La baume Saint-Michel à Mazaugues


Après la découverte des sauts du Cabri à partir du Caïre [lapiaz : fissures dans les calcaires] du Sarrazin, nous partons sur l’autre rive à la découverte de la baume Saint-Michel, visite organisée par l’ASER du Centre Var et son président Philippe Hameau.

Panneau d'informationDepuis le plateau, trouver l’étroit passage qui mène à la baume n’est pas difficile… quand on est accompagné par une personne qui connait. Ce n’est pas un sentier évident : après quelques passages raides, nous parvenons face au vaste porche de 20 m de large, dans une zone assombrie par la végétation environnante. Vue d'ensemble de la baumeUn aménagement en terrasses de cultures complète le cadre. L’endroit doit son nom à une fresque représentant « Saint-Michel terrassant le dragon » sur la face externe du mur de la citerne. Elle porte ce nom depuis avant 1585 puisque la grotte est dite, à cette date, proche de la limite méridionale des communes de Tourves et Mazaugues. Une autre chapelle troglodytique dédiée à Saint-Michel existe dans les gorges de la Nesque : c’est dans le monde souterrain que l’archange est descendu pour combattre le Dragon. La chapelle Saint-Michel de la Nesque

Les lieux ont fait l’objet de plusieurs fouilles ; l’occupation de la cavité s’étale sur plusieurs phases du néolithique ancien à l’époque moderne.
Qu’y a-t-on retrouvé à l’époque préhistorique la plus ancienne ? des silex, essentiellement silex noir débité sur place, des tessons céramiques de 20 récipients différents, des os de carnivores (2 renards, 1 chat sauvage), des sangliers, ruminants (cerf essentiellement) et petits ruminants, une vertèbre de truite. Par contre l’agriculture n’est pas attestée.

A l’époque protohistorique, des sépultures ont été placées le long d’une paroi de la galerie Eugénie (elle porte le prénom de la fille de notre guide) qui s’ouvre sur la terrasse inférieure de la Baume Saint-Michel.
A l’époque gallo-romaine, des tegulae ont été ramassées à plusieurs endroits. Contrairement à ce qui est communément admis, le pont romain à Tourves n’est probablement pas romain !

Le XVIIè : vers 1650 la grotte sert d’abri à un ermite, Sutton, qualifié de « solitaire de Rimbert », endroit où il aurait vécu auparavant. Peut-être est-ce l’ermite qui a aménagé les terrasses de culture jusqu’aux abords du Carami ? Lors de mes randonnées, j’ai souvent rencontré des histoires d’ermites qui vivaient dans des grottes. L’ermite de la baume de Lirac, le frère Antoine, la grotte de Saint-Honnorat.

La citernePièce d'habitationUne fissure au fond de la grotte recueille les eaux de ruissellement, filtrée par de nombreuses pierres, dans une citerne de belle taille.
Des murs séparent l’espace ; une petite salle naturelle de 5m sur 3m pouvait servir de chambre à l’ermite.

Continuer la lecture de La baume Saint-Michel à Mazaugues

Les sauts du Cabri à partir du Caïre de Sarrasin


Les sauts du Cabri : le point de vue du randonneur, c’est que c’est drôlement difficile de l’atteindre par les gorges du Carami à partir de Tourves. Des gorges profondes, de plus en plus étroites et encombrées de blocs rocheux. Le point de vue de l’ethnologue, c’est aujourd’hui que nous allons le découvrir en partant du plateau au-dessus des gorges. L’eau sera donc notre thématique. C’est Philippe Hameau de l’ASER Centre Var, qui nous guide.

La Caire de Sarrasin a son pendant sur l’autre rive du Carami : la Caire de Piourian, avec une ancienne mine de bauxite de chaque côté. Pourquoi l’IGN en a-t-elle fait un substantif féminin alors que la préfecture en fait un substantif masculin ? écrit « Caïré » sur le cadastre napoléonien, ce toponyme ne m’aide pas à en trouver l’origine. Mireille, qui prend des cours de provençal, et Laurence m’ont proposé « du côté de  » : du côté de Sarrasin et du côté de Piourian, et ça me convient bien. Jean Nicod affirme que cela désigne les lapiaz, fissures calcaires résultant de l’infiltration de l’eau.

