-Tropez, P. Garcin et Nicolas Lacroix, Glénat, 2008. Partis de Carry le Rouet, nous avons rejoint la Couronne (commune de Martigues) par le train de la Côte Bleue (départ : 10h03), vieux et poussiéreux. Pas de chef de gare : on prend son billet au distributeur sur le quai, on monte dans le train (que le marche-pied est haut !) sans contrôle. En quelques minutes, nous arrivons à la Couronne.

* Les horaires 2016-2017 de la ligne 7 Marseille-Miramas

Nous descendons jusqu’au cap Couronne d’où nous emprunterons le sentier du littoral, mais on peut partir du port de Carro. Le phare rouge et blanc se détache sur le bleu du ciel. Inventaire général du patrimoine culturel

  • 1er phare :
    • 01 janvier 1867 : allumage sur une tourelle carrée et corps de logis de 11,60 m de hauteur ; feu à éclipses se succédant de 20 en 20 secondes ; focale 0,1875 m ; combustible : huile végétale
    • 1873 : combustible : huile minérale
    • 1904 : combustible : vapeur pétrole
  • Le phare est reconstruit en 1958-1959. Hauteur au dessus de la mer : 36 m, hauteur de la focale : 29,15 m.img_1823.jpg
    • 20 août 1904 : feu à éclats rouges toutes les 5 secondes, focale 0,25 m ; Cuve à mercure
    • 1937 : feu à éclats réguliers rouges toutes les 2,5 secondes.
    • 1959 : feu à éclat rouge toutes les 3 secondes, focale 0,325 m.
    • Automatisation : 2001. Coupole en cuivre avec radar au sommet. Cuve à mercure. Lampe halo 650w. Feu tournant à éclats réguliers rouges 3 sec. Portée 18,5 milles.

img_1830.jpgDéjà du monde sur les plages de juillet ; le sentier, en plein soleil, longe la mer ; nous découvrons grâce aux panneaux d’information qu’il y a eu là une carrière à fleur d’eau, exploitée depuis l’Antiquité pour de grands monuments de la ville de Marseille. Le sol de la Beaumaderie est quadrillé dans des directions différentes, preuve que plusieurs équipes y travaillaient en même temps. Il était possible d’embarquer directement les pierres à partir d’une marge rocheuse servant de digue et de quai d’embarquement. Le niveau de la mer était à l’époque 50cm plus bas qu’aujourd’hui.

img_1834.jpgschema_interpretation_beaumaderie.jpgNous essayons de comprendre ce qu’est une méga brèche, blocs de calcaire anguleux de deux périodes géologiques différentes et qui se sont naturellement soudés ensemble. Puis la mer du miocène transporte les dépôts et les accumule horizontalement. Sur la photo, on voit bien la faille, la formation en éventail et sur le dessus le dépôt marin avec ses nombreux fossiles (coquilles de bivalves, creusement d’oursins). Beaumaderie, brèche.

img_0248.jpgimg_0253.jpgLa petite chapelle Sainte-Croix précédée d’un calvaire surveille l’anse de Sainte-Croix. Sans doute est-ce une chapelle de marins car une ancre de bateau est accrochée sur sa façade. 
Selon une légende moins connue (Georges A D Martin, Le Graal en Provence, Mission secrète en Occident, Cheminements, 1999 ou sur le site Arcadia), cette chapelle serait construite à l’endroit où, suite à une tempête, accostent Marie Jacobée, Marie Salomé, Sarah la servante, Lazare, Marthe et Marie Magdeleine. Un jeune berger sourd-muet leur indique l’emplacement d’une source au pied d’un figuier. Il est guéri miraculeusement. De là, ils partiront ensuite pour les Saintes-Maries de la Mer d’où ils évangéliseront la Provence. « elle [la chapelle] est bien connue des marins et saluée par eux du nom de Sainte-Terre, «Santo Terro». Elle est déjà signalée dans des actes de 1636. Deux pèlerinages importants durant plusieurs siècles amènent le 3 mai (souvenir de la découverte de la croix du Christ), et le 14 septembre (exaltation de la Sainte-Croix), les pêcheurs, paysans, bergers et carriers du terroir, à la Sainte-Terre ».  La plage de Sainte-Croix, site cote-bleue.eu

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*** A l’ombre du rocher de Roquebrune


La journée est organisée par l’ASER (Association de Sauvegarde, d’Etude et de Recherche pour le patrimoine culturel et naturel) que j’apprécie énormément tant elle propose des journées qui correspondent à ce que j’attends : de la marche, des découvertes de notre patrimoine local souvent riche mais peu connu, de la convivialité. Et des visites gratuites de plus ! Je peux alors poser des questions et y trouver de quoi vous faire partager mes découvertes. J’adresse mes remerciements à Philippe Hameau de l’ASER, qui a accepté de relire cet article.

