Le Rocher de Castellas


Le Rocher de Castellas à la Roque d’Anthéron, je l’ai vu de loin plusieurs fois : lors d’une rando dans la chaîne des Côtes, depuis le sentier vigneron de Rognes sans avoir eu envie de m’en approcher : vestiges ténus d’une petite fortification très difficile d’accès selon Daniel Mouton, Le fort et l’éminent. La rocca en Provence depuis le début du Moyen-Age, Le monde alpin et rhodanien, Revue régionale d’ethnologie, n°2-4, 1997, pp.179-186 ; et puis des castellas, on en a vu de plusieurs périodes : Roquemartine deux fois, Féline, Rognac de loin seulement, La Fare. Il y a plus longtemps, pour ma part : la Roche Amère à Volx (04), Forcalqueiret (83), à Puyricard celui du cardinal Grimaldi, etc. André est attiré par cette motte castrale, témoin des premières fortifications médiévales du haut Moyen Âge, ici installée sur  un rocher au toponyme évocateur : le castrum de Rocha Anthorroni de 1351 est devenu la Roque d’Anthéron.

Nous nous sommes garés sur le bord de la route D67a qui relie La Roque d’Anthéron à Lambesc. Une piste large et facile monte doucement vers l’est puis le sentier s’engage sur un sentier en sous-bois parallèle à la piste que je préfère largement, même s’il faut parfois enjamber un arbre tombé au sol. Il rejoint la piste ; 100 m plus loin, nous la quittons pour un autre sentier caillouteux et plutôt raide, bien marqué cependant. Où va-t-on arriver ?

Point de vue depuis le Rocher proche du Castellas

Nous passons par un premier sommet repéré par une borne de granit de l’IGN (456,52m), d’où nous apercevons le Mourre Nègre, sommet du Luberon, la vallée de la Durance et le canal EDF ; nous redescendons par des passages rocheux pas toujours évidents, remontons en direction d’un second sommet sur un rocher en face de celui qui nous intéresse. Par un passage côté est nous nous approchons au plus près – prudence, la chute est proche !

Le rocher de Castellas est une falaise en à pic, creusée de grottes, incliné de notre côté mais infranchissable. Qu’y voyons-nous côté sud ? un mur et côté ouest ? un terrain qui monte en pente douce. Peut-être est-il possible d’accéder au castrum par le milieu de la face ouest où la hauteur est la plus faible (6m tout de même !) selon l’auteur Daniel Mouton, dans Mottes castrales en Provence Les origines de la fortification privée au Moyen-Age, Editions de la Maison des Sciences de l’Homme, Paris, 2008. On voit au zoom une cheminée et des traces d’entailles dans le rocher pouvant servir d’escalier et d’accès au castrum. Mais il faudra d’abord traverser des lieux hostiles et escalader…

Sur la plate-forme en partie haute, un mur en bordure de falaise de 1m70 d’épaisseur conservé sur 6m de long, formé de blocs calcaires bien équarris. La base prend appui dans la pente du rocher 4 m en dessous, sans doute la base d’une tour défendant le site des jets de projectiles depuis la colline voisine. En partie inférieure de cette plate-forme une fosse ovale et profonde a été creusée dans le rocher (citerne ou silo ?).
Au pied du rocher, sur la face nord, un habitat a laissé quelques traces d’ancrage à des poutres, impossible à dater.

Continuer la lecture de Le Rocher de Castellas

La grotte du Tonneau, La Bouilladisse


Souvenez-vous, nous n’étions pas loin lors de la visite des deux oppida de Belcodène mais, fatigués et ne disposant que d’une demie-journée, nous avions préféré remettre la visite de la grotte du Tonneau à une autre date. Située en paroi et orientée sud, sur la rive droite du ravin du Tonneau, à l’extrémité occidentale de l’anticlinal du Regagnas, nous ne pouvions l’apercevoir depuis l’extrémité ouest de l’oppidum du Tonneau.

