Lors de notre dernière visite en 2020 (Lire La cascade de Malaga), nous n’avions pas réussi à accéder au castrum que l’on voit depuis le parking sur le GR2013 au bout de l’étroit chemin de Saragousse. Georges m’a incitée à y retourner en traversant l’oppidum (seconde moitié du 1er siècle, réhabité à l’époque gallo-romaine), ce que nous avions tenté une première fois sans succès ; cette fois ce fut la bonne. Il s’agit du château de Rognac – première mention 1337 – selon les écrits anciens.
Au bout du sentier passant par l’oppidum, le rocher rétrécit en largeur et n’offre plus d’accès facile ; sauf en descente face au rocher, moyennant un pas d’escalade un peu difficile pour trouver des appuis sûrs pour les pieds ; l’environnement dégradé est composé de rochers éboulés qui se détachent ou de pierres qui s’effritent. Une fois en bas du passage délicat, une sente descend dans le fossé défensif, taillé dans le socle rocheux, bien encombré de débris de toutes sortes, dont ceux de l’incendie de 2016 ; nous sommes au pied du rocher supportant le castrum ; par une étroite cheminée, nous atteignons le pied du mur de la tour carrée.
Ci-contre : plan du castellum et du vieux village de Rognac révisé d’après le croquis de Clastrier, Bulletin de la Société Préhistorique Française, 1908. Reproduit dans Contribution à l’étude historique de Rognac, Société d’histoire locale de Rognac, Dr Gérard Castel.



Du côté de l’oratoire saint-Jacques, en bas du chemin de Saragousse, a été trouvée une énorme quantité d’ossements humains (charnier) et des ensevelissements sans sépulture, corps étendus à l’horizontale sur le dos.
Côté oriental le reste d’un mur de rempart et derrière, le mur d’une grande salle que l’on voit un peu mieux côté depuis le chemin de Saragousse.
Côté ouest, en contrebas, un mur isolé du côté du vieux village, descendant vers le vallon.
Et autour des restes du mur d’enceinte du vieux village qui coupe par deux fois le chemin de Saragousse depuis lequel on peut apercevoir, avec un appareil photo au zoom, une dalle horizontale de ciment, composé d’un fond de mortier blanchâtre piqueté de petits cailloux rouges formant saillie sur le rocher ; il en existerait une similaire à Pompéi ; de petites dimensions 2mx2mx0.15m, elle s’enfonce sous une couche d’humus : protection ou support ou élément de décor ?
Les fouilles dans ce quartier ont mis en évidence un abri néolithique, des sépultures préhistoriques, un établissement gallo-romain au pied du castellas. Les infiltrations d’eau dans les grottes ont pu fournir de l’eau aux habitants (Bulletin Société Préhistorique vol.5 1908). Contribution à l’étude historique de Rognac, Dr Gérard Castel, Société d’histoire locale de Rognac, Imprimerie Graphic service
Retour sur le GR2013 par une large piste jusqu’à la Croix de Rognac.
La Croix de Rognac domine le village, point de repère dans le paysage ; point de vue exceptionnel sur l’étang, le cordon dunaire du Jaï, la villeet… les usines pétrochimiques de l’étang de Berre, la mer de Berre comme disaient les anciens.
Cette haute croix de métal porte l’abréviation JHS pour Jésus Sauveur de l’Humanité, et un cercle bordé d’épines ; elle a dû être coûteuse et nécessiter pas mal de difficultés pour être élevée à cet endroit il y a plus d’un siècle. Je ne trouve pas trace d’une bénédiction comme cela s’est passé pour la Croix de Provence, pas de compte rendu dans la presse ancienne, pas de récit de touristes venus par le train, pas d’existence sur le cadastre. D’après une publication facebook sur l’histoire de Rognac, ce serait un ex-voto en quelque sorte, élevé très longtemps après l’évènement :
En 1852, un enfant Benjamin Barthélémy, tomba de la barre rocheuse, fort élevée en cet endroit, et survécu par bonheur à sa chute. En 1866, fut scellée sur l’un des piliers de l’église paroissiale une plaque de marbre blanc portant, gravée en lettres dorées, les remerciements de la famille Orgia [Marie] ORGIAS pour la grâce obtenue. […] La Croix de Rognac serait le remerciement de la famille de l’enfant sauvé.
Je n’y crois pas d’autant que dans Chants des félibres, poésies provençales modernes, François Delille, 1881, il est rapporté une INSCRIPTION DE LA CROIX DE ROGNAC (Bouches-du-Rhône) d’après l’inscription en vers provençaux de M. Alphonse TAVAN :
Resplendis dans l’azur, resplendis dans l’espace
Croix sainte, dont les bras s’étendent sur ces champs
Le peuple de Rognac l’a mise à cette place
Protège son terroir, et garde ses enfants !
Alphonse Tavan (1833-1905), félibre, était en poste à la gare de Rognac (photo wikipedia). Ses poésies lyriques ont été publiées en 1876 dans Amour et plour. Une croix existait donc avant 1881, date de sortie du recueil de poésies. Pourtant le site Rognac un antique terroir, qui cite ses sources, évoque l’année 1900, sans date précise, d’après le carnet d’André Avon, témoin occulaire de l’époque… Y-a-t-il eu une première croix en bois qui aurait chuté avec le vent ?
Le peuple de Rognac l’aurait mise à cette place pour protéger son terroir et les enfants de Rognac. Tavan a été éprouvé par le deuil de sa femme et de ses deux enfants (Hippolyte 14/08/1866 et Augustine 23/11/1872 – Geneprovence Alphonse Tavan).
Les paroissiens auraient donc financé cette croix mais je ne peux imaginer qu’elle n’ait laissé aucun souvenir oral ou écrit. Peut-être le peuple a-t-il voulu implorer la protection divine ? La fin du siècle a été marquée par la sècheresse ; une épidémie de choléra en 1854 et en 1896, l’eau du canal n’étant plus potable, les habitants ont pu craindre une nouvelle épidémie. Cette absence d’informations fiables est bien mystérieuse…
Qui pourrait me renseigner ?
En 1991, quatre membres du comité de chasse, suspendus avec des harnais accrochés sur la croix (Perrin Albert, Barrou François, Eygier Lucien, Cour René) repeignent la croix et installe les lumières pour Noël. facebook, histoire de Rognac (blog personnel).
Sur cet immense plateau où on se dirige à vue, nous terminons par le refuge Saint-Hubert, inauguré par le maire et le président de la société de chasse.
La tradition légendaire raconte cette belle histoire du cerf qu’il [Saint-Hubert] vit durant une chasse, un jour de Vendredi-saint, et qui lui apparut avec une croix entre ses bois « Chasser un jour pareil ? pourquoi ne vas-tu pas prier ? ». Dès le XIe siècle, il était le patron des chasseurs. nominis
Petite balade sur le plateau de Rognac pour gens curieux et pressés ; même si nous avons pu entrer dans le castellas sans forcer aucune barrière, le lieu est dangereux et je déconseille d’y emmener un groupe. Par contre, après de fortes pluies, vous pouvez tenter d’aller voir la cascade du vabre [ravin, ruisseau] de Malaga.
Image de l’itinéraire 2k432m (dont 700m aller/retour pour le castellas), 33m dénivelée, 1h environ
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Merci Nicole,
Ça sert à quoi ? Vraiment nébuleux…