La première visite prévue est pour la glacière située à l’intérieur de la Maison du Patrimoine, dans l’impasse Barbacane, sans doute l’ancienne rue de la glacière, comme dans beaucoup de villages provençaux. La communauté a racheté tôt le droit de faire de la glace. Des travaux de restauration du bâtiment municipal ont permis la découverte de cette glacière du XVIIe siècle exploitée par l’évêché de Fréjus qui en assumait l’entretien (On sait qu’en 1664-65 elle avait fait l’objet de réparations). Mais c’est devant une maison fermée qu’Ada nous expose ce qu’elle a découvert dans les archives.

Sur le thème de la glace, visitez le musée de la glace !

Nous passons devant le cadran solaire créé en 2005, situé en bas de la rue Grande André Cabasse  (ci-contre carte postale ancienne de la rue) : certains s’essaient au calcul de l’heure légale à partir des indications fournies mais ça paraît bien compliqué. Le temps solaire n’est pas aussi uniforme que le temps de nos montres : il faudra donc ajuster par rapport au temps moyen, en fonction de la saison. Contrairement à l’heure solaire qui dépend du lieu, l’heure légale est identique sur tout le territoire : il faudra donc apporter une seconde correction due à la longitude de Roquebrune. Je dirais (simplement ?) de faire le calcul en 4 étapes :

  • Lire l’heure locale de Roquebrune au soleil grâce à l’ombre du style sur le cadran ;
  • img_0863.jpgcorriger ce temps solaire : c’est l’équation du temps (site de l’Institut de mécanique céleste et calcul des éphémérides)  ; en été la terre se déplace moins vite qu’en moyenne : pour le 19 avril à peine -1mn de correction ;
  • Roquebrune étant à l’est du méridien de Greenwich, ajouter les 26mn de décalage (on trouve les coordonnées dans un atlas géographique), calculée à partir de la correspondance 24h correspond à 360° (rotation de la terre en 1 journée) ;img_0864.jpg
  • L’heure légale en France l’été étant égale à UT (Temps Universel) +2, ajouter ces deux heures.

Il était 9h40 au soleil quand nous avons quitté le centre du village ; l’heure légale était donc : 9h40-0h1′-0h26’+2h=11h13 à nos montres. Il est temps de partir pour la chapelle Saint-Roch.

img_0874.jpgSaint-Roch s’arrêta dans plusieurs villes d’Italie atteintes par la peste ; il s’employa à servir les malades dans les hôpitaux. Pendant 3 ans il s’occupa des malades à Rome. Il finit par attraper lui-même la maladie et se retira dans une forêt près de Plaisance pour ne pas infecter les autres. Seul un chien vint le nourrir en lui apportant chaque jour un pain dérobé à la table de son maître. Ce dernier, intrigué par le manège de l’animal, le suivit en forêt et découvrit le saint blessé, qu’il put ainsi secourir. D’où l’expression, pour parler de deux personnes inséparables : c’est saint Roch et son chien. Extrait de Wikipedia.

C’est pour cela que dans les villes et villages de Provence qui ont été touchés par la peste, il y a presque toujours un oratoire ou une chapelle dédiée à Saint-Roch que l’on invoquait pour être protégé de la peste. Par exemple aux Mées, à Fontvieille, sur la route de Saint-Cannat, à Cazan, Saint-Rémy, le Beausset, etc.