Malgré l’exploitation de la bauxite et les travaux d’irrigation, l’environnement n’est guère urbanisé. Aller au Carami, c’est donc aller au delà de l’espace villageois […] pour pénétrer dans un autre contexte spatial […] très différent du premier et où les règles sont autres.

le plateau vu des bords du CaramiGous du casqueComme les jeunes du village, nous longeons la rivière en passant par les « gous »1 auxquels ils ont donné des noms : le gous bleu à la confluence du Petit Gaudin et du Carami, le gous du casque dominé par une petite falaise de 4m de haut dans lequel on aurait trouvé un casque militaire, allemand peut-être ; ici pas de trou à moins que l’on admette qu’il est constitué chaque été par la construction d’un barrage de galets et de branches.

Gous du mariageLe sentier continue ; les falaises s’élèvent sur les deux rives ; le Carami s’engouffre dans une vasque semi circulaire de 5m de diamètre. La coutume veut que l’on fasse ricocher un galet sur la surface de l’eau pour le faire entrer dans la fente du rocher. le nombre de ricochets indique le nombre d’années séparant le lanceur de son mariage ! c’est donc le gous du mariage.
Selon les géologues, quand la Sainte-Baume s’est soulevée, la pente de la rivière s’est accrue, sapant progressivement les parois et la voûte du tunnel.

Lancer un caillou dans un trou, vous l’avez sûrement déjà vu comme par exemple dans un oratoire. Durant les pélerinages à Notre Dame de Paracol, la coutume est de jeter un caillou dans la niche de chaque oratoire. Si l’on vise juste, on a des chances que les voeux soient exaucés… Chapelles de Provence, E.Bousquet-Duquesne, Editions Ouest-France, 2009

tête de tortue (photo A. Touvier)Une grande tortuePlus nous avançons plus les rochers de chaque côté s’élèvent et plus l’impression de chaos rocheux se renforce. Des figures fantastiques semblent surgir du Carami. Ici une grande tortue, là un visage humain. La progression devient plus difficile.

Cabris (photo A. Touvier)tombera, tombera pas ? photo A TouvierLe saut du Cabri est un endroit spectaculaire, où le Carami incise les calcaires du plateau. En levant la tête sur la crête rocheuse, on peut comprendre pourquoi il s’appelle ainsi : merci André d’avoir capté les sauts des cabris en haut des barres rocheuses.

Continuer la lecture de Les sauts du Cabri à partir du Caïre de Sarrasin

Du Verdon à l’ancienne draille des troupeaux


Pour ‘inventer’ cette randonnée, j’avais plusieurs contraintes : peu de dénivelée et une descente en pente douce pour ménager mes adducteurs, aller à contre-courant des vacanciers de retour de vacances. J’ai donc décidé de remonter vers les Alpes de Haute-Provence, tenter de longer le Verdon de Vinon-sur-Verdon à Gréoux-les-Bains et retourner par la draille1 des troupeaux de la Crau. Le problème c’était qu’aucun sentier continu ne reliait Vinon à Gréoux sur la carte IGN.
Je me suis garée sur le parking du centre commercial mais j’aurais pu me garer sur le parking du Verdon en bas de l’impasse de la scierie.

le VerdonLe long du Verdon à VinonTout a bien commencé : la promenade le long de la rivière est pendant longtemps praticable ; balade ombragée au bord de l’eau, une rivière assez calme avec quelques aménagements hydrauliques ; plus je m’avance, moins elle ressemble à une promenade touristique ; je dois par deux fois traverser à gué : une première fois sur une maigre branche d’arbre, une seconde fois sur Premier passage à guédeuxième passage à gué sur un chenal du VerdonRochers écroulés un vieux pneu immergé mais rien de vraiment critique. J’entre alors dans une zone peu fréquentée qui donne parfois l’impression qu’un cataclysme est passé par là : des rochers écroulés, des arbres tombés. J’arrive finalement au bout d’un sentier qui frôle dangereusement le vide au dessus de la rivière puis se termine dans un recoin sauvage et ombragé qui ferait sûrement le plaisir des pêcheurs de truites ; demi-tour pour prendre un sentier qui remonte vers la route en évitant judicieusement la propriété privée.