Nous sommes partis de Belcodène, un parking près de l’autoroute, sur la D908 qui mène à Peynier. Nous suivons le GRP Sentier Provence mines d’énergie, balisé. Nous traversons la partie sud de l’ancienne ferme du Château qui appartenait au marquis de Cabre en 1830. Une ruine grosssièrement ronde nous laisse bien sceptique : elle ne figure pas sur le cadastre napoléonien de 1830 (B3 section Le Château) ni sur la carte IGN de 1950 mais se situe au coin d’une propriété ; soit c’est une construction postérieure, soit c’est la borne cadastrale n°26 que l’on voit sur le plan de 1830 ; serait-ce l’ancienne limite des diocèses d’Aix et Marseille au moyen-âge ? Nous n’avons pas vraiment cherché une inscription ou un indice.

Les églises de Saint-Pierre et de Saint-Jacques de Bulcodinis et leur bourg, qui furent d’ancienneté la limite entre les deux diocèses, dépendront alternativement, une année sur deux, de l’un puis de l’autre diocèse.

1255, Arbitrage du pape Alexandre IV (cité par le site bolcodenis.free.fr)

Site bien documenté sur Belcodène (archives, classement selon plusieurs critères)

Un peu plus loin, le long de l’ancien chemin de Peynier à Marseille, un mur en pierre sèche, délimitait la propriété ; derrière autrefois des vignes et pâtures.

Nous quittons la piste pour un sentier plein sud, bien marqué. A l’approche de la falaise, à partir d’une petite esplanade dégagée, le sentier vire à gauche vers l’oppidum, mais il ne faut pas le suivre mais passer dans la brèche devant vous pour passer sur l’autre versant côté La Bouilladisse (une carcasse de voiture à gauche) où le sentier sera ardu, rocheux, avec de la végétation parfois envahissante.

La descente vers la grotte commence. Un cairn peu visible matérialise le carrefour où il faut obliquer à gauche. Les maisons du quartier des Battiers sont à portée de marche. Nous mettons les mains, parfois les fessiers, mais avec prudence, nous arrivons en vue de la grotte.

La grotte du Tonneau, que l’on reconnait bien grâce à la forme oblongue de son entrée, se rapproche. Arrivés au pied de la falaise, nous cherchons par où escalader les blocs de rochers ; André commence l’escalade, tandis que je cherche un meilleur passage : en vain ; je me résous à le suivre, l’ultime rocher, lisse et bombé, me donne du fil à retordre.

Point de vue en hauteur idéal depuis la plate-forme devant l’entrée. On se croyait au bout de nos peines. L’accès à la grotte, surélevée de plus d’un mètre de hauteur, semblait facile mais un seul point d’ancrage étroit pour le pied et rien pour les mains car la paroi est patinée. Après quelques minutes d’intense réflexion, sur une bonne idée d’André, je me retourne, par le seul appui du pied gauche je me hisse sur la partie plane, me recroqueville, tourne buste et jambes vers l’intérieur, et descend dans la grotte.

[Cette grotte] fut découverte en 1895 par Isidore Fontanarava et Nicomede Long, mineurs à La Bouilladisse […]. Elle possède à l’intérieur un couloir d’une vingtaine de mètres et au bout de celui-ci un aven de 8 mètres de profondeur où furent trouvés des silex, ossements, poteries, javelots… qui ont permis de déterminer que cette grotte date de la période paléolithique inférieur et servait d’habitation et de sépulture. Ces vestiges sont conservés au Palais Longchamp à Marseille.

France Bleu, 19 juin 2020, mon petit coin de paradis

Je sors ma lampe de poche ; le couloir sableux est large, ventilé, sans difficulté, jusqu’à la première marmite creusée au sol, pas très profonde ; mais c’est une succession de marmites qui conduisent à l’aven. Ah ! si j’avais une planche de bois pour passer au-dessus… mais ce n’est pas important, l’aven étant presque complétement comblé selon Gérin-Ricard qui l’a fouillé.