La météo aujourd’hui à cet endroit :
Avec la température ressentie

img_0870.jpgimg_0872.jpgPetit arrêt à la chapelle Saint-Roch, restaurée par le Comité pour la Protection des Monuments Historiques et des Sites de la Commune de Roquebrune-sur-Argens.

img_0875.jpgimg_0878.jpgDevinette ensuite face à un gros bloc rocheux abandonné sur la rive du lac Arena, à l’emplacement du bras de l’Argens. A quoi servait-il ? personne ne trouve qu’il s’agit d’une bigue, c’est à dire le point d’amarrage de la grosse corde à laquelle était arrimée la barque qui traversait l’Argens avant la construction du pont.

Les seigneurs et les grands monastères possédaient des terres de chaque côté de l’eau et les échanges étaient intenses. La communauté dut se doter d’une barque pour permettre le transport d’une rive à l’autre des habitants et des animaux. Cette barque devait être assez large pour faire passer des charrettes. […] ; pour que la barque lourdement chargée ne dérive pas ([ndlr] à cause du courant), on l’arrima à une grosse corde qui était tendue, d’une rive à l’autre entre deux gros blocs de maçonnerie (l’un deux a été retrouvé, enfoui dans la sablière Perrin). Le point d’accostage s’appelait alors le capoul.

Pour se rendre au pélerinage à la chapelle de la Roquette, soit les pélerins traversaient à gué, soit ils empruntaient le bac. La fonction de barquier était obtenue par adjudication. Sur le recensement de 1826, figurait encore Peyrin Sauveur, barquier.

Cassini_le_Muy_Roquebrune.jpegCe bac devint, pour la cité, un véritable service public, affermé dès 1546 par la communauté pour ‘passer chacun, tant allant que retournant, franc et sans faire payer personne, étrangère ou privée’. En fait, les étrangers et les animaux payaient une redevance par homme ou par tête de bétail.
Il fallait souvent réparer ou changer la barque malmenée par les troncs d’arbres charriés par le fleuve en temps d’inondation, et « nourrir » la corde avec du goudron ou la changer. […] Les ouvriers agricoles perdaient beaucoup de temps pour franchir la rivière ; il fallait parfois toute une journée pour faire passer un troupeau d’une rive à l’autre ; il n’était pas rare de voir des bêtes effrayées tomber à l’eau et se noyer.

Sur la carte de Cassini (1778), le bac y figure bien à côté de la chapelle Saint-Roch. La solution fut la construction d’un pont. Ce n’est qu’en 1829 que l’Argens cessa d’être pour la cité un obstacle à l’ouverture au monde. L’Argens et le vieux pont par le Comité pour la Protection des Monuments Historiques et des Sites de la Commune de Roquebrune-sur-Argens.

img_0881.jpgPetit cours de géologie avec M. Blanc qui a amené son graphique sur le terrain. J’entends pour la première fois le terme d’arkose. Le rocher de Roquebrune est constitué de granites et gneiss vieux de 560 millions d’années […] ; et si la surrection de ce relief est très récente (environ 30 millions d’années) le granite est un reste du socle hercynien. Extrait de Geoforum. L’arkose est la roche issue de l’altération et de l’érosion de ces granites et gneiss.

IMG_0883r.JPGExtrait du site ifrance, le rocher de Roquebrune :
A l’ère tertiaire, des mouvements tectoniques […] font remonter le conglomérat à la surface. Sa couleur caractéristique est due à une quantité inhabituelle d’oxyde de fer. Selon notre géologue, le soulèvement continue, les reliefs s’élèvent de 2 à 3mm par anIMG_0894r.JPGimg_0890.jpg. Avant de repartir après le pique-nique pris en commun, alors que je m’apprêtais à marcher bien involontairement sur une fleur poussant au ras du sol, une dame de l’association me crie stop ! vous allez écraser une orchidée !
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Les pénitents des Mées


Album de la fête régionale randonnée 2008 (1)

Un week-end consacré à la randonnée, week-end organisé par la fédération régionale de la randonnée, à Volonne (04) pour sa seconde édition. On s’est raccroché au groupe à la dernière minute et nous ne l’avons pas regretté. L’hébergement en camping **** à Volonne (04) était à la hauteur de l’organisation.

penitents_wikipedia.jpgphoto wikipedia

Description de la randonnée, par le site saute-collines

IMG_0289.jpgIMG_0299.jpgLa première randonnée nous mène jusqu’aux fameux pénitents des Mées (itinéraire de 13.5km,  dénivelée 460m, 5h30 environ avec l’arrêt pique-nique) que tout le monde voit au loin en se rendant dans les Alpes mais que personne n’escalade jamais.

