La crête de Géruen


Cela fait longtemps qu’estoublon m’avait recommandé cette randonnée sur la montagne de Géruen, à l’est de Sisteron. Je pars du Col de Font Belle à Authon, après 20km de route étroite tout en virages. Un endroit perdu dans la forêt et pourtant fort fréquenté en ce début septembre. Le parking est presque plein ; les randonneurs partent pour la grotte Saint-Vincent, Authon ou la crête de Géruen ; les joueurs de boules s’exclament, les familles parcourent le sentier de découverte et les sportifs du dimanche entretiennent leur forme dans les épreuves du parcours sportif. Les deux guides de randonnée que j’ai consultés prévoient 3h45 de randonnée ; attention ! ce n’est que l’aller ; presque 600m de dénivelée, il faut les faire même si elle s’avale en douceur par une montée en pente douce et régulière.
Topo-guide les Alpes de Haute Provence à pied, ADRI/ass.dép. logis de France, FFR, 2002.
Par les chemins A travers la réserve géologique de Haute-Provence, ADRI/Réserve géologique, ADRI/Réserve géologique, 2000

Tout commence par le GR6, large piste forestière qui passe devant une grande maison abandonnée près d’une fontaine alimentée par le bassin d’eau tout proche. Un quart d’heure plus tard, je prends le chemin de Thierry dont je ne sais qu’une chose, qu’il aimait parcourir ce sentier.

La forêt dans laquelle je pénètre est toute neuve : on circule dans cette forêt reboisée au XIXè siècle par un sentier facile qui passe au dessus de ruisseaux sur de grosses planches de bois, parfois se crée un passage dans un pierrier. Sur un court passage, le sentier a été renforcé par de grosses pierres équarries et alignées, signant son statut de voie officielle autrefois.

Quand enfin j’arrive au pied de l’impressionnante barre rocheuse, je me demande comment je pourrais me retrouver au-dessus sans un pas d’escalade ou un passage avec chaîne. Moyennant un long détour en épingle, avec pour seule difficulté un passage un peu plus glissant dans la terre, je me retrouverai au départ du sentier de la crête.

Le GR6 et le sentier jaune cheminent ensemble pendant quelques minutes. A droite, un peu en hauteur, un poteau de bois au liseré jaune m’invite à monter d’un étage pour me rapprocher de la crête. Je décide cependant de continuer le GR6 pour observer trois patous en train de rassembler les moutons pour les conduire sous le couvert des arbres. Ils ont si vite fait que je n’aurai pas le temps de les  photographier. Je rejoins donc le sentier jaune à vue, non sans mal car la pente est raide. Il est plus de 13h : je m’arrête pour le pique-nique sous un pin.

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La boucle de Blachère à la Motte du Caire par la gypière


IMG_5817.jpgUn week-end de solitude comme j’aime à en faire de temps à autre. J’ai réservé à la Motte du Caire une modeste chambre d’hôtes – la maison des hôtes – où l’accueil est simple et cordial. Arrivée tard dans la matinée, je pars aussitôt pour la boucle de Blachère annoncée avec une seule étoile en difficulté. Elle le fut plus que je ne le pensais : j’aurais dû la faire dans l’autre sens en commençant immédiatement par la montée quand j’étais encore en forme.

IMG_5821.jpgJe longe tranquillement le large terrain de vol à voile. Beaucoup de personnes viennent jusqu’ici pour frôler la montagne ou voler avec les oiseaux. Le chemin est long mais plat, longeant les cultures de pommiers recouverts d’un filet qui les protègent de la grêle, puis traversant un sous-bois. Je remonte ensuite sur la route, en longeant le Sasse, ce torrent parfois impétueux. Au panneau, je tourne à gauche sur le sentier rejoignant la gypière où se trouve un four à plâtre encore en bon état. Je m’assois sur le rebord près de la meule qui servait au broyage, et je prends mon pique-nique.
IMG_5835.jpgLe minerai de gypse, très répandu en Haute-Provence, est une roche plutôt tendre relativement aisée à extraire, que l’on «cuit» afin de la déshydrater presque complètement avant de la broyer ou de la moudre plus ou moins finement.

Four à plâtreIMG_5828.jpgIMG_5833.jpg

le four à plâtre : meule, axe de la meule, four

Le travail de fabrication du plâtre comporte trois étapes longtemps maîtrisées par les mêmes personnes :

  • L’extraction du gypse ou pierre à plâtre a lieu en général en carrière à ciel ouvert, à Clamensane par exemple ; le travail se faisait au pic, à la pioche et à la masse principalement, avec un transport au panier jusqu’au four, en général à proximité. Plusieurs communes géraient elles-mêmes de façon communautaire leurs carrières ouvertes aux habitants pour leur besoins personnels. La Motte-du-Caire instaure en 1900 une taxe visant uniquement les commerçants.
  • La cuisson : «les faiseurs de plâtre» empilent des blocs de gypse de plus en plus petits en formant une ou plusieurs arches dans une simple cavité circulaire, une «culée». Un feu de bois est allumé sous les arches pour une cuisson de plusieurs jours dans ce four vertical, à 100-150 degrés environ. La cuisson selon ce procédé n’était donc pas homogène […].
  • Le broyage : le gypse «cuit» est trié pour séparer au besoin les morceaux particulièrement «incuits» et les «surcuits». La fournée est mélangée pour homogénéiser l’ensemble. Puis le plâtre est réduit en poudre. Plusieurs systèmes coexistent jusqu’au XXè siècle : le battage à bras à la masse de bois à long manche souple, le broyage au rouleau de pierre sur l’aire à battre les céréales, à la meule dans un moulin artisanal. Ces moulins circulaires étaient souvent actionnés par des animaux. Le plâtre est ensuite (ou simultanément dans les moulins) tamisé plus ou moins finement.
    Transporté en vrac, en charrette, le plâtre pouvait être stocké ainsi dans un coin de grange, vendu cru par charge ou cuit par fournée. Il était alors mesuré jusqu’à la Révolution en «émine» (environ 33 litres) ou en «panai», valant une demi-émine. Après cette époque, il était conditionné en sacs de toile et mesuré en boisseaux (unité valant un décalitre), avant l’apparition des papiers composites contemporains pour un conditionnement de 40 kg.