Le remplissage de cet aven est essentiellement constitué par des couches de sables jaunâtres qui alternent avec des niveaux d’argile plastique brun rouge. […]. Il correspond à un climat où alternent les périodes sèches avec phénomènes éoliens intenses (transports de sables par le vent) et les périodes humides (transports d’argiles colluviées). Epoque : Wurmien II.
La faune relativement abondante comprend : Rhinoceros sp. , Equus caballus [cheval], Cervus elaphus [cerf élaphe], Cervus capreolus [chevreuil]
Capra ibex [bouquetin], Bos primigenius [auroch, originaire d’Afrique]
Sus scrofa [sanglier], Hyaena crocuta spelaea [hyène des cavernes]
Castor fiber [castor d’Europe], Oryctolagus cuniculus [lapin de Garenne], Testudo [tortue Hermann]

La forte proportion des racloirs1 à dos aminci permet de le rapprocher du « Moustérien de type Ferrassie oriental » bien représenté à la Baume de Peyrards, et à la Baume Bonne à la fin du Wurmien II. [Vers 45 000 ans].

Le Paléolithique inférieur et moyen du midi méditerranéen dans son cadre géologique, Henry de Lumley-Woodyear, Gallia préhistoire, 1969

Sortie de la grotte par un goulet étroit à droite de l’entrée en rampant sur le dos : tout le monde ne passera pas mais pour ceux qui passent c’est plus facile ! Après avoir longé la paroi rocheuse, nous repérons une marque de balisage qui nous permet de redescendre sans trop de difficultés au niveau du sentier.

Plusieurs petits sentiers proposent une variante à la piste. Retournez-vous, si vous ne l’avez pas vu à l’aller, le mont du Marseillais à 5km800 à vol d’oiseau, est reconnaissable à son antenne.

Image de l’itinéraire 4km600, dénivelée 37m (+63, -63), 2h20 aller-retour. Possibilité de coupler avec la boucle des oppida de Belcodène pour une journée complète

1 racloir désigne un outil de pierre taillée réalisée en retouchant le bord d’un éclat de façon à le régulariser. Cet outil apparaît particulièrement typique du Moustérien, industrie de l’Homme de Néandertal pour racler les peaux de bêtes

Notre Dame des Anges, retour par le sentier des pélerins


Notre-Dame-des-Anges, voilà un lieu sacré fort ancien (ermitage et couvent), caché dans le massif de Bau Trauca dont les toponymes activent l’intérêt des curieux : grotte de l’Ermite, lieu-dit Paradis et ses légendes associées ; il y a aussi Notre-Dame-du-Rot que nous n’avons pas encore réussi à rejoindre jusqu’au bout… C’est André qui a préparé aujourd’hui.

Un grand parking sur la route de Notre-Dame-des-Anges après l’oratoire (photo google maps) accueille les chasseurs, les randonneurs, les VTT et les amateurs d’escalade au Pilon du Roy. Une piste mène jusqu’au col Sainte-Anne avec points de vue sur Gardanne, sa haute cheminée, ses tours de réfrigération et Sainte-Victoire.

A l’oratoire du col, nous basculons sur l’autre versant de la montagne, côté sud et quelques lignes à haute tension. Dans un lacet serré de la route, nous ne trouvons pas la piste prévue à gauche mais apercevons un improbable mur de pierres au pied d’un rocher. Nous continuons donc la piste – encore un mur de pierres là-bas ; le portail d’accès au lieu n’est plus fermé : nous quittons la piste menant à Plan-de-Cuques pour ce sentier qui arrive au pied du sanctuaire .

Qui dit privé, dit interdiction d’entrer sans autorisation ; nous ne verrons donc pas grand chose : les murs ruinés de l’ancien couvent, l’hostellerie qui accueillait les pélerins et peut-être les citernes. Pour le reste le meilleur document illustré de gravures anciennes et d’un plan, est sans doute celui de Paul Courbon dans sa chronique souterraine.