La météo aujourd’hui à cet endroit

Nous partons du village des Mées. Il a plu de la veille et le départ commence fort : se promener sur des galets mouillés compacts alors qu’on est si loin de  la mer, ça fait plutôt bizarre ! c’est un sentier en pente un peu raide, sur lequel la mairie décline toute responsabilité. Dans un virage en épingle, nous passons à proximité de la chapelle St-Roch, puis près d’une borne kilométrique (D101) et d’une fontaine moderne. Au XVIème siècle, cette chapelle prend ce vocable, certainement après les épidémies de peste de 1580 ou 1589, Saint-Roch étant habituellement invoqué lors de la peste et du choléra. J’en ai rencontré beaucoup dans la région, la peste de 1720 ayant débuté à Marseille, et s’étant propagé dans toute la Provence (voir La malédiction du grand Saint-Antoine dans ce blog). A la Révolution, elle est vendue comme bien national. Le 29 septembre 1984 M et Mme Jean-Marie Henry en font don à la ville des Mées. « L’Association a consacré exactement 20 chantiers de bénévoles […] soit pour monter les matériaux pour la toiture, soit pour rendre le chemin accessible et aménager l’intérieur de la chapelle et le parvis. » (extrait du site de l’association les Amis des Mées). C’était probablement l’église paroissiale primitive, lorsque le village était accroché au versant du rocher.

IMG_8132.JPGIMG_8143.JPGIMG_0310.jpgIMG_8135_galets.JPG
Marque de l’érosion sur les pénitents ; vue de près sur le poudingue

Bientôt, nous sommes sur la crête, dominant les pénitents qui semblent bien grands désormais. On les appelle ainsi en raison de leur silhouette ; d’après la légende, ils représentent les moines de la Montagne de Lure qui ont été pétrifiés par saint Donat au temps des invasions sarrasines pour s’être épris de belles jeunes femmes Mauresques qu’un seigneur avait ramenées d’une croisade. De là haut, je me rends mieux compte de leur composition et je vois que des morceaux de galets se détachent encore : l’érosion continue.
Schématiquement c’est le résultat de 3 phases essentielles (voir en détail Rochers et légendes, du site des Amis des Mées avec schémas) :

  • 25 millions d’année : la faille de la Durance élève le côté ouest (Forcalquier, Manosque,…) ; contre cette élévation butent les anciennes rivières de nos rivières actuelles (la paléo Durance, par exemple) ; plus au nord naissent les Alpes aussitôt attaquées par l’érosion. Ces blocs arrachés, roulés et devenus galets s’accumulent dans un delta de 60 km de long et de 30 km de large (zone du plateau de Valensole), sur des épaisseurs considérables (Les Mées: 600 à 800 m.). Le calcaire dissout dans l’eau les cimente avec un grès très dur. La roche ainsi formée constitue le poudingue.
  • Ces dépôts s’arrêtent il y a environ 2 millions d’années. Au niveau des Mées, en profondeur, une couche épaisse de conglomérat accumulé, de plus de 100 mètres d’épaisseur et longue d’au moins un kilomètre, se trouve enfermée dans cette masse. Sont déjà pré-formés les futurs pénitents…
  • la Durance attaque le poudingue, le « rogne » sur une épaisseur d’environ 400 mètres. A chacun de ses passages puissants, elle arase le sol et crée une terrasse ; des vallons se forment, tel celui de la Combe.
    Quand elle atteint les Mées, elle butte contre cette partie très dure, racle la face nord-ouest et rabote ainsi une haute façade verticale. Nous retrouvons aujourd’hui, sur l’avant de nombreux rochers, cette face plane.
  • Lors des périodes glaciaires, le gel débite le poudingue en morceaux et laisse les matériaux sur place. Mais aux époques plus chaudes, les eaux sauvages venant du plateau emportent tous les matériaux instables qui vont s’engager dans les fissures existantes et ronger profondément le poudingue.

Sur le coté ouest, le poudingue, profondément travaillé dégage des monolithes. De cette double érosion, latérale et verticale, résultent ces formes coniques qui sont devenues des Pénitents. L’érosion continue toujours…
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