Une demie-journée à Pélissanne


Petite balade pour une demie-journée en commençant par la borne milliaire anépigraphe1 chemin de Gigery au lieu-dit Bidoussane sur l’ancienne voie aurélienne forcément. Inclinée mais bien stable, elle ne porte aucune inscription. Les voies Auréliennes des Côtes et de Redourtière relient alors Pélissanne aux grandes villes romaines.
On sait qu’après Aix la Voie Aurélienne se partageait en deux : l’une d’Aix à Arles par Pisavis, (Pisavis serait aux Redortières à Pélissanne pour certains historiens). Ces bornes situaient  les étapes de la Via Aurelia, positionnées tous les mille pas soit tous les 1481,50 mètres. Les indications gravées sur les bornes donnaient les valeurs de distance en chiffre, les lettres donnaient le nom de l’empereur qui avait fait entreprendre les travaux et les honneurs rendus à ce dernier.

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Les bornes milliaires de la Via Aurelia

Vous y trouverez une cache la borne milliaire de Bidoussane posée par liodan13

Je rejoins maintenant l’unique place de parking partagée avec celle d’un propriétaire, à l’entrée du chemin des Redortières. Au départ, c’est l’apié que je recherche. Je suis le chemin vers le nord jusqu’à rencontrer un travailleur dans son champ d’oliviers ; je le questionne ; il propose aussitôt de me conduire à l’apié (privé) : il s’en occupe souvent en l’absence de son propriétaire qui vit le plus souvent à l’étranger. L’accès n’est pas facile depuis chez lui mais heureusement, il me montre un accès beaucoup plus évident à partir du sentier parallèle plus à  l’est. La propriété n’est pas close mais il faut se souvenir quand même que vous circulez dans une propriété privée. C’est un apié familial de 5 cellules qui n’est plus entretenu. Construit dans un mur de soutènement, chaque alvéole constitue un abri surmonté d’un linteau. On y disposait le « brusc », ruche rustique confectionnée en écorce de liège. La production habituelle d’un brusc  tournerait autour de 5 à 6 kg de miel, à une époque où le miel était un édulcorant recherché et cher.

En savoir plus sur Les murs à abeilles de Provence dans le blog randomania plus

Les murs à logettes, étude archéologique du site itarkeo

Je monte sur la colline totalement dénudée qui redescend par un sentier longeant un champ non loin de l’oppidum des Redortières occupé aux VI-Vè av JC puis IIè-1er siècle avant JC (carte archéologique de la Gaule p.265) pratiquement détruit par un charruage profond. Ce n’est pas tout à fait un chemin car la pierre est creusée sur plusieurs dizaines de mètres dans le rocher, et se termine par une carrière près de l’ancien chemin de Pélissanne à Lambesc. Qu’a-t-on pu transporter sur cette voie à ornières profondes ? selon la carte archéologique de la Gaule – l’Etang de Berre 13/1, Fabienne Gateau, Frédéric Trément, Florence Verdin, Ministère de la Culture, Ministère de l’enseignement supérieur, 1996 la voie est large de 2m environ, les ornières de 0m30 de profondeur et distantes de 1m20 : une voie se dirige vers Sainte-Croix à l’ouest, une autre vers la villa en contre-bas ; est-ce un chemin saulnier – en latin via salaria – qui permettait d’acheminer « le sel extrait des étangs de la région d’Istres à Lambesc et à la Durance par Aurons » ? (selon l’histoire de Pélissanne, par l’association AD3P)

[Les voies à ornières] Ce sont des paires de rainures tracées dans le rocher, qui servaient à conduire les chariots selon une ligne donnée, à la façon des tramways modernes. Ce guidage était particulièrement important pour les véhicules qui étaient utilisés avant le XIXè siècle, car ils ne possédaient pas encore de freins pour contrôler les roues. En règle générale, les roues étaient bloquées par des chaînes […]. Si les roues n’étaient pas guidées, il n’était pas rare, sur cette surface rocheuse, que le véhicule sorte du chemin. Extrait du site suisse viastoria sur les voies de communication à travers la route du sel.

Le petit circuit peut-être complété par la visite de Pélissanne : son beffroi, le lavoir des Passadouïres, son moulin, le canal de Craponne, la fontaine du Pélican, la chapelle Saint-Laurent.

Image de l’itinéraire 59m dénivelée, 2km700, 45mn environ

1anépigraphe : qui est sans inscription

** Découverte du plateau de Ganagobie


Après 4km de virages tout en montée, vous parvenez sur le parking du prieuré de Ganagobie. Après vous être garé, vous ne pouvez manquer la vue sur la vallée de la Durance qui « méandre dans le lit restreint que les hommes lui ont laissé ». Le parcours sur le plateau s’avère facile et plein de surprises ; aucun danger dans la zone centrale : les enfants pourront courir en toute liberté. Le seul risque se trouve sur le bord qui donne sur un a-pic. Si vous allez à l’aventure sans préparer votre circuit, il est probable que vous ne verrez pas tout. Je vous accompagne sur ce plateau dont les plus anciennes traces remontent au néolithique (2800 à 1800 av. J.C.).