… une belle grotte de 60 mètres de longueur, avec des stalactites et des congélations fort curieuses, terminée par une double grotte, l’une supérieure où était l’autel de Saint Philippe de Néri, l’autre inférieure qui forme le sanctuaire de l’église, communiquant par un arceau naturel avec la Baoumo Vidale transformée en une grande chapelle à laquelle l’ouverture du clocher sert de dôme.

Père Miollis chroniqueur de ND des Anges au début du XVIIIe

Puisque légende il y a, j’ai d’abord essayé de distinguer les faits de la légende à partir des documents ci-dessous :

Noël Coulet, L’ermitage de Notre-Dame-des Anges de sa fondation (XIIIe siècle ?) à l’installation des oratoriens, Provence Historique, 2018, 68 (264), pp.401- 420

Ferdinand André1, Notice historique sur la maison et solitude de Notre-Dame-des-Anges au territoire de Mimet, diocèse d’Aix, Marseille, typogaphie Vial, 1856

  • L’établissement de cet ermitage remonterait au commencement du XIIIe siècle (charte sur parchemin en provençal médiéval), vers l’année 1220, par frère Jean qui s’installe dans une grotte, la grotte Vidale, repère de serpents. Frère Antoine fut le compagnon de ses premières années.
  • 1392 : Clément VII accorde une indulgence à ceux qui visiteraient ce lieu
  • 1526 : signature d’un bail en faveur de la confrérie par le seigneur de Mimet Marc Froissard Chaussegros
  • 1604 : ermitage donné aux Camaldules ; bail signé dans la maison de Claude Fabri de Peyresc, seigneur de Calas,d’un circuit de terroir … tout alentour de l’église Notre-Dame-des-Anges … pour bâtir et construire une église et couvent sous le titre et ordre de saint Romuald
  • 1607 : ermitage abandonné par les Camaldules (sans doute pas assez silencieux…), les ermites de Saint-François y retournent (Constant Maurel, Honoré Chabrand)
  • 1625 : nouveau bail sur un terrain que les ermites avaient irrégulièrement envahi
  • 1632 : délibération du Chapitre pour implorer les grâces de Dieu lors d’un pélerinage vu la sécheresse
  • 1640 : donation à la Congrégation des Frères de l’Oratoire qui installent des oratoires de 12 pans2 de haut pour guider les visiteurs
  • 1657 : Seuls les hommes sont admis à l’hôtellerie.
  • 1790 : destruction partielle ; la statue de la Vierge mutilée est descendue dans l’église de Mimet
  • 1693 : construction de la chapelle Le Paradis (accès par un sentier taillé dans la pierre) ; de nombreuses personnalités de l’époque y ont fait une retraite (cardinal Grimaldi, abbé du Chaine, M. de Grignan, abbé de Cabanes, François Piquet (évêque de Césarople),..
  • 1697 : les Pères de l’Oratoire acquièrent le domaine de Saint-Joseph (sur Mimet et Allauch)
  • 1719 : mort du Père Marrot
  • 1773 : accueil de quelques persécutés parisiens
  • 1795 : vente du domaine à deux marseillais Gaspard Coste et Pierre Bausset ; puis Olive et Jullien ; le Frère Sabatier relève quelques ruines puis s’enfuit avec l’argent des fidèles. La clé est confiée au propriétaire.

Le retour se fera par le sentier des pèlerins réparé par l’assemblée des communautés sise à Lambesc en 1657 : le seul sentier existant encore début XIXe. Pourvu qu’il soit encore entretenu… Il commence plutôt bien.

Les canadairs au dessus de nos têtes, s’entrainent en une large boucle, au largage de l’eau en prévision des incendies de l’été. L’aire de la Moure est faite pour ça. Au loin, on peut même voir la Bonne Mère à Marseille.

Continuer la lecture de Notre Dame des Anges, retour par le sentier des pélerins