Extrait de Deco-verone.com. Voir aussi le métier de gypier

IMG_5839.jpgIMG_5837-225x300.jpgJe me remets en route ; je m’égare dans les terres noires et rate l’étroit sentier qui s’enfonce dans la forêt domaniale du Grand Vallon. A partir de là, la montée sera continue et rude, surtout au moment de la digestion. Les moustiques m’attaquent férocement : je suis obligée de m’arrêter et m’asperger de l’anti-moustique que j’avais acheté pour mon voyage en Egypte. Parvenue en haut, les montées et descentes alternent continuellement sans jamais passer par le point culminant de la Blachère.

IMG_5847.jpgIMG_5843.jpgParvenue enfin sur le plateau du grand Abian (1131m d’alitude), le décor change : une large piste forestière bordée de pins, de vastes prairies, une ferme en ruine encore en activité au XXè siècle,  finalement un lieu qui invite à la détente. Je cherche un peu le sentier qui redescend sur le village. Pas très agréable, caillouteux, il serpente en sous-bois. Quelques arbres abattus en travers du chemin témoignent de la dernière violente tempête.

IMG_5849.jpgD’en haut, se laisse admirer le tableau composé de champs colorés au pied de la montagne. La descente me semblera longue. J’arriverai au gite pour le repas au cours duquel je serai initiée à la théorie du vol à voile et incitée à monter au sommet des Monges, ce que je ferai le lendemain (voir le sommet des Monges à partir d’Esparron la Bâtie).

Finalement un circuit plus difficile qu’annoncé à ne pas faire seul (aucune rencontre en chemin, impossible d’utiliser le téléphone portable). Le four à plâtre vaut le déplacement : on peut s’approcher en voiture.

Image de l’itinéraire 14km200 4h dépl. (5h au total) +877m -822m 480m dénivelée

Le sommet des Monges à partir du lac d’Esparron la Bâtie


IMG_5857.JPGSurprise ! oui j’ai été très surprise de découvrir les Monges dont j’avais déjà entendu parler par estoublon. Je rêvais de solitude tout là haut, j’ai été servie : je n’ai croisé qu’un couple en début d’après-midi. Partout de l’immensité à se sentir toute petite et bien faible. L’accès en voiture est difficile, passe dans des gorges, d’impressionnants virages : ici, pas de parc national, pas de surfréquentation, que des amoureux de la nature, à pied ou à cheval.

J’ai passé la nuit à la maison des hôtes de la Motte du Caire que j’aime particulièrement pour sa simplicité et son accueil (il y a même le wifi !). La maitresse de maison cuisine fort bien ; son mari, marc Linarès, guide de randonnées, pourra vous éclairer sur les randonnées environnantes et donc sur fiche les Monges qu’il a rédigée.

IMG_5858.JPGIMG_5871.JPGLa randonnée commence au lac d’Esparron (la Batie) ou lac des Monges accessible l’été par une longue piste étroite qui traverse un gué et sinue beaucoup. Je me gare au parking de l’ONF déjà occupé par plusieurs voitures. Je rejoins le lac derrière lequel s’étend le grand bois de la forêt des Monges. Le GR6 grimpe très doucement entre deux rangées de framboisiers sauvages puis se sépare en deux pistes. Je le quitte pour celle de droite qui entre dans une forêt aux arbres gigantesques. Au bout de la piste en cul de sac, je tourne à gauche au panneau à peine visible : à partir de là, les paysages vont changer au gré de mes changements de direction : sous-bois humides, landes, pinèdes, pâturages, entre ombre et lumière.

IMG_5877.JPGIMG_5899.JPGParvenue sur la crête dégagée, je m’assois face aux pâturages de Clapouse1 ondulés et d’un vert jauni par le soleil. J’entends les moutons bêler. Tout en bas, le troupeau s’agglutine en larges arabesques autour de la cabane de Clapouse. Après avoir mangé une partie de mon sandwich, je repars en sous-bois clairsemé dont les arbres ont tous un tronc incliné dans le même sens. IMG_5874.JPGUne grosse chenille traverse le sentier, roule sur un caillou, pirouette puis se retourne. Elle porte une livrée brune sur le dessus, des rayures jaunes latérales, un dard noir recourbé sur l’arrière train. Je l’observe pendant quelque temps. Je pense qu’il s’agit d’une Chenille du sphinx du pin

L’ activité est bien sûr essentiellement dévolue à la prise de nourriture, ce qu’elle fait en se saisissant très adroitement d’une aiguille de pin, et en la grignotant par le dessus.  Une corne post abdominale noire, et typique, orne le postérieur des chenilles de pinastri.

Plantes nourricières : Pin sylvestre , Epicéas, Mélèze.

Cycle biologique : Une ou deux générations par an. Les œufs sont pondus sur les aiguilles par groupe de deux ou trois (juin à août). L’éclosion s’opère une quinzaine de jours après la ponte […]. Elles ont une activité diurne, mais sont très lentes et difficiles à repérer en raison de leur coloration. La nymphose s’effectue sous des aiguilles de pin tombées à terre ou dans le sol, à faible profondeur. Extrait du site les pages entomologiques d’André Lequet

Photo de l’imago (site liboupat2.free.fr

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