La route est fort fréquentée et c’est une partie qui m’inquiète un peu. Je redescends vers le Verdon par un sentier bien visible qui débouche dans un champ de maïs que je contourne puis, ravie, retrouve le Verdon… jusqu’au panneau ‘propriété privée, domaine des Iscles’ (ils auraient pu le mettre avant, leur panneau d’interdiction !). Demi-tour. Impossible de continuer jusqu’à Gréoux en longeant le Verdon.

Domaine de Lineau (aqueduc derrière les arbres)Ne voulant pas me payer la route sans aménagement piéton, je décide donc de rejoindre le domaine de Lineau – autrefois un château et une ferme – et emprunte une toute nouvelle voie forestière que je devrai terminer à vue (direction Est) à travers bois et broussailles : elle rejoint l’autre piste forestière de Lineau (que vous pouvez emprunter également juste avant le portail du château), et ses traditionnels galets. Depuis la butte, sous la ligne à haute tension, se profile le village de Gréoux. La drailleLa piste croise ensuite la draille des troupeaux d’Arles, le sentier emprunté autrefois par les moutons de la région d’Arles pour rejoindre les Alpes, notamment l’Embrunais et l’Ubaye, une belle draille bien large, bien différente de celle que j’avais empruntée à Eguilles.

Les drailles étaient bornées de pierres plantées par couples, de part et d’autre, tous les quatre ou cinq cent mètres, des tas de pierres délimitant le tracé afin que les troupeaux puissent également les emprunter de nuit. Ces routes étaient des voies publiques donc inaliénables. Elles étaient entretenues à l’aide des redevances versées aux communes par […] les propriétaires [capitalistes] des troupeaux arlésiens.
Au fil des siècles, ces routes pastorales furent difficiles à maintenir contre les empiétements de plus en plus grands des riverains, qui en contestaient notamment la largeur, et l’envie croissante des communes de les récupérer. […] Cela donna lieu à de multiples affrontements, que des réglementations ponctuelles ne parvenaient pas à éviter. […] Les transhumants, lassés d’une lutte sans fin et sans résultat, abandonnèrent dans le courant du XIXe siècle ces routes traditionnelles pour emprunter celles de la vallée. Extrait du site la routo
Jusqu’aux années 50, l’organisation des alpages était fort différente de l’organisation actuelle. Le bayle, chef des bergers, était accompagné de plusieurs bergers.
Le bayle […] « gardait » ses montagnes et en assurait la gestion quelle que soit la provenance des bêtes. […]. Cette pratique du couple bayle-bergers a peu à peu disparu, à la fois pour des raisons économiques mais aussi pour des raisons techniques : l’évolution des systèmes et des techniques d’élevage a conduit à une simplification des modes de conduite des troupeaux et des alpages, […] Association d’anthropologie méditerranéenne

Un peu de conifères le long de la drailleDans un « mémoire de la route de l’abeillier2 qui va dépaitre pendant l’été à la montagne de Larche et celle de Josiers […], en l’année 1752, parti le 14 juin de la même année, composée de 10402 bêtes, on passe par Salon Meyrargues, [ndlr : Vinon], Gréoux, Digne, Seyne, Barcelonnette, ou on arrive le 28 juin. Dépense 974 livres 87 deniers, 8 sols.
Il fallait donc 2 semaines de marche à pied pour rejoindre le nord des Alpes de Haute-Provence depuis Arles.

BorneBorne  limite 50Le long de cette importante draille des troupeaux, il y a plusieurs bornes portant des numéros ; elles délimitent la voie de transhumance mais ne sont pas des bornes de transhumance. le poteau de TelleLe poteau de Telle, au bout du plateau de Valensole, est un carrefour pour les troupeaux transhumants. Une carraire permettait alors de descendre droit sur la Bégude puis Estoublon.
Statut juridique d’une carraire, OFME

Continuer la lecture de Du Verdon à l’ancienne draille des troupeaux