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Nous longeons d’abord le bord du plateau le long de falaises abruptes que l’on ne peut franchir que par la route sinueuse qui entaille le roc. Nous marchons sur des dalles calcaires irrégulières, la sixième et dernière couche géologique. Si on s’approche du bord, on s’aperçoit que des fissures verticales  importantes se produisent. Sans aucun doute, un éboulement aura lieu tôt ou tard.  Côté panorama : calme, austérité, collines dans lesquelles on devine quelques fermes en ruine.

Nous passons à côté d’une meule de moulin cassée puis à la fontaine aux oiseaux, lieu joliment renommé pour désigner l’impluvium d’un chantier d’extraction de meules, relié par une goulotte à un bassin supérieur carré.

Nous croisons le chemin communal de Monticelli qui menait à Augès, continuons jusqu’à l’extrémité nord du plateau : le pendage de la dalle est au plus fort : 70m de dénivelée entre le nord et le sud du plateau ; évidée naturellement, à son pied, elle pouvait abriter les troupeaux. Quelques mètres plus loin, nous arrivons devant Villevieille (castrum de Podio en 1206) et son très long rempart de pierres rectiligne (120 m), avec une tour circulaire et un donjon-porte. La grande salle adjacente au rempart ressemble à une chapelle : un ancien bénitier abandonné au sol peut le faire croire mais les archéologues la qualifient de salle des gardes (fin XIIè), les fenêtres sont d’ailleurs réduites à des meurtrières ; le village médiéval n’a été qu’éphémère : guerre de religion et peste ont fait fuir les habitants et les moines au XVIè siècle.

Nous passons derrière le mur ; deux autres personnes  juchées sur les murs en ruine, visitent l’ancien village ; il s’agit du Père abbé, fier de faire connaître le site à son vieil ami chirurgien ; il nous raconte avoir quitté l’abbaye de Hautecombe pour Ganagobie il y a une vingtaine d’années et que depuis, il n’a cessé de travailler à sa restauration.

Nous rejoignons l’éperon rocheux au nord et ses dizaines d’habitations écroulées, disposées de manière orthogonale. Le village était équipé d’une tour ronde dont les vestiges ont presque totalement disparu. Au loin, estoublon me montre Augès et le Tourdeau où nous avions randonné dans la neige (la chapelle d’Augès et la ferme des Lioux).

Le chemin de l’intérieur du plateau, tantôt s’ouvre sur des clairières, tantôt est enserré entre les taillis ; nous avons bien du mal à identifier la fonction de certaines constructions en pierre sèche. La chapelle Saint-Martin au profil étiré, n’a plus que les murs sur le tiers de sa hauteur ; elle est coupée par un mur de refend qui détermine deux espaces différents ; une pette nécropole entourait le sanctuaire. Les écrits n’en parlent que sur l’inventaire des biens nationaux de 1791. Petite halte sur le banc de pierre (un évier de pierre plutôt…)

L’allée de Forcalquier, autrefois appelée le promenoir parce que les moines s’y promenaient après le repas, mène à une croix blanche dominant un spectaculaire point de vue  sur des étendues vallonnées, les coupoles de Saint-Michel, le Luberon. Sur la droite, j’avais déjà visité la carrière de meules lors de la fête régionale de la randonnée de 2008. Il y en a trois sur le plateau : près de la fontaine aux oiseaux, près de la chapelle Saint-Martin, et la plus grande au bout de l’allée de Forcalquier ; Martel a recensé 150 extractions. Parfois, l’extraction a échoué et la meule est restée en place.

Elle est détourée au pic. Si l’épaisseur de la meule correspond à l’épaisseur du lit rocheux, elle est extraite à l’emporte-pièce sinon il faut décoller sa face inférieure du sol ; une rainure est alors pratiquée à la base de la pierre dans laquelle on enfonce des coins de bois dont le gonflement, après arrosage, est théoriquement suffisant pour obtenir la séparation de la meule du sol. D’où le creusement d’un bassin muni d’une bonde d’écoulement juste à côté de la carrière. Les petites meules sont destinées à un usage domestique pour les céréales ou les sels. Les grandes (1m20 de diamètre), planes sur leurs deux faces, sont destinées plutôt à des moulins à huile. En effet, le matériau est trop médiocre pour une rotation rapide. Voir notice 20 page 241 du livre Ganagobie, mille ans d’un monastère en Provence, Michel Fixot, J.P. Pelletier, Guy Barruol, les Alpes de Lumière, 2ème édition, 2004

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Jouques : point de vue aérien sur le défilé de Mirabeau


Tout commence par le GR9 le long de la nationale 96. Raide et glissant, parfois protégé du vide par un maigre grillage il nous mène à un premier replat d’où nous apercevons les profondes entailles qui ont été nécessaires pour construire le tunnel de l’autoroute.

