Sur une idée d’André, nous retournons du côté de Vernègues où nous avions découvert le site peu connu d’Avalone. Là aussi, lieu riche en patrimoine religieux : c’est d’ailleurs près d’une chapelle que nous nous garons.
La chapelle Saint-Jean date du XIIe siècle (style premier art roman provençal) ; bien restaurée extérieurement avec assemblage de moellons et pierre de taille sur les chaînages d’angle, elle est à ciel ouvert à l’intérieur avec un bel arc triomphal en pierre de taille et une abside voûtée en cul-de-four. Selon Antonin Palliès, journaliste au Petit Marseillais en 1902, l’abside serait plus ancienne et contiendrait des bas-reliefs gallo-romains. Comme souvent, les fouilles archéologiques de 1986 ont révélé sous l’abside un foyer du Ve siècle avant J.-C.
Direction de la ferme de Rousset par un sentier communal, creusé d’ornières, datant sans doute des romains : en effet une villa romaine, des tombes, des moulures antiques réemployées dans cette ferme signent leur présence. Peu avant, pas de trace de la borne 35 dite des Trois-confronts (Alleins, Vernègues, Aurons) pourtant souvent matérialisée par un cairn imposant ou une grosse borne de pierre, gravée ou pas.
Nous continuons le sentier en bordure de bois, à la recherche d’un vieux puits ; nous avons pour cela la carte de l’IPIL d’Alleins ; André cherche d’un côté, je cherche de l’autre à l’aide de mon GPS et de la carte aérienne. Je trouve le vieux puits côté gauche, sans doute médiéval, dont la margelle est formée d’un seul bloc monolithe. Il se trouve dans une parcelle de pâturage d’une vaste propriété agricole (1827 section D3 du cadastre napoléonien) appartenant autrefois au seigneur d’Aurons Louis de Cordoue, famille venue d’Espagne et installée en Provence à la fin du XVe siècle.
En 1575, la famille s’installe au château d’Aurons, le Castellas. Homme politique fort occupé loin d’Aurons (1812 à 1815 : chef d’état-major des gardes nationales de la Drôme, puis sous-préfet, député de la Drôme de 1820 à 1824, conseiller municipal de Tain), il a donc investi dans la terre d’Alleins comme beaucoup de nobles à cette époque, en y plaçant un fermier.
Louis-André-Jean-Raphaël, marquis DE CORDOUE, marié, en 1799, à Marie-Anne-Julie-Victoire-Caroline Jacquemet de Saint-Georges, fille de feu Jean-Baptiste Jacquemet de Saint-Georges, d’abord officier de dragons, ensuite conseiller au parlement de Grenoble, et de Marie-Antoinette de Chabrières de Peyrins.
Un long mur d’enceinte limite le domaine de Valensole tout en longueur : faut-il comprendre que ce nom vient de l’espagnol valle del sol pour vallon du soleil ?
Difficile d’identifier la fonction de ce haut bâtiment rural percé d’une porte et d’ouvertures au niveau du sol ; il se situe légèrement sous le niveau du chemin avec une petite cour devant. Il ne ressemble pas à une bergerie ce que j’avais supposé au départ vu les zones de pâturage autour.
Nous continuons ce sentier de plaine jusqu’aux ruines de la chapelle Saint-Georges qu’il faut chercher dans la végétation. Cette chapelle romane est citée par des archives dès le XIe siècle, elle présente les mêmes caractéristiques que la chapelle Saint-Jean : nef unique, arc triomphal et abside en cul-de-four.
Presque à chaque sortie, nous découvrons une borne (borne de transhumance, borne-limite ou mur-limite, borne de propriété, cairn, borne kilométrique,…) ; sur le bord du chemin, c’est une ancienne borne-limite entre les communes d’Alleins et Aurons ; elle est entaillée sur le dessus de deux lignes qui se coupent sensées représenter la forme de la frontière mais elles sont difficiles à voir ; parfois est gravée la première lettre de chaque commune.
Avec trois chapelles et une tour de guet, la plaine du Sonnailler a les mêmes caractéristiques qu’à Vernègues : des petites unités rurales autour d’un ensemble fortifié, avec de quoi habiter, cultiver et être protégé.
Pour accéder au castrum, il faut trouver le sentier qui part à l’assaut de la colline ; il passe à côté d’un abri sous roche ; à mi-hauteur de la montée, nous apercevons le haut de la tour à travers la végétation, ce qui permet de nous diriger à vue ; après escalade d’un pierrier apparait le donjon à deux étages prolongé d’un mur incurvé. Castrum non cité dans les textes.
Ce mur est la plus ancienne construction percée d’archères basses et dont la base est en appareil appelé en « arête-de-poisson » : moins coûteux car les pierres plates pouvaient être prélevées dans des gisements à fleur de sol, dans les environs immédiats. Le mode de construction de cette partie basse la daterait du XIe.
Le donjon partiellement ruiné, est construit dans un deuxième temps en gros moellons bien taillés, sans ouverture sur trois côtés. Archéologie médiévale Tome V, Implantation religieuse et renouveau des campagnes en Provence du XIe au XIIIe siècle: la région de Lambesc, Centre de Recherches archéologiques médiévales, p.45-72, 1975
En passant au-dessus puis derrière le mur ruiné, nous trouvons le fossé taillé dans le roc (voir plan paragraphe au-dessus) que nous longeons prudemment jusqu’à l’extrémité. A gauche nous identifons une probable citerne. Impossible de contourner totalement le monument, demi-tour. C’est la partie la moins facile.
Inventaire patrimonial d’intérêt local, Alleins, CAUE13
Appareil en arête-de-poisson ou en épi-de-blé (opus spicatum des Romains) ? On trouve les deux termes quand on évoque la construction en pierre sèche mais il y a une différence. En arête-de-poisson, les pierres ou les briques sont dressées sans emboîtement avec les autres rangs, ceux-ci étant séparés par un lit de mortier horizontal rectiligne (wikipedia) ; il est utilisé en remplissage entre deux parements dans les murs épais de l’antiquité romaine.
Un schéma de Camille Germain de Montauzan vaut mieux qu’un long discours…
Nous redescendons par le même sentier puis en contournant le piton rocheux de la tour pour retrouver la vaste plaine agricole du Sonnailler ; passage insensible sur la commune d’Aurons ; nous cheminons agréablement dans les champs ; surprise ! des bovins (rares en Provence) dans un enclos nous obligent à quitter le sentier.
Nous coupons le chemin de la Reynaude (du nom de la propriété qu’elle dessert) en direction le Petit Sonnailler par une voie privée avec droit de passage, ne serait-ce que pour acheter du vin ou prendre possession de sa chambre d’hôtes.
Le Château Petit Sonnailler dont l’origine se situe au Xe siècle est agrémenté d’une tour du XIIe siècle. Il est situé sur la route du sel que suivaient les caravanes en provenance des salins du midi se dirigeant vers le centre de la France. Il avait à cette époque un rôle de surveillance de la bonne exécution de l’octroi. Le domaine du Petit Sonnailler
Passant derrière la bastide, après 600m, nous rejoignons le deuxième carrefour ; peu avant d’y arriver, un monument commémoratif rappelle que le fermier du Petit Sonnailler en juin 1944 a aidé les résistants à installer leur maquis.
Nous montons à droite jusqu’à la troisième chapelle du plateau du Sonnailler : Saint-Martin sur la D16C. Citée dans les textes vers 1300, elle remplace peut-être un édifice plus ancien et ressemble aux deux autres. Et devinez à qui elle appartenait après la Révolution ? au marquis de Cordoue, seigneur du lieu.
– abside semi-circulaire plus basse que la nef, couverte de tuiles ; en pierre de taille disposée, avec alternance de pierres posées à plat et sur champ.
– contreforts en pierre de taille,
– percée d’une fenêtre axiale à arc monolithe.
Ce qui attire notre attention ensuite c’est une construction souterraine au bout d’un couloir étroit. Ni la carte IGN d’aujourd’hui, ni celle de 1950 ne donne d’explication ; c’est le plan du cadastre napoléonien (Aurons section F3, 1814) qui l’apporte : c’était une source couverte mais déjà tarie à l’époque comme nous en avions vue une sur le territoire de Vernègues.
Et pour terminer, un tour en voiture jusqu’au mystérieux pavillon Victoire à Vernègues (Dans la bulle de Manou) que l’on dit avoir été transplanté du Vaucluse jusqu’ici… Réserve naturelle libre agréée par la Société nationale de protection de la nature. A suivre…
Une randonnée facile et riche de découvertes sur une petite surface.
Image de l’itinéraire 7km500, 2h15 déplacement (3h30 avec pique-nique et visite), 35m dénivelée (+147, -147)
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