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[Le tunnel] est précédé d’une profonde tranchée, taillée à vif, dans des couches de calcaire relevées à la verticale, d’une largeur de 160 à 200 m au sommet et d’une profondeur de 50 à 70 m et ses rebords, en escaliers cyclopéens protégés par des treillis métalliques.

Le sentier se poursuit dans un sous-bois désolé et désert. L’épave d’une camionnette gît, abandonnée, au bas d’une pente : voilà qui intéresse le chasseur d’épaves qui m’accompagne et qui a déjà repéré quelques détails d’époque. Oui on peut en faire des photos artistiques (galerie photos de Epaves en liberté). Nous longeons un grand champ de lavande. Nous sommes proches de la ferme de La Daouste et de la zone de pâturage de 30 hectares sur laquelle paissent des chèvres Alpines chamoisées et des Saanen qui en profitent pour débroussailler les zones envahies par la végétation.

Nous délaissons le GR qui passe devant la ferme de l’Adaouste. Après être passés devant un modeste monument en mémoire à un résistant ‘Garcia Jean 10 juin 1944’, le sentier se perd en cul de sac. Nous atteignons le point le plus élevé avec une vue étendue et spectaculaire sur le défilé de Mirabeau.

La Durance, le nouveau pont, les piles de l’ancien pont suspendu, le rond-point (celui des sculptures de Sartorio), le village de Mirabeau (photo estoublon)
 
 
 
 
 
 
Au zoom (photo ci-contre d’estoublon), les entrées des tunnels autoroutiers de l’A51 depuis la Baume Lyonnaise

La rivière s’enfonce ensuite au cœur de l’anticlinal jurassique par le resserrement entre les massifs de Lescaran et de la Baume Lyonnaise […]. C’est dans ce dernier étroit minimal, […] que l’on a ancré les ponts successifs et, autrefois, le départ des trailles du bac principal. (Voir Traverser la Durance à Mirabeau dans le blog randomania plus). Au plus étroit du défilé, celui-ci ne dépasse guère 220 m de large environ, où doivent s’insinuer actuellement la route, l’autoroute, le chemin de fer, leurs talus et leurs emprises. Extrait de Le défilé de Mirabeau : un grand site naturel humanisé à fonction primordiale de passage, André de RéparazInstitut de géographie, Aix-en-Provence, 1960

 

La dénomination de Baume Lyonnaise n’existe pas sur le cadastre napoléonien. Mais la baume de l’Adaouste, que nous n’avons pas cherchée, est toute proche (désigne-t-elle la même ?). Les Jouquards pensent qu’Eucher s’y serait retiré mais les Beaumontais pensent qu’elle se situe dans la falaise des Rochers Rouges ; selon la légende, c’est dans une grotte que les ambassadeurs de l’Eglise de Lyon seraient venus le chercher pour en faire leur archevêque.

D’un point de vue archéologique cette grotte a fait l’objet de fouilles méthodiques et complètes : outillage de silex, pierre polie, os ; poteries, parures. Des recherches récentes ont mis en évidence le passage de chasseurs de cerfs et chevaux (-80000 ans), deux campements de chasseurs de bouquetins, l’utilisation du site à des fins rituelles au néolithique. Le plus curieux en Provence ce sont les bouquetins de la dernière période glaciaire. L’espèce de bouquetin alpin trouvé pour la première fois dans cette grotte, sert désormais à définir un type morphologique : le morphotype Adaouste. Les occupations humaines de la grotte de l’Adaouste, G. Onoratini, B. Mafart, C. Joris, I. Baroni, Quaternaire, 1997, vol.8

Le retour se fait à l’intuition en suivant les chemins forestiers indiqués sur la carte du GPS ; aucun balisage ! quand nous arrivons à proximité de la route nationale, je propose de longer la voie intérieure qui passe dans le quartier résidentiel de l’EDF. Parvenus au portail de la centrale, nous constatons que nous sommes enfermés. Aucune issue. Nous rebroussons chemin. En conclusion, mieux vaut longer la route nationale jusqu’au parking situé peu après l’aire du pont de Mirabeau.

Une randonnée inédite dont le centre d’intérêt est le point de vue inattendu sur le défilé de Mirabeau.

Image de l’itinéraire 2h35 dépl. seul, 8km900, 203m